Souvent présenté comme un cheval sauvage le pottok vit simplement en liberté, sur la Rhune et quelques autres massifs du Pays basque qu'il entretient. Mais il est beaucoup plus que cela. Dressé ce petit cheval devient un excellent partenaire pour de jeunes cavaliers. Des pottoks se sont d’ailleurs classés champions de France, grâce à leurs qualités : endurance, force, pied sûr.
Le pottok au même titre que la langue basque, est entouré de mystère, confortant ainsi l’image que certains souhaitent donner d’un Pays basque fantasmé et impénétrable. Il serait sauvage, ce qui agace au plus au point la plupart des éleveurs, car cette réputation ou ce mythe dessert la cause de ce cheval, certes de montagne, mais dont les qualités sont par trop méconnues.
Ce numéro de Txirrita propose d'en finir avec les idées reçues. Le grillon monte en selle pour illustrer et défendre le pottok !
Le pottok, enfant de la Rhune
La Rhune est l’un des berceaux du pottok, comme les montagnes Artzamendi, Baigura, Urtzuia et Mondarrain en Labourd et Basse Navarre. Notons qu'il y en a très peu en Soule. C'est là que vivent les pottoks de montagne.
La couleur de la robe des pottoks est noire, baie, alezane ou pie. La grise en principe n'existe pas mais hasard des croisements...
Le stud-book pottok comporte deux livres, une exception :
Livre A, pottoks pure race. On distingue alors le pottok de montagne et le pottok de prairie (plus grand au garrot). Un poney entre 1 mètre 30 et 1 mètre 45 au garrot.
Livre B, pottoks croisés avec d'autres races afin d'obtenir un produit plus haut au garrot.
Un cheval qui entretient la montagne
Jean-Louis Laduche. Nous rencontrons le cofondateur de l’association Pastore Lore au sommet de Suhalmendi, face à la Rhune, ainsi que Marie-Laure Roumy, présidente de l'association et propriétaires de pottoks.
Jean-Louis est éleveur à Ascain et conduit un troupeau de blondes d'Aquitaine et de quelques brebis manex têtes rousses. Depuis quelques années, pris de passion pour ces chevaux, il a acquis des pottoks, après avoir lancé Pastore Lore en 2004. C'est la fête du pottok, avec une magnifique descente de la Rhune de différents troupeaux de pottoks. Un rendez-vous fixé le deuxième dimanche d'octobre. Pastore Lore est aussi l'occasion de découvrir la gastronomie basque et des produits fermiers, et le travail des chiens bergers (Border colley, Llabrit ou Gorbea) avec le concours international de chiens bergers. Sans oublier que c'est aussi une journée de l'élevage, avec présentation d'ovins, bovins, ânes.
Pastore Lore est l'occasion d'une rencontre entre citadins et éleveurs. Deux mondes qui trop souvent s'ignorent.
Jean-Louis Laduche
Mais Pastore Lore est aussi une association éponyme qui toute l'année accompagne et soutient les éleveurs, prenant en charge les frais de puçage, de soins, de matériel piquets, râteliers, réparation des corrals. Tous les quinze jours de mai à octobre, des équipes d'éleveurs et de bénévoles se retrouvent soit au petit corral sur le bas de la Rhune, soit au grand corral, à mi-hauteur de la Rhune, près du lieu-dit des trois fontaines, pour rassembler les pottoks, juments, poulains et étalons, afin de les soigner, vermifuger et traiter contre les tiques, taons et mouches plates. Un travail indispensable pour la santé des animaux, mais aussi la situation sanitaire du massif et des randonneurs !
Iñaki Irazoqui. Ce jeune éleveur vit à Sare où il est en Gaec avec son père Jean-Michel. Tout jeune, il accompagne souvent en montagne un ami, Jean-Bernard Mendionde, de Sare également, propriétaire de pottoks qui lui en offre un. Il commence ainsi avec ce pottok et en possède aujourd’hui une vingtaine. Il a d'ailleurs racheté une partie du troupeau de Jean-Michel Lopez, éleveur connu et reconnu d'Ascain, et plus particulièrement ses pottoks de montagne.
Iñaki est l'un des piliers de Pastore Lore, un des nombreux jeunes qui ont rejoint l'association. Une fierté pour Jean-Louis Laduche. Grâce à ces jeunes éleveurs et aux bénévoles, Jean-Louis espère qu'un noyau de pottoks continue de vivre en montagne car ces chevaux l'entretiennent, au même titre que les ovins et bovins. Plus même, car le pottok passe là où aucun autre animal ne paisse. Sans le pottok, la montagne "se fermerait", c’est-à-dire qu'elle ne serait que très difficilement accessible, envahie par les ronces, taillis et touyas (fougères et ajoncs).
Iñaki habitue très tôt ses pottoks à la longe, à venir à lui dès qu'il les appelle, avec le soutien de son chien Bakun, un berger Gorbea (de Biscaye). C'est la raison pour laquelle il parcoure régulièrement la Rhune pour voir son troupeau. Iñaki prépare par ailleurs ses pottoks au concours de Biarritz de sélection. Il place aussi de jeunes pottoks en centre équestre, afin qu'ils deviennent des poneys sûrs, éduqués et habitués aux enfants.
