Erosion, submersion : menace sur le banc d'Arguin pour les naturalistes et les ostréiculteurs

Les vents violents et submersions de ces derniers jours pourraient être la suite d'un processus d'érosion historique pour le site naturel du banc d'Arguin. Après avoir été coupé en deux ce week-end, le banc de sable à l'entrée du Bassin d'Arcachon risque d'être submergé dans la semaine, si les neuf mètres de houles annoncés lors du passage de la prochaine tempête Ciaran sont confirmés. Les naturalistes comme les ostréiculteurs sont en alerte.

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"On a une fenêtre météo de deux-trois jours… C'est un peu la crise", souffle Benoit Dumeau, le conservateur de la Réserve Naturelle Nationales du banc d'Arguin (SEPANSO Aquitaine). "On a des houles annoncées de plus de neuf mètres". C'est ce qui est prévu au large. Ça va arriver et déferler avec une grosse puissance. Ça va encore mettre à mal le banc de sable et grignoter encore plus !"

On n'est pas sûrs qu'il reste grand-chose du banc d'Arguin après cette nouvelle tempête.

Benoit Dumeau, Conservateur de la réserve naturelle du banc d'Arguin

à la rédaction web France 3 Aquitaine

Il faut dire que les tempêtes "Aline", du 20 octobre, et "Céline", ce week-end, ont particulièrement touché le bassin d'Arcachon. C'est essentiellement la pointe du Cap Ferret, le nord de la presqu'île, Arès et le fond du Bassin jusqu'à Arcachon qui ont connu des débordements, plus ou moins jugulés, au passage du dernier coup de vent. C'est le résultat d'une conjonction particulière entre de grandes marées (entre 100 et 104), de fortes précipitations, mais surtout, des vents forts venus du sud.

L'action conjuguée du vent et de la houle a poursuivi son œuvre d'érosion également en mer, à l'entrée du bassin d'Arcachon, sur l'un des joyaux naturels de Gironde, le banc d'Arguin, aujourd'hui en alerte.

Démontage de la cabane

Ce 29 octobre, un épisode majeur de l'histoire de ce bras de sable s'est peut-être joué : "le banc d'Arguin est maintenant coupé en deux", alertait la réserve naturelle dans un message sur le réseau social X (ex Twitter). 

Il est temps pour les naturalistes d'anticiper la tempête Ciaran annoncée sur la Bretagne dont on ne connaît pas encore précisément la trajectoire.

C'est pourquoi, ce lundi 30 octobre, avec une douzaine de bénévoles, le conservateur Benoit Dumeau s'active au démontage des balises et panneaux qui restaient de la saison sur la réserve naturelle, et surtout de la cabane de la SEPANSO.

Au banc d'Arguin, on compte normalement deux cabanes. L'une pour l'accueil du public, permettant une sensibilisation à la préservation de la faune et de la flore. L'autre, pour loger les bénévoles qui restent sur place durant la saison ou l'équipe de gestion, en cas de comptages ou de surveillance de nuit, notamment.

Le Conservateur explique que celle pour l'accueil du public a déjà été démontée, "en urgence la semaine dernière", mais la seconde, une fois le cordon dunaire parti ce week-end, "s'est fait lécher par les vagues "... Elle était pourtant à deux-trois mètres de hauteur à marée haute.

Le banc d'Arguin menacé ?

À 72 heures des premières rafales de la tempête Ciaran, le conservateur n'est pas très optimiste. "On est en phase d'érosion depuis maintenant deux ans sur le banc d'Arguin". Et le conservateur d'expliquer que bien sûr, un banc de sable évolue au fil des années, se déplace, mais il était jusqu'alors "à l'équilibre". Ce qui partait en sable durant les tempêtes hivernales revenait l'été. "Et là, l'équilibre depuis deux ans est rompu : les vagues d'été mangent le sable au lien d'en ramener."

"On a perdu pratiquement 1,5 km linéaire de banc au sud…" Le banc, qui s'étendait avant pratiquement "jusqu'à la plage de la Lagune", s'arrête désormais au niveau "de la plage du petit Nice", fragilisant celle-ci du fait de ne plus faire barrage à la houle du large.

