Rouges, charnues, parfumées et croquantes, les fraises, ambassadrices du printemps, se sont enfin décidées à pointer le bout carmin de leur nez gourmand, à la faveur d'un redoux printanier
Elle n'avait pas osé sortir jusque-là, rebutée par la fraîcheur et une pluie incessante. Quelques timides rayons de soleil lui auront suffi pour surmonter sa timidité : la fraise du Périgord sort enfin de sa réserve, et part à l'assaut des étals.
Pourvu que ça dure...
"Un beau début de saison, des fruits de qualité" se réjouit Nicolas Thomas dans ses serres de Veyrines-de-Vergt, village voisin de Vergt où se déroule chaque année au mois de mai la fabuleuse fête de la fraise. À quoi il ajoute que les prix sont "pour le moment au rendez-vous". De quoi rendre un fraisiculteur heureux. Et peut-être même les 200 producteurs de cette fraise IGP du Périgord qui auront réussi à mettre les pieds de leurs fraisiers hors d'eau. La raison de ce succès, c'est aussi en partie le retard pris au démarrage de la fraise du Lot-et-Garonne. Le malheur des uns...
Des fraises et des frais
Bien sûr, tout n'est pas rose au rouge pays de la fraise. Comme ailleurs, les fraisiculteurs doivent affronter les aléas du moment, incertitude climatique, manque de main-d'œuvre, prix des plants en augmentation, inflation, concurrence étrangère et ravageurs aux aguets. Parmi ces derniers, les mouches et punaises, elles aussi friandes de fraisiers.
Pourquoi des fraises en Périgord ?
Connue en Périgord peu avant 1900, la fraise de culture, cousine de la fraise des bois, s'y est vraiment développée depuis les années 50. On la produisait entre les rangs de vigne. À Église-Neuve-de Vergt, elle aurait été introduite par des émigrés bretons après la guerre de 14.
Plus qu'un simple fruit de saison, c'est le symbole d'une gastronomie locale, reconnu par une Indication Géographique Protégée, la première d'Europe. C'est la seule fraise d'Europe à pouvoir revendiquer son origine.
En Périgord, il y a tout pour plaire aux fraisiers : un sol argilo-calcaire frais et humide, légèrement ferrugineux, un ensoleillement conséquent et un terreau forestier abondant. De quoi assurer les deux saisons de la fraise, celle de printemps de fin avril au 15 juin, et celle d'été de mi-juin à fin octobre, qui verra la fin du règne des gariguettes pour laisser la place aux variétés remontantes.
Des fraises pour tous les goûts
Huit variétés de fraise peuvent se prévaloir de l'IGP fraise du Périgord, dont les deux premières sont des variétés précoces de printemps:
la gariguette : (précoce) rouge vif, très brillante, forme allongée, aromatique, sucrée et acidulée
la darselect : (précoce) rouge brique à pourpre, brillance moyenne à forte, forme conique, longue ou courte, ferme et juteuse
la mara des bois : moyenne à petite, rouge vif, brillance moyenne à forte, forme irrégulière, moyennement acide, très parfumée, très aromatique
La charlotte : vigoureuse, rustique, aromatique, généreuse au goût musqué
la cirafine : rouge vif, très brillante, forme allongée, légèrement aromatique, sucrée et acidulée
La cléry : précoce, fondante, sucrée et extrêmement parfumée, un gros calibre
La donna : allongée et irrégulière, brillante d'un rouge brique, ferme et sucrée
La candiss : gustative et équilibrée entre suavité et acidité d'un poids pouvant atteindre 20 grammes