Maialen Domec Jaragoihen et Xantiana Recalde Domec. Nous rencontrons mère et fille à Hélette, à la ferme et sur les premières pentes du Baigura. Xantiana, 12 ans, nous accompagne au pré, au pied du Baigura, voir de jeunes pottoks et nous parle de sa passion pour ses chevaux. Si jeune elle s'y connaît déjà et nous explique comment se déroule le concours annuel d'agrément de Biarritz. Un rendez-vous d'importance pour les éleveurs, que Maialen connaissait aussi au même âge, accompagnant son père à ces épreuves qui permettent de sélectionner les futurs reproducteurs, qui deviendront donc des étalons.
Maialen a reçu cet amour des pottoks de son défunt père, Jean-Michel, éleveur à Saint-Pée-sur-Nivelle. Avec son frère Peio, elle a repris l'élevage, en plus de son métier, comme son frère d'ailleurs. Un élevage joliment appelé "Zamalzaina" (Palefrenier et aussi nom d'un des danseurs des mascarades, sorte d'homme-cheval). Un nom souletin, joli clin d'œil à sa maman et sa famille de la province basque de Soule. Jean-Michel avait fait le choix d’élever ses pottoks pour le sport équestre. Ce que poursuit Maialen, avec des livres A, de montagne toujours. Avec Iquito d’Othéguy, elle a obtenu un très beau titre : quatrième en 2023, au très prisé concours interraces du Salon de l’Agriculture de Paris.
Toutefois, Maialen pense que le pottok de montagne, libre de son parcours, mérite de pouvoir continuer de vivre ainsi. Elle n'oppose le pottok qui peut être sellé à celui qui entretient la montagne. C'est d'ailleurs peut-être là la chance de ce poney vigoureux.
J'ai pu aller très loin avec Iquito de Othéguy grâce à toute ma famille. Seule; je n'aurais jamais pu pu y parvenir.
Maialen Domec Jaragoihen
Jean-Michel Lopez. Cet éleveur réputé d'Ascain a repris l'élevage de son père également, qui très tôt avait travaillé à l'amélioration de la race. Jean-Michel a poursuivi la voie ainsi tracée et conduit son troupeau le plus haut possible, obtenant les agréments à des fins de reproduction pour ses étalons. Approchant de la retraite, il a donc vendu une partie de son cheptel à Iñaki de Sare, heureux comme l'est aussi Jean-Louis Laduche, que des jeunes prennent le relais. Cette transmission de la passion est une constante de cette émission.
Il place une de ses juments, Koralie, à l'écurie Fantagoro d'Ahetze afin qu'elle soit dressée en vue de participer au concours complet et ses trois disciplines : dressage et allures, sauts d'obstacles, et cross avec passage de rivière. Jean-Michel comme tous les éleveurs rencontrés veut des animaux équilibrés, bien dans leur tête, avec un excellent mental. Ses pottoks sont de livre A également.
Nous sommes des éleveurs responsables qui voulons des pottoks sur lesquels les centres équestres puissent compter. Ce que d'autres race de poneys ont obtenu, pourquoi celle du Pays basque ne l'obtiendrait-elle pas ?
Jean-Michel Lopez
Claude Prat. Ce passionné est un ardent avocat de la race pottok. Il l'a défendu en dehors de son berceau puisqu'il a longtemps vécu en dehors du Pays basque pour raisons professionnelles. C'est en fait grâce à la grande taille de ses filles, explique-t-il, qu'il s'est tourné vers le pottok livre B, plus haut que le livre A. Il s'est alors rendu compte des qualités du poney basque : rusticité, endurance, courage.
Au sein de l'Association Nationale du Pottok (ANP), qui œuvre à l'amélioration de la race, il mène un travail de pédagogie pour, dit-il, que l'on sorte de ce schéma pour lui réducteur, du pottok de carte postale, de cheval sauvage. Pour lui cela porte tort au pottok au sujet duquel il a entendu trop de fois :"Quoi vous faites monter des pottoks ? Mais ce sont des chevaux sauvages, dangereux !" C'est aussi en tant que juge, qu'il participe au sein de jurys à la sélection des mâles et femelles qui perpétueront correctement la race. Il milite pour que les pouvoirs publics soutiennent véritablement la filière et souhaiterait que soit mise à la disposition des éleveurs par le biais de l'ANP, une structure pour élever les pottoks, sans que cela leur coûte trop cher. Car confier un poney pour le débourrer et l'entraîner a évidemment un coût, qui n'est pas à la portée de petits exploitants.
Une fois qu'il a compris ce que l'on attend de lui, le pottok est capable du meilleur.
