"On ne peut pas accepter que le Bassin soit pourri et contaminé légalement !" La colère monte chez les ostréiculteurs et les associations

Un document du SIBA, gestionnaire du réseau d'assainissement du bassin d'Arcachon, qui aurait fuité ces derniers jours, suscite la colère des associations environnementales et des ostréiculteurs. Selon eux, le syndicat intercommunal demanderait à l'État "un droit à polluer" en cas d'épisode pluvieux exceptionnel.

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À situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle. Au bout de sept jours consécutifs de pluie et un cumul de 70 millimètres de précipitations, le réseau d'eaux usées du bassin d'Arcachon n'est plus en mesure d'absorber la totalité de ces eaux. Dans cette situation spécifique, le gestionnaire du réseau, le SIBA (syndicat intercommunal du bassin d'Arcachon), propose de déverser ses égouts dans la nature au niveau de cinq points de collecte et de traitement.

Plus précisément, dans un document, nommé "porter à connaissance", actuellement étudié par la Préfecture de Gironde, en page 10, le SIBA demande "d'amender les arrêtés préfectoraux des systèmes d'assainissement de La Teste-de-Buch et de Biganos pour y intégrer les situations climatiques inhabituelles durant lesquelles la collecte des eaux usées brutes ne parvient plus à garantir le transport des eaux vers les stations d'épuration sans mobiliser les ouvrages au-delà de leur capacité". Une requête qui scandalise les ostréiculteurs et les associations environnementales.

Légaliser la pollution

Selon Thierry Lafon, ostréiculteur à Gujan-Mestras et président de l'ADEBA (Association de Défense des Eaux du Bassin d’Arcachon), le SIBA, présidé par le maire d'Arcachon Yves Foulon (LR), aurait demandé à l'État "un droit à polluer". "C'est inadmissible", lance-t-il. Cet ostréiculteur a déposé plainte contre le gestionnaire du réseau en janvier dernier pour écocide, le tenant pour responsable de la pollution du Bassin au norovirus.

Le consommateur retrouve l'envie de consommer des huîtres, et là, on se fait torpiller par un comportement complètement scandaleux de ceux qui sont censés protéger le Bassin.

Thierry Lafon,

ostréiculteur et président de l'association ADEBA (33)

La saison automnale s'annonce mal. Le réseau d'assainissement "n'est toujours pas fiable" selon Thierry Lafon qui vient tout juste de finir de vendre les stocks d'huîtres qui auraient dû être vendus le 1ᵉʳ janvier. "Finalement, on fait ce qu'on peut, mais quand ça déborde, ce n'est pas notre faute. Cela résume la position du Siba. Or ce milieu naturel, cela fait des décennies que l'on s'emploie à le protéger. On a besoin qu'il soit sain pour faire un produit sain et gastronomique. