Enfance : les centres médico-psycho-pédagogiques de la région sont en alerte

Les personnels des CMPP attirent l'attention sur le cahier des charges imposé par l'Agence Régionale de Santé. Il met selon eux en danger l'offre de soins proposée aux enfants qui "sont majoritairement en situation économique, sociale et psychique précaire".  


Les CMPP sont des structures primordiales pour les enfants en détresse qu'il s'agisse de troubles de l'apprentissage, de la relation, du comportement ou d'enfants placés à l'Aide Sociale à l'Enfance. Les Centres médico-psycho-pédagogiques sont des lieux de soin ambulatoire pour des enfants et adolescents de 0 à 20 ans et leur famille. On y trouve, entre autres, des assistantes sociales, médecins, psychologues, orthophonistes, et psychomotriciens. L'avance des frais n'est pas nécessaire, ils sont pris en charge par la Caisse primaire d'assurance maladie. Plus de 210 000 enfants sont pris en charge dans un CMPP en France.

Il en existe plus de 300 en France. En Nouvelle-Aquitaine, 29 CMPP sont autorisés et disposent de 46 antennes réparties dans les 12 départements de la région. Ils ont un rôle aussi bien de prévention, d'évaluation, de diagnostic et de soin. Concrètement, ils sont gérés par des associations qui sont elles-mêmes financées par l'ARS. D'où la "difficulté pour le personnel de réussir à s'exprimer librement", explique l'un d'entre eux qui tient à garder l'anonymat.

Aujourd'hui, certains professionnels qui y travaillent estiment que ces structures sont menacées. En novembre dernier, l'Agence Régionale de Santé a sorti un cahier des charges amorçant "une transformation profonde des CMPP et de leur mission de façon brutale et dogmatique", dénonce un collectif parlant même d'"attaques historiques". Outre "l'absence totale de concertation", collectifs, directions d'établissements, décrivent "une situation dramatique". Selon ce collectif, l'ARS exigerait "que les directeurs des CMPP rendent d'ici fin mars 2020 un plan d'action qui décrive la façon dont ils vont mettre en oeuvre ce cahier des charges".

Contactée par téléphone, l'ARS de la Nouvelle-Aquitaine nous a indiqué qu'elle ne communiquerait qu'à partir du 13 mars, c'est-à-dire le jour où elle recevra les représentants syndicaux à la demande de Patrice Coeymans (responsable régional de la CGT pour l'Action Sociale CGT). Date à laquelle le Collectif Inter Professionnel Médico-social de Nouvelle Aquitaine (CIPMSNA) appelle à une mobilisation régionale à 12h30 devant l'ARS. Les opposants à ce projet dénoncent la mise à l'écart d'un grand nombre d'enfants, leur stigmatisation ainsi que la non prise en compte des facteurs psychologiques et sociaux dans les techniques de soin. 

 

"Que vont devenir 95% des enfants que nous accueillons et que nous soignons ?"

Selon le collectif, le cahier des charges vise à "remplacer les CMPP par des plateformes de services qui prennent en charge uniquement les patients présentant des troubles neuro-développementaux". "Les autres patients qui présenteraient des « troubles légers » (terme du CCNA) doivent être réorientés vers le secteur privé (libéral) ou l’hôpital (pédopsychiatrie)". 

Les patients présentant des Troubles neuro-développementaux représenteraient 5 % de la population accueillie en CMPP, selon le collectif qui pousse un cri d'alarme : "Que vont devenir les 95% des enfants que nous accueillons et que nous soignons ?". Un membre de la direction d'un CMPP dans la région, et qui tient à garder l'anonymat, évoque plutôt 80% des jeunes patients mis à l'écart, mais l'inquiétude est la même : "Qu'allons-nous faire de ces enfants ?"

Selon le collectif, ni les professionnels en libéral ni l'hôpital n'auront les moyens de prendre en charge ces enfants. Les enfants et leurs familles risquent de ne pas avoir les moyens financiers ni la ressource psychologique pour aller consulter dans le privé.

Le collectif rappelle que ces enfants et leurs familles sont majoritairement dans des situations précaires, et certains enfants sont maltraités. "Est-ce qu'un enfant battu qui fait l'objet de placements multiples est un enfant présentant des "troubles légers" ?", interroge le collectif.


Est-ce qu’un enfant violé est un enfant qui présente des « troubles légers » ? Est-ce qu’un adolescent avec des idées suicidaires est un jeune présentant des « troubles légers » ? Le collectif.


Des CMPP transformés en plateformes spécialisées au sein même de l'école

"Le CCNA exige que, pour la majorité de leurs accompagnements, les CMPP se repositionnent en « plateforme ressource spécialisée » au sein même des écoles", explique le collectif. Une nouvelle orientation qui pose de nombreux problèmes à ses yeux. D'une part, "c'est ajouter une casquette supplémentaire à l'école alors que celle-ci ne sait déjà pas où donner de la tête", dénonce le membre de la direction d'un CMPP. De plus, se pose selon lui la question du manque de moyens. Et quid des RASED (Réseau d'aides spécialisées aux élèves en difficulté) ? Vont-ils être remplacés par les CMPP repositionnés au sein des écoles ? Où vont-ils au contraire être renforcés comme l'annoncerait l'ARS dans son cahier des charges, mais sans que ce ne soit confirmé par l'Académie ? C'est la question que pose ce professionnel.

Autre problème induit par ce repositionnement au sein des écoles : celui du secret professionnel. Les enfants et leurs familles n'ont pas forcément envie que cette prise en charge soit révélée. Certains professionnels s'interrogent donc sur la validité juridique d'un tel changement. Être clairement identifié et pris en charge au sein même de l'école peut entraîner une stigmatisation de l'enfant. C'est ce que redoutent certains.
 

Les neurosciences comme techniques de soin unique ?

"Le CCNA impose que les professionnels des CMPP interviennent selon des techniques qui s'appuient uniquement sur les théories issues des neurosciences", dénonce le collectif dans un communiqué. "Imposer comme technique de soin unique celle issue des neurosciences pose comme hypothèse de base l’origine principalement neurobiologique des troubles, au détriment de la prise en compte des facteurs psychologiques et sociaux".

"Les personnels des CMPP veulent continuer à travailler comme elles l'ont appris tout en laissant la porte ouverte aux autres influences théoriques, telles que la neuroscience. Et alors qu'on a toujours roulé à droite, on ne peut pas nous demander de rouler autrement d'un seul coup", ajoute un autre professionnel de ce type d'établissement.

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