Le printemps est toujours la saison à risques pour les oiseaux sauvages, mais les activités de jardins et les travaux de toitures pendant le confinement ont augmenté la traumatologie. La reprise de la circulation n'a rien arrangé. Le centre de soins SOS Faune Sauvage doit suspendre ses accueils
"On attend de plus en plus de nous ici à Verneuil-sur-Vienne. Les autres centres sont Poitiers et Clermont-Ferrand, c'est loin mais c'est pourtant désormais vers eux que nous devons orienter les nouveaux arrivants car nous sommes débordés. Notre espace ne peut plus accueillir d'oiseaux, nous n'avons plus de place !"
Un désespoir que ne cache pas Aurélie Gontier, responsable soignante de SOS Faune sauvage, seul centre de sauvegarde de la faune sauvage pour six départements.
Même si il reçoit majoritairement des espèces sauvages recueillies en Haute-Vienne, la mission d'accueil de ce centre s'étend aux départements de la Creuse, de la Corrèze, de l'Indre, du Lot et de la Dordogne. SOS Faune sauvage est la seule structure habilitée à recueillir et soigner des oiseaux sauvages, momentanément incapables de pourvoir à leur survie, afin de les réintroduire dans leur milieu naturel.
Mais face au manque de place, le centre de soins SOS Faune Sauvage a annoncé sur les réseaux sociaux qu'il était contraint de suspendre ses accueils pendant 3 semaines, limitant ses interventions aux seules urgences.
Le nombre de demandes de soins augmente au fil du temps pour ce centre implanté à Verneuil-sur-Vienne depuis 1996, sans pour autant que l'association qui le gère voit augmenter ses moyens, comme le souligne la seule salariée, Aurélie Gontier.
Pour nous c'est un crève-coeur, c'est inimaginable d'en arriver là. L'an passé, nous avons dû pour la première fois prendre cette décision devant le trop grand nombre d'accueils. Mais c'était en juillet ! Cette année, nous sommes en mai ! Et ne pas accueillir, c'est ne pas soigner. Or notre métier c'est aider, pas de laisser mourir
A l'été 2019, ce sont entre 800 et 850 individus qui n'ont pu ainsi être soignés à partir de juillet, ce qui inquiète Aurélie Gontier alors que nous ne sommes qu'en mai.
La saison des nids et des migrateurs
C'est évidemment en ce moment que les accidents augmentent. Le printemps est la saison des nichées et beaucoup de particuliers en délogent involontairement en taillant leurs haies ou en élaguant leurs arbres.
Car ce sont nos travaux de jardin ou de toitures qui font beaucoup de dégâts. Les oiseaux sont les premières victimes.
Il y a une semaine, est arrivé par exemple un faucon à l'aile prise dans l'engin municipal lors de la tonte d'herbes hautes d'un espace public.
Il nous a été amené par un conducteur qui a vu le faucon en difficultés dans l'engin puis qui ne s'envolait plus. Il l'a ramassé et nous l'a amené. Le chauffeur de l'engin ne s'en est même pas aperçu.
Braconnages, choc de véhicules, chutes... ce sont ainsi principalement des fractures, des traumatismes craniens, des blessures diverses que soignent à longueur de journée Aurélie Gontier et son équipe de trois bénévoles qu'elle a formés à l'automne.
Nous avons reçu aussi beaucoup d'oiseaux recueillis par des familles pendant le confinement, mais qui présentent aujourd'hui des carences ou des troubles du comportement dûs à leur détention à leur domicile. Garder un oiseau sauvage n'est pas ce qu'on conseille
En ce moment dans les aires d'accueil, on peut voir notamment des mésanges, des moineaux, une chouette, deux hiboux, des tourterelles, un faucon, un cygne, des canards, un héron, un faisan, des choucas des tours, un pic épeiche, un merle, des oeufs dont on ne connait pas encore l'espèce, mais aussi des oisillons tout juste sortis de l'oeuf qui dérangeaient un bricoleur chez lui...
Sensibiliser et répéter, encore et encore
Les communes sont sensibilisées sur l'importance de laisser pousser et de ne pas trop intervenir pendant ces quelques semaines de printemps. Le confinement a permis cette pause souhaitée chaque année, la faune a pu en profiter. Mais depuis le déconfinement, les professionnels ont retrouvé leurs chantiers et l'entretien des espaces publics a repris de façon intense pour rattraper le retard.
