C’est une démarche inédite en France. La ville d’Arcachon offre à ses 12000 habitants un accès gratuit à ChatGPT, le célèbre outil d’intelligence artificielle. Portée par son maire Yves Foulon, l’initiative vise à réduire la fracture numérique dans l’une des communes les plus âgées du pays.
"La ville vous offre l'Intelligence artificielle" indiquent les panneaux vert et bleu installés dans plusieurs sites de la ville. À 71 ans, Marie Acard semble très enthousiaste à l'idée d'essayer cette nouvelle application dont tout le monde parle.
Elle est venue ce jour-là s'informer auprès de l'animatrice, "une aidante numérique de la ville", qui va l'aider à faire ses premiers pas. Car depuis le 21 octobre, elle bénéficie d’un accès gratuit à ChatGPT. C'est un cadeau de la ville d’Arcachon.
Peut-être que c’est plus abordable pour les jeunes mais je trouve que c’est une opportunité d'utiliser ce genre ce site.
Marie AcardRetraitée
Curieuse, elle a déjà abordé différentes questions numériques avec l'aidante. Mais là, cela semble un peu confus par rapport à des questions qu'elle pourrait habituellement entrer dans un moteur de recherche classique de type Google, Qwant ou autre.
"Ce robot génère du texte, tu peux lui demander par exemple de rédiger un modèle de lettre", explique l'employée de la ville.
À la médiathèque aussi, les inscriptions affluent. Déjà plus de mille Arcachonnais sont venus réclamer leur code d’accès gratuit. Pour cette dame, l'usage sera familial. “Avec mes enfants, ça peut aider, ils sont en terminale : sur les questions de philo, le sujet est très bien traité. Ça peut m’aider pour beaucoup de choses !”
Un assistant personnel
Pour Yves Foulon, le maire d'Arcachon, ce n'est pas une mesure gadget. Il rappelle déjà la démarche de la ville dans l'accompagnement numérique de ces habitants. "On a partout dans la ville des maisons de quartiers qui forment la population à appréhender le numérique de façon utile et concrète. Facebook, Twitter, pouvoir converser avec son petit-fils en visio... Maintenant, tout le monde sait le faire ! ChatGPT, c'est efficace, c'est l'avenir. On veut que nos habitants aient un accès simple et facile à ce nouveau dispositif ".
Selon l'édile, cette mesure supplémentaire participe à lutter contre la fracture numérique. Le maire détaille les multiples usages, "par exemple un CV pour un jeune, un courrier de résiliation, l'accompagnement pour les devoirs ... Google ne le fait pas. Google, c'est bien. Chat GPT, c'est encore mieux !"
Sur un tutoriel de la ville visible sur le site de la ville d'Arcachon, on explique que toutes les questions de la vie quotidienne peuvent être posées au robot, de la panne de machine à laver jusqu'au menu du soir.
Mais encore faut-il que les Arcachonnais s’en saisissent. Selon une récente étude, seuls 10 % des utilisateurs de Chat GPT ont plus de 55 ans. À Arcachon, six habitants sur dix ont plus de 60 ans.
C’est justement parce que nous avons une population âgée. Je crois que c’est un progrès que l’on apporte à la population.
Yves Foulon Yves FoulonMaire (LR) d’Arcachon
10 000 euros par an
Les bénéficiaires qui se sont déplacés ces derniers jours semblent apprécier le cadeau. Mais est-il bien nécessaire en ces temps de restrictions budgétaires dans les collectivités ? Ne vaut-il pas mieux accompagner les personnes éloignées des démarches numériques. Car le coût de ce cadeau municipal est tout de même estimé à 10.000 euros par an.
Cette application dite intelligence artificielle va donc au-delà de la simple recherche internet mais nécessite peut-être une culture numérique, des usages approfondis, des mises en garde concernant notamment les sources de l'application.
Chat GPT c'est quoi ?
Le mot "chat" signifie "dialogue en ligne". Chat GPT est un robot conversationnel basé sur l’intelligence artificielle (IA) capable d’apporter des réponses plus ou moins précises à leurs questions. Pour cela, il se base sur plusieurs milliards de données du web, qui remontent pour le moment à 2021 pour les plus récentes. Ce robot IA fonctionne par perfectionnement : à chaque question, la réponse se fera plus précise.
Selon Maxime Mario, consultant digital bordelais spécialisé dans l'intelligence artificielle, "c'est comme un moteur de recherche, mais au lieu de répondre par des sites web, il va répondre par des phrases". Le robot va ainsi donner des réponses, mais d'où viennent-elles ? "Il n'a pas la connaissance absolue. Il va aller se sourcer sur tous les sites web qui fourmillent sur le net, les millions et millions de sites". Pour autant, quel crédit apporter à cette sorte d'assistant personnel ? Quelle véracité peut-on attendre de ses réponses ? "Si à un moment donné il y a une fake news qui est répandue sur le net, Chat GPT ne peut pas savoir si c'est vrai ou faux, donc lui se dira que c'est vrai et risque de répondre et répandre ces informations qui sont colportées..."
Démocratiser, vulgariser
Pour le consultant, démocratiser cet accès à l'IA semblerait une bonne chose. "Faire tester aux gens, poser des questions même pour rigoler ou sur des choses complexes", pour que les gens puissent s'approprier ces outils numériques. "Il est assez bon pour vulgariser des concepts assez abstraits. On peut lui demander de nous l'expliquer comme à un enfant de cinq ans. Il va faire un travail de synthèse assez intéressant, je trouve".
Pour autant, il attire l'attention sur les limites de cet usage qui nécessite selon lui une petite formation et un questionnement individuel : "qu'est-ce que je peux faire avec Chat GPT ? Il faut trouver des cas d'usage. Par exemple, je pars à Copenhague, qu'est-ce que je peux faire là-bas ?"
Maxime Mario explique également que le robot ne sait pas dire qu'il ne sait pas. Il lui a, par exemple, demandé de voir s'il disposait de temps sur son agenda. "Il me dit jeudi, 13h. Ce n'était pas vrai en fait, il n'avait pas accès à mon agenda, mais il ne veut pas me le dire!", plaisante-t-il. L'IA a des limites. Elle se base sur des sources existantes multiples. "Il s'est forgé sa propre vérité" à partir sans doute d'agendas disponibles, eux, sur le net.
"Ça peut être dangereux si on propose cela à des gens qui ne savent pas comment ça fonctionne et qui ne connaissent pas ses limites, on peut avoir des fake news ou juste des incohérences dans ce qui sera répondu."
La problématique des sources est aussi une question à se poser. Même si, ajoute-t-il, "on peut lui demander d'où il tient ses sources et la conversation est intéressante. Mais peu de gens vont le faire en fait..." En matière de création artistique, les droits d'auteur risquent d'être mis à mal. "D'une manière générale, ChatGPT et les autres intelligences artificielles vont toujours récupérer des informations qui existent déjà et se baser dessus pour créer autre chose..."