Claude Prat
Joset Andueza. Installé à Biriatou, Joset élève des pottoks de livre A, de race pure donc. Mais en plaine. Ils sont donc robustes comme ceux de la montagne, mais plus grands car ils se nourrissent d'une herbe plus riche que celle de la Rhune par exemple, et de foin. Lui également veut emmener ses poneys au plus haut niveau. Pour ce faire, il travaille sur le mental, la morphologie, grâce à une méticuleuse sélection. Un de ses jeunes mâles s'est classé premier de la sélection 2023, de Biarritz obtenant un agrément provisoire, qui devra être confirmé en mars 2025. Il l'a donc mis en pension à l'écurie Fantagoro, où il continue d'être dressé pour se préparer au mieux aux épreuves qu'il devra passer. Maika, une toute jeune cavalière l'entraîne.
Ses pottoks sont tellement équilibrés que Joset peut mettre sa fille de deux ans sur la croupe de son champion, Lulu de Xoldoko, sans qu'il bouge !
Les pottoks ne sont vraiment pas sauvages. Même s'ils naissent en montagne, ils s'éduquent très vite. Et là, ils ne donnent pas de ruades, ce qui est important quand ils sont avec les enfants dans des manèges et centre équestres.
Joset Andueza
Andde Etchehandy. Sa tante Mailuxa et son oncle, Anbroxio Franchisteguy, longtemps président de l'Association Nationale du Pottok, éleveur à Iholdy lui a transmis l'amour du pottok et l'avenir de son troupeau à l'heure de sa retraite, lui disant "Maintenant, Andde, c'est à toi !". Andde a relevé le défi. Pour lui, il y a de la place pour tout le monde : naisseurs, éleveurs, pottoks de montagne et de prairie, livre A et B. Mais son choix, à la suite de son oncle, c'est celui du pottok de prairie, dressé pour les sports équestres, dont l'attelage.
Judo, un pottok d'Anbroxio se classa trois fois champion de France et parvint trois fois en finale du championnat du monde. À son tour, il va loin : deux de ses pottoks mâles sont en passe d'être sélectionnés comme étalon, dont Apache, qui s'est classé premier en 2024 au concours de Biarritz. Il est donc sur le bon chemin.
Comme Joset et Jean-Michel, Andde confie ses poneys à l'écurie Fantagoro. Et bien lui en a pris. Ses poneys Apache et Gazte d'Osa ont pu concourir en championnat, à Lamotte-Beuvron et Equita Lyon. Et sur 100 chevaux retenus dans toute la France au Tournoi des As, figure Gazte d'Osa, passé par le centre équestre Fantagoro !
Nous avons les juments et les étalons de qualité. Il y en a de plus en plus. C'est un très bon signe. Mais aujourd'hui, nous manquons de cavaliers !
Andde Etchehandy
Stéphanie Fantagoro. Avec son compagnon, le concours de leurs filles et de monitrices motivées, Stéphanie a fait de l'écurie Fantagoro à Ahetze, un centre équestre une référence de renommée. Bien sûr elle travaille avec des chevaux et poneys de toutes races (selle français, connemara, welsh) parmi lesquels le pottok a toute sa place. Il est vrai que Stéphanie est née au Pays basque et a grandi avec comme elle aime le rappeler. Elle souligne surtout que quelle que soit la race d'un poney ou d'un cheval, s'il reste en montagne sans contact avec les humains, sans soins (ce qui n'est pas le cas d'ailleurs de la plupart des pottoks en montagne), il ne pourra être un bon compagnon pour les cavaliers. D'où l'importance du travail d'un bon naisseur et éleveur, dont le cheval ou le poney pourra aller loin grâce à celui de l'éducateur.
Nous nous éduquons le cheval, l'amenons le plus loin possible, mais c'est l'éleveur qui est à la base et nous donne un pottok déjà équilibré et qui a des aptitudes.
Stéphanie Fantagoro
Voir l'émission :
Remerciements :
Julie Dubois de France 3, pour ses magnifiques images de Pastore Lore 2024 et des pottoks sur les flancs de la Rhune (tournées pour le magazine Pastore Lore de France 3 Euskal Herri - Pays basque). La rédaction de France 3 Euskal Herri pour les précieuses archives, retrouvées par les géniales vidéothècaires de France 3 Bordeaux.
Bruno Rodriguez pour les images de drone (Urtzi drone).
Toute l'équipe de Fantagaro et ses cavalières.
L'Association Nationale du Pottok, Claude Prat.
Pastore Lore.
Et bien sûr à toutes celles et ceux qui ont participé à l'émission.
Un hommage particulier à Jean-Michel Domec, disparu trop tôt, et à Jacques Pavlovski photographe et grand reporteur, dont on peut revoir le témoignage dans l'archive de 1993, reportage à Biarritz où j'avais rencontré également Maialen et Jean-Michel Domec.
Pour en savoir plus :
Le site de l'association Pastore Lore : https://www.association-pastore-lore.com/
Le site de l'Association Nationale du Pottok : https://anpottoka.fr/https://anpottoka.fr/
"Pottoka le petit cheval basque, Euskal Herriko zaldi ttikia" de Jacques Pavlovsky. Éditions Les couleurs du Sud (1994).
"Le Pottok" de Dominique et Antoine Perret. Éditions de l'Orée (1980).