Hétéroclite, peuplée de mécanos débraillés et dégoulinante d'huile de vidange, la casse automobile de papa laisse aujourd'hui la place à une industrie plus propre, écologique et vertueuse
Âahhh, la casse automobile ! Le paradis graisseux des bricoleurs débrouillards qui ne craignaient pas de mettre les mains dans le cambouis pour dénicher un alternateur presque neuf, à un prix défiant toute concurrence. Mal cachés par des palissades sur le bord des routes, des cimetières à l'air libre de millions de voitures accidentées, rouillées, en fin de vie, hors d'usage, dans lesquels des fossoyeurs peu scrupuleux allaient désosser des carcasses pour vous extirper une optique de phare à moitié prix à peine abîmée. Le tout clapotant dans un bain d'huile de vidange, et une odeur de caoutchouc brûlé.
Le bon vieux temps de la bricole
Mais ça, c'était avant. Du temps insouciant où la priorité était de faire pétarader son épave familiale fumante, où quelques francs suffisaient à remplir un réservoir insatiable, et où mettre sa ceinture faisait encore se gondoler les chauffeurs pendant le digestif, avant qu'ils ne retournent foncer sur les routes défoncées en pneus lisses.
On parle là des années 70, à l'époque où Total et d'autres pétroliers découvraient tout juste que leurs énergies fossiles allaient détruire la planète.
Normalisation et réglementation, les deux mamelles de la circulation
Depuis, pour le meilleur paraît-il, la sécurité routière, les services des mines, la crise pétrolière (et autres crises en tout genres), les assurances, les constructeurs, le code de la route, le contrôle technique, le niveau de vie, les gendarmes et les législateurs sont venus mettre bon ordre dans tout ça.
Désormais on est prié de rouler responsable dans une automobile régulièrement homologuée, en règle, sobre, économe et à la bonne vitesse. Bien coiffé dans une voiture propre, c'est encore mieux.
La casse se rebiffe
Malgré les efforts obstinés des constructeurs qui rêvent de nous voir acheter des voitures jetables dont eux seuls possèdent les pièces et qu'ils seraient les seuls à pouvoir réparer (cf les valisettes), la casse automobile survit. Mieux, ce dinosaure mécanique a retrouvé une seconde jeunesse depuis 2018, depuis que la loi oblige les garagistes à proposer des pièces de rechange reconditionnées ou recyclées à leurs clients pour la réparation de leur voiture.
La casse du siècle
Désormais rebaptisée centre VHU (Véhicules Hors d’Usage), la carcasse repeinte à la couleur verte de l’économie circulaire, la Casse Automobile renaît donc de ses pièces détachées. Assujettie elle-même à un code de bonne conduite draconien, elle a fait la chasse aux carters d'huile qui s'épanchent sur le sol et aux pneus usagés-mais-qui-peuvent-encore-rouler-un-peu à prix en or. Mieux, dans cette casse de Saint-Nexans, près de Bergerac, les maîtres-mots des maîtres-cylindres, sont efficacité, traçabilité et modernité.
Ici, pas une fuite de liquide. Ni dans les caisses ni dans les réservoirs des caisses. Carburants, huiles, gaz de climatisation sont aspirés et remis en containers pour retraitement, les mécaniciens ne voient même plus une goutte d'huile.
Avant, c'était à l'ancienne, à la perceuse pour vidanger, et au seau, au bidon. Maintenant tout est aspiré, on ne voit plus rien, on n'est même plus sales !
Jessy Lhermitte, responsable d'atelierDu coup, finies les combinaisons qu'on ne pouvait plus rattraper, même à 90°. Ponts, palans, fosses, et outils pneumatiques spécialisés, le progrès se mesure aussi au chronomètre. Entre 60 et 75 minutes pour descendre le moteur et la boîte de vitesse, on se croirait au stand d'une écurie de course. Démontées proprement, les pièces réutilisables sont photographiées sous leur meilleur profil pour enrichir le site internet et la vente en ligne.
Finies aussi les longues tournées des casses du coin pour trouver la bonne pièce de la bonne couleur du bon véhicule de la bonne année. Le prix est ensuite calculé via un logiciel dédié qui ne tient aucun compte de la tête du client. Les casses d'aujourd'hui sont tellement propres qu'elles en deviennent transparentes, ça n'a pas toujours été le cas.