L'été avec Napoléon III : les huîtres du Bassin d'Arcachon

Vous êtes peut-être en train de savourer des huîtres dans une petite cabane du Bassin d'Arcachon... Mais savez-vous que, sans l'Empereur, votre dégustation n'aurait pas tout à fait la même saveur ? C'est en effet Napoléon III qui contribua à développer l'ostréiculture. 

Une lumière d'aquarelle, des cabanes blotties les unes contre les autres, des ruelles fleuries descendant jusqu’à la mer… Qui n’a jamais rêvé devant ce décor enchanteur, face à la Dune du Pilat ? Les villages ostréicoles du Cap Ferret sont devenus les petits paradis du Bassin d’Arcachon, comme des robinsonnades à l’abri du monde, attirant immanquablement les touristes de passage, le temps d’un été… D’autres y habitent toute l’année, bien conscients d’être des privilégiés.

« Si aujourd’hui j’ai l’existence que j’ai, c’est grâce à Napoléon III. Le destin de ma famille a été considérablement lié à la sienne ».

Joël Dupuch, ostréiculteur depuis six générations, sait de quoi il parle. C’est son arrière-grand-père qui a fondé le village des Jacquets en 1877, où lui-même vit toujours, solidement attaché à ses racines et passionné par cette période fondatrice.

" S’il y a des villages tels que nous les connaissons aujourd’hui, c’est vraiment grâce à l’Empereur, poursuit-il. Léon Lescat, le plus grand propriétaire de la presqu’île du Cap Ferret, voulait chasser tous ceux qui s’étaient installés au bord de l’eau, dans des bateaux, des abris de fortune parfois. Ils venaient de l’autre côté du Bassin, après trois ou quatre heures de traversée, c’était beaucoup plus pratique pour eux de rester sur place. Napoléon III n’a pas lâché face à Lescat. Il a autorisé leur installation sur le Domaine public maritime. C’est ainsi que les villages ont été créés. Sans cette décision, que serait-il arrivé en bord de mer ? On aurait eu droit au bétonnage, comme cela s’est fait partout ailleurs. Au Cap Ferret, l’Empereur a sauvé le paysage ».

Rien ne dit qu’il soit venu sur la presqu’île mais Napoléon III s’est rendu deux fois à Arcachon, ancien quartier de La Teste, devenue commune par décret impérial en 1857.

La première visite a lieu en octobre 1859.

Le maire, Alphonse Lamarque de Plaisance, ne tarit pas d’éloges en accueillant le souverain, comme le raconte Charles Daney, dans sa « Petite histoire du tourisme sur la Côte d’Argent », qui vient de paraître aux Editions Sud-Ouest :

« Soyez le bienvenu dans notre jeune cité d’Arcachon. Tout y est à vous, Sire, nos bras, nos cœurs. Tout, jusqu’à la cité elle-même, n’existe que par vous et pour vous ».

Difficile d’en dire davantage ! Une visite éclair marquée par une rencontre discrète mais particulièrement importante. Parmi les personnalités qui accueillent l’Empereur à la gare, se trouve un certain Victor Coste.
Ce proche du souverain, médecin de l’Impératrice, a été nommé dès le début du Second Empire en 1852, à la tête d’une mission officielle pour mener des recherches sur l’huître.

Une étude provoquée par le constat alarmant du ministère de l’agriculture et du commerce. La ressource s’épuise, l’activité périclite et toutes les tentatives de relance ont échoué.

Victor Coste, savant naturaliste, comme l’on disait à l’époque, a effectué des voyages exploratoires sur le littoral français et italien pour tenter de trouver des solutions en lançant de multiples expérimentations.

Son tour de force sera de parvenir à capter des bébés huîtres : le scientifique imagine un système de collecteur, fait de bois et de tuile, pour retenir les larves en suspension dans l’eau. C’est une première : cette nouveauté permet d’envisager leur culture.
Son rapport trouve un écho très favorable auprès des premiers intéressés qui écrivent à l’Empereur, pour demander le retour du scientifique sur le Bassin d’Arcachon afin qu’il puisse approfondir ses travaux.

Victor Coste préconise la création de fermes modèles. Elles deviendront les parcs impériaux.

Dans la foulée, le savant inspire le décret impérial du 29 février 1860, établissant le cadre réglementaire de cette culture naissante : emplacements des parcs, interdiction des clôtures, dimensions limitées à 4 hectares, outils spécifiques, statuts des professionnels…

Dès lors,

« la Petite Mer de Buch allait entrer de plain-pied dans la culture de l’huître : l’ostréiculture, bientôt rebaptisée l’ostréiculture »

explique Michel-Gérard Boyé, dans « Une histoire du Bassin », publié aux Editions Mollat.
Cette nouvelle organisation est un succès :  112 concessions sont attribuées contre une trentaine en 1859, lors de la venue de l’Empereur.

L’ensemencement peut commencer, avec du naissain venu essentiellement du Morbihan, d’Espagne et d’Angleterre : un million et demi de bébés huîtres dans les trois parcs impériaux, un million dans les parcs privés.

Seul bémol, les larves se fixent si bien qu’il est difficile de les retirer de leur support !

Le maçon Jean Michelet va trouver la solution : cet Arcachonnais, beau-frère du gardien-chef des parcs impériaux, imagine un mélange de sable et de chaux, résistant à l’eau mais suffisamment friable pour permettre d’ôter, sans les casser, les fragiles et minuscules coquilles d’huîtres. 
 

Victor Coste vient en personne à Arcachon pour le féliciter. Tout est désormais en place. L’ostréiculture se développe progressivement, pourtant freinée par une météo défavorable. Ironie du sort : c’est juste après la chute de l’Empire qu’elle prendra son véritable essor ! 

Et pour la petite histoire… L’Empereur appréciait-il les huîtres ?
 

Michel-Gérard Boyé, président honoraire de la Société historique et archéologique du Bassin d’Arcachon, connaît ce genre de petits détails qui ne manquent pas de sel…
 

«L’Empereur en a-t-il mangé lors de ses visites ? Je ne crois pas. À chaque fois, il s’est arrêté trop peu de temps sur le Bassin, en rentrant de Biarritz ou de Solferino dans les Landes. Lors de sa première venue, on sait qu’il était « indisposé », il ne se sentait pas très bien et n’avait fait qu’une petite collation à la villa Alma, où il était accueilli brièvement.

La deuxième fois, en 1863, il était venu seul, également très rapidement, et sans l’Impératrice qui avait préféré rester dans sa chère ville de Biarritz. Aucune trace de menu avec des huîtres…

Ce qui est possible, c’est qu’il en ait dégusté lorsqu’il est venu à Bordeaux en 1852, l’année de son fameux discours. La municipalité de La Teste lui avait offert des gravettes, les huîtres plates originaires du Bassin.

Enfin, ce que l’on sait avec certitude, c’est qu’en janvier 1866, le maire d’Arcachon - Charles Héricart de Thury, qui lui aussi s’était lancé dans l’ostréiculture avec Jean Michelet-, avait envoyé aux Tuileries un panier d’huîtres. Quelques jours après, on lui avait annoncé que l’Empereur les avait trouvées excellentes. On peut donc en conclure que… Oui, apparemment, Napoléon III aimait bien les huîtres !

Ouf, nous voilà rassurés, il eût été dommage de ne pas en profiter…
 

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