La tempête Céline et les gros coefficients de marée ont été destructeurs et localisés. "On avait que 3-4 mètres de houles, mais des vents un peu violents et une très grosse marée, indique le conservateur. On a eu une très grosse surcote sur l'ensemble du bassin d'Arcachon. D'après le marégraphe d'Arcachon on est pratiquement au niveau de Xynthia !"

Ce 30 octobre, comme d'autres spécialistes de terrain, il se rend compte, en temps réel, des dégâts de ces tempêtes successives. "Aujourd'hui, le banc a réduit en épaisseur, en largeur et le cordon dunaire est très fragilisé en plusieurs endroits. La Tempête Aline a carrément drossé ce cordon dunaire. Pratiquement à chaque marée, la mer passe au-dessus, au niveau de la Conche sud !"

Il craint que les neuf mètres de houle annoncés au passage de Cirian ne submergent le site remarquable. "La conche sud est complètement ensablée. La nord, je ne sais pas si elle va tenir".

La vision qu'on a du banc d'Arguin sera complètement différente après cette tempête c'est sûr !

Benoit Dumeau, Conservateur du banc d'Arguin

à la rédaction web France 3 Aquitaine

Patrimoine naturel

Quant à la faune et la flore, on ne peut pas encore vraiment savoir quelles pourraient être les conséquences. Le banc a connu de nombreuses "incursions d'eau dans la dune végétalisée". "Les plantes dunaires sont habituées à l'eau salée, mais là beaucoup de plantes arrachées !" Quant aux insectes de la dune ? Ils "ont été complètement noyés". 

La végétation va s'en remettre, mais difficilement.

Benoit Dumeau, Conservateur du banc d'Arguin

à la rédaction web de France 3 Aquitaine

"Pour les oiseaux, la question restera en suspens puisqu'il n'y en a pas en ce moment, pas de nidification, d'œufs, de poussins", ajoute Benoit Dumeau. Ce sont des oiseaux qui sont en migration qui viennent surtout sur le banc d'Arguin pour se reposer à marée haute. On verra l'an prochain, pour la nidification, s'il y a encore assez d'espace pour les oiseaux qui voudraient venir". On devrait en savoir plus au moment du comptage des oiseaux,en avril 2024 (goélands, huîtriers pies,...)

Benoit Dumeau, malgré l'urgence, essaie de se projeter dans l'après. 

L'année prochaine, avec les services de l'État, on va avoir, je pense, un gros travail de réflexion pour mettre en place les différents zonages, les zones de mouillage, zone de protection intégrale etc."

Il s'agira une nouvelle fois de trouver un équilibre entre la préservation du milieu naturel, l'activité ostréicole et la plaisance. En espérant que le banc d'Arguin résiste à cette nouvelle tempête.

Les ostréiculteurs à la peine

La conche sud, c'est justement là que les parcs ostréicoles sont installés, et il y a eu de gros dégâts ce week-end. "Il y a eu des concessions ensablées, d'autres où des tables ostréicoles ont été retournées, des poches décrochées etc... C'est aussi un risque de pollution. Donc on est assez vigilants là-dessus, comme les professionnels de l'ostréiculture. On est en lien", détaille Benoit Dumeau.

Parmi eux, certains ont témoigné sur leur page Facebook ce dimanche.

Au Comité régional de Conchyliculture, on confirme la crise sur ce site.

"La langue de terre qui avance et vient ensevelir les parcs ostréicoles", et la houle qui met à mal les infrastructures font que "les poches se répandent et la ferraille se retourne" explique Mathieu Cabaussel, le directeur.

Ce lundi, Olivier Laban, le président du Comité conchylicole qui possède des parcs sur place, effectuait un diagnostic. Un appel a été lancé auprès d'autres professionnels pour pouvoir organiser, ce 31 octobre, "le rapatriement du matériel ostréicole". Concrètement, il s'agirait de mettre à l'abri les huîtres comme le matériel. Une opération de solidarité à mettre en place en urgence avant la prochaine tempête. "On a une fenêtre qui est favorable, mais qui va se fermer bien vite."

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