DÉCRYPTAGE. Grippe aviaire : pourquoi la flambée de nouveaux cas inquiète

Relativement épargné cet hiver, le Sud-Ouest connaît depuis le 4 mai, une résurgence, inédite en cette saison, des foyers de grippe aviaire. En deux semaines, 21 foyers ont été détectés, dont quatre dans les Landes. De quoi questionner toute une filière sur l'avenir de cet élevage.

C’est du jamais-vu. Alors que le niveau de risque passait le 29 avril, de “élevé” à “modéré”, l’influenza aviaire ressurgit dans les élevages du Sud-Ouest. De nouveaux abattages ont été organisés dans les foyers identifiés. Les animaux, en majorité des canards, ont dû être reconfinés, seulement quelques jours après leur retour dans les parcours extérieurs.

Mauvaise surprise

Inédite tant par son calendrier que son intensité, la situation inquiète la filière et les scientifiques qui craignent une adaptation du virus, imposant des contraintes quasi-permanente sur les éleveurs.

Dans les Landes, au Cifog, le Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras, les mots semblent manquer. “Ça a été une surprise. La période à risque s’achève normalement au mois d’avril, on n’a jamais connu d’épisode comme celui-ci dans le Sud-Ouest”, explique Marie-Pierre Pé, sa présidente.

Le Cifog, ainsi que les chambres d’agriculture, ont réagi dans l’instant. Les mesures d’abattage et de décontamination ont été lancées tandis qu’une étude, pour mieux comprendre cet épisode inédit, est en cours.

Les scientifiques dépêchés sur le terrain ont réalisé des prélèvements afin de savoir s’il s’agit du même virus qui a touché les élevages dans le Gers et, comprendre, si c’est le cas, comment il peut être encore présent.

Marie-Pierre Pé, Présidente du Cifog des Landes

à rédaction web France 3 Aquitaine

Les raisons de cette résurgence, François Landais, vétérinaire landais spécialisé dans les pathologies avicoles, aimerait, lui aussi, les connaître. “Les dernières découvertes de cas remontaient au mois de mars. Il s’agissait d’un goéland retrouvé mort sur la plage d’Anglet, à des centaines de kilomètres du Gers”, s’interroge le vétérinaire. 

Qui contamine qui ?

D’ordinaire, la faute était imputée aux oiseaux migrateurs, véhicules du virus lors de leur voyage. Mais, en mai, ils ne sont déjà plus en terres aquitaines. 

On suspecte désormais aussi la faune sauvage, les mouettes, cygnes ou vautours qui vivent aux alentours des élevages.

François Landais, vétérinaire à Arzacq-Arraziguet

à rédaction web France 3 Aquitaine

Jusqu’ici jamais contaminés, ces “réservoirs” d’influenza aviaire seraient alors passés sous les radars, jusqu’à la sortie des palmipèdes, le 29 avril dernier.

Une autre piste taraude aussi les scientifiques : la résistance du virus. “Théoriquement, parce qu’il est très compliqué de déterminer sa durée de vie précisément, le virus ne tient que quelques semaines sur des éléments inertes, comme des plumes ou les fumiers ”, souligne François Landais.

Partant de ce constat, lors des vides sanitaires, l’accent est mis sur le nettoyage à l’intérieur du bâtiment. Les parcours extérieurs, eux, sont moins scrutés. “En zone boueuse, humide et fraîche, le virus a pu s’adapter et tenir plus longtemps et ainsi contaminer les canards dès leur sortie”, suppose François Landais, soulignant l’infime écart, de quelques jours, entre le retour des volailles dans les parcours et leur contamination.

Vers la fin du plein air ?

Un virus omniprésent, capable de s’adapter à de nouveaux hôtes ou de renforcer sa rémanence : la situation fait froid dans le dos des éleveurs, déjà fragilisés par les épisodes hivernaux. 

“Cet hiver, le Plan Adour a permis de mettre en place une synchronisation des vides sanitaires dans tous les élevages pendant quatre semaines pour endiguer l’épizootie. C'étaient des mesures douloureuses, mais cela a fonctionné, on a cru détenir la clé”, retrace la présidente du Cifog dans les Landes.

En réaction à ces nouveaux cas, de nouveaux abattages ont été organisés, de nouvelles contraintes ont été imposées dans un rayon allant jusqu’à 20 km. Vendredi, dans les Pyrénées-Atlantiques, les Landes, le Gers et les Hautes-Pyrénées, tout mouvement d’animal a été interdit. 

Si ces mesures sont une réponse à l’urgence, leur permanence ne peut être envisagée par la filière. “Nous sommes une filière de plein air. Élever des canards en intérieur par 25 degrés, c’est tout bonnement impossible”, martèle Marie-Pierre Pé.

Vaccination miracle ?

Face à cette situation, une seule solution semble mettre tous les acteurs d’accord : la vaccination des volailles. “Comme pour les humains, ce vaccin n’éradiquera pas le virus. Mais les différentes études réalisées à ce sujet montre une véritable baisse des contaminations”, explique François Landais.

Sur la table depuis de longs mois, le dossier de la vaccination arrive désormais aux études de financement, l’une des dernières étapes avant sa mise en route, à la fin de l’année. Si d’ordinaire, il ne devait être administré que lors des périodes à risque, “c’est dorénavant toute l’année qu’il faudra le faire”, résume la présidente du Cifog.

Deux vaccins sont en phase d’études avancées. “Leurs technologies sont différentes, mais ils permettent tous les deux une certaine protection couvrant différentes souches d’influenza et d’autres virus, ce qui est positif lorsqu’on est face à un virus particulièrement adaptable”, souligne François Landais.

Un nouveau plan Adour ?

En parallèle, la question des vides sanitaires n’est pas complètement écartée. “Nous avons une réunion la semaine prochaine avec les acteurs du bassin de l’Adour et ceux du Pays de la Loire pour évoquer les mesures possibles”, explique Marie-Pierre Pé, rappelant que l’État devrait accompagner ces dispositions via un financement à hauteur de 80%.

Une feuille de route sur l’avenir de l’élevage est également à l’étude. Âge des professionnels, parc de bâtiments ou encore protection du capital génétique : les conclusions sur ces sujets devraient être rendues d'ici au mois de juillet.

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