Euskadi, élections au parlement basque le 12 juillet

Le président du gouvernement basque Iñigo Urkullu a annoncé la convocation des élections législatives dans un discours en basque et en espagnol, au ton très solennel, qui a commencé par un hommage aux victimes du Covid 19 et à leurs familles  (1467 décès recensés au 18 mai 2020).

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Les élections anticipées étaient prévues le 5 avril dernier. Le Coronavirus a évidemment chamboulé ce calendrier, l’urgence était ailleurs. Le début du déconfinement et la vacance du parlement basque (dissous pour permettre les élections d’avril), ont conduit le président du gouvernement basque à convoquer ce nouveau rendez-vous électoral. Avant de prendre cette décision, Iñigo Urkullu a consulté les autorités sanitaires dont le rapport sur la pandémie estime que l’été sera propice à la tenue des élections plutôt que l’automne car elles craignent alors une deuxième vague de l’épidémie. Si la désescalade aujourd’hui constatée venait à s’inverser le chef de l’exécutif a précisé que les élections seraient évidemment à nouveau reportées. Le décret portant sur l’organisation de ces élections a été publié ce matin 19 mai dans le Bulletin officiel du Pays basque.
 


Pourquoi des élections en juillet ?

D’abord, pour que le parlement puisse fonctionner puisque le précédent est dissous : contrôle de l’exécutif, vote des lois pour les quatre ans à venir (temps d’une mandature). Ensuite parce qu’Iñigo Urkullu tient absolument à ce qu’il n’y ait pas d’interférences entre les débats politiques en Pays basque et en Catalogne. Car les élections catalanes sont prévues à la fin de l’automne 2020. Il y sera beaucoup question d'indépendance, de souverainisme, de référendum, de consultation… 

Les choix du Parti Nationaliste Basque, (PNV, social chrétien), sont pour l’heure, totalement différents de ceux des nationalistes de droite et centristes catalans. Pas de front souverainiste à la catalane, mais un pacte de gouvernement avec les socialistes basques (depuis 2016) et un soutien du PNV au gouvernement de Pedro Sanchez aux Cortes espagnoles. D’où la convocation initiale d’élections anticipées en avril. Le président de la Xunta de Galice, avait alors fait le même choix et pour les mêmes raisons. Alberto Nuñez Feijoo (Parti Populaire - conservateur) a d’ailleurs convoqué pour le 12 juillet les élections en Galice. Notons que de ce fait, le Parti Populaire du Pays basque ne peut attaquer Urkullu sur la date choisie pour cette consultation. Son chef de file, Carlos Iturgaiz, affirme ainsi que juillet « ouvre une fenêtre pour aller aux urnes car la pandémie sera en recul ».   
 


Avant de prendre sa décision, le président basque a consulté les partis représentés au parlement de Vitoria-Gasteiz (capitale politique de la Communauté autonome basque). Les socialistes, membres de la coalition sortante sont favorables à ces élections dès juillet pour les mêmes raisons que celles avancées par le chef du gouvernement. Chacun partira de son côté avec son propre programme avant certainement de reformer la coalition, en fonction du nouveau rapport de force qui pourra s’établir. Un sondage paru aujourd’hui, conforte le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE) en tête des intentions de vote sur l’ensemble de l’Espagne. La branche basque du parti, Parti Socialiste d’Euskadi - Euskadiko Ezkerra (Gauche d’Euskadi) devrait profiter de cette embellie. 