Nous comprenons que les maires puissent être soucieux de la visibilité d'une route, mais nos regards doivent évoluer, il n'est pas nécessaire de couper partout. Des progrès ont été faits, il faut que ça continue, laissons des aires de pousse, seuls des allées peuvent être tondues dans certains espaces.
Outre les soins et la réhabilitation des animaux en détresse, SOS Faune Sauvage met en place différentes actions visant à sensibiliser et informer le public sur l'impact des activités humaines sur la faune sauvage, afin de mieux la protéger.
Pas de relais d'hébergement possible au domicile d'aidants volontaires
Le Centre fonctionne grâce à la présence, obligatoire, d'une capacitaire en faune sauvage qui en assure la direction, mais également grâce à la présence d’une équipe composée de bénévoles et de services civiques qui permettent d'assurer une continuité de l'activité tout au long de l'année. Le Centre travaille également en partenariat avec différents cabinets vétérinaires pour la réalisation d'actes médicaux, tels que les chirurgies.Devant le manque de places au centre, il est fréquent que des personnes se proposent pour héberger à leur domicile, le temps de leur convolescence, les oiseaux soignés. Mais inlassablement, Aurélie Gontier explique que cette proposition de bonne volonté ne peut aboutir, à la fois pour une question de règlementation mais surtout parce que cela ne correspond pas aux besoins physiologiques de l'animal.
Il s'agit en effet pour la majeure partie d'espèces protégées, pour lesquelles toute détention est interdite, sauf dérogation comme c'est le cas du centre, agréé, avec du personnel formé à cette fin. Car au-delà de l'aspect réglementaire, la faune sauvage présente une biologie spécifique.
Pendant le confinement, certains particuliers ont pensé bien faire en gardant chez eux des oiseaux, mais sans connaissance de l'alimentation précise qui convient à chaque espèce. A la sortie du confinement, ils les ont apportés au Centre, mais les oiseaux étaient carencés suite à un régime alimentaire non adapté. Ils avaient suivi les conseils donnés sur des forums. Ce sont des oiseaux qui développent ensuite des muscles atrophiés, les empêchant de se tenir debout ou de voler. D'autres présentent des troubles du comportement.
Le Centre possède les compétences et l’expérience nécessaire à sa prise en charge. L'équipe de soigneurs est spécifiquement formée au soin et à la détention des oiseaux sauvages afin d’optimiser leur réintroduction dans leur milieu.
Comment aider l'équipe du centre ?
SOS Faune sauvage est l'association qui gère le centre de sauvegarde. Comme toute association, elle fonctionne essentiellement grâce aux dons. Les personnes qui souhaitent aider pour financer les installations, les besoins en nourritures et en soins, peuvent faire un don, fiscalement déductible à hauteur de 66%.
Une cagnotte est ouverte ici
Il faut savoir en effet que les personnes qui trouvent un oiseau blessé le confient gratuitement au centre pour y recevoir des soins. Mais ceux-ci coûtent : radiographies, chirurgies, traitements... une prise en charge coûteuse pour laquelle le Centre ne perçoit aucune aide, ces frais sont entièrement à sa charge.
Mais il est possible aussi d'aider l'équipe du centre en leur proposant de leur faire les courses. Ces déplacements à droite et à gauche sont nombreux pour aller chercher la nourriture. Ils prennent du temps à l'équipe, déjà bien occupée par les soins.
Autre poste pour leur donner un sacré coup de main : le petit bricolage ou le petit jardinage. Passer le coupe-fil dans les allées d'accès au centre est nécessaire et demande, à ce poste aussi, de la disponibilité. Mais à quatre, difficile d'être partout !
Et que faire si vous trouvez un oiseau blessé ?
La première chose à faire est de ne pas l'affoler en arrivant à plusieurs autour de lui. S'il ne bouge pas, déposez sur lui un linge pour l'isoler et, avec le plus de délicatesse possible, mettez le dans un carton suffisamment aérer par des trous pour qu'il puisse continuer à respirer.
Méfiez-vous des conseils donnés sur des forums. Appelez SOS Faune sauvage pour en savoir plus sur la marche à suivre au 07 78 07 11 23 de 14 à 18h.