Le Pays basque a besoin d’un gouvernement fort et stable. L’objectif des socialistes est de combattre le virus, relancer l’économie et ne laisser personne sur le bord du chemin.
Idoia Mendia, candidate à la présidence - PSE

La première formation d’opposition, EH Bildu (Rassembler le Pays basque), coalition de partis indépendantistes de gauche devrait au moins maintenir ses sièges. Ses critiques des mesures prises quant à la gestion de la pandémie, notamment son opposition au retour des élèves dans les écoles, sa défense plus affirmée encore que celle du gouvernement basque des services publics (et en ce moment, surtout de la santé) ont montré qu’elle ne s’intéressait pas qu’aux seules questions identitaires et souverainistes, mais qu’elle avait un vrai projet de société. EH Bildu s’est clairement opposée à la tenue des élections en juillet, précipitées à,ses yeux, et « qui ne répondent qu’aux intérêts électoralistes et partisans du PNV ». La chef de file indépendantiste au Parlement basque, Maddalen Iriarte a ainsi twitté ce matin :  

Le 12 juillet est un défi important pour toutes celles et tous ceux qui croient que ce pays ne se construira que sur un socle de gauche et souverainiste. C'est une occasion sans pareil de reconstruire ce pays en fonction des intérêts et des besoins des citoyen(ne)s.
Maddalen Iriarte, candidate à la Présidence - EH Bildu

 



Elkarrekin-Podemos est sur la même longueur d’onde. Il n’y avait pour la gauche radicale aucune urgence à convoquer de élections, « si ce n’est pour satisfaire les intérêts du PNV ». Ses responsables ont proposé, mais pour l’heure, en vain, une coalition des gauches avec le PSE-EE et EH Bildu, pour précipiter le PNV dans l’opposition. Encore trop tôt dans un pays qui a souffert du terrorisme, et dont le PSE a payé un lourd tribu avec nombre d’élus et militants assassinés par ETA. Les blessures profondes sont encore loin d’être cicatrisées.

Les gens n’ont pas la tête à aller voter. Ils ont assez de craintes quant à la pandémie, de soucis et de problèmes à gérer pour leur imposer en plus, une confrontation électorale.
Miren Gorrotxategi, candidate à la présidence - Elkarrekin / Podemos

Enfin le Parti Populaire, allié avec Ciudadanos (Citoyens), centre droit anti nationaliste et opposé au système des autonomies espagnoles, accepte la date du 12 juillet (pour ne pas contredire le patron PP de la Galice), mais tire à boulets rouges sur le gouvernement sortant. Le PP du Pays basque a viré à droite toute, après s’être débarrassé de son aile la plus centriste et favorable à l’autonomie basque. Un pari risqué car il peut ainsi perdre au centre ce qu’il gagnera sur sa droite voire son extrême droite. Euskadi lui est devenue une terre de mission au fil des élections locales (perte de la mairie de Vitoria et de la députation forale d’Alava) et nationales (plus un seul député aux avant-dernières législatives espagnoles).

Ces élections seront un bon thermomètre pour juger l’action du PNV, coresponsable du fait que Sanchez soit président avec la gauche radicale à Madrid. Coresponsable de la mauvaise gestion sanitaire et économique de l’Espagne.
Carlos Iturgaiz candidat à la présidence - PP

 



Interviewé par téléphone ce midi, l’éditorialiste Alberto Surio, souligne justement que le PP pourrait peut-être tirer son épingle du jeu en capitalisant le mécontentement de la frange la plus espagnole de l’électorat du Pays basque. Elle pourrait sanctionner d'un même coup le gouvernement de centre-gauche de Vitoria et indirectement celui de Pedro Sanchez auquel le Parti Nationaliste Basque apporte son soutien fût-il critique parfois. Et paradoxalement, à l’autre bout de l’échiquier politique, les indépendantistes de EH - Bildu pourraient capitaliser "une envie de services publics et d'Etat providence au niveau de l'autonomie basque". Ils présentent une alternative à un gouvernement qui avait un bilan plutôt bien accueilli. Mais la crise est passée par là.

La peur du Coronavirus, malgré les mesures draconiennes qui seront prises le jour du vote, précipitera-t-elle une abstention record ? Touchera-t-elle  l’électorat du PNV alors que celui de la gauche indépendantiste se mobilise toujours ? L’inconnue est grande !
Alberto Surio, éditorialiste à Diario Vasco - Saint Sébastien.

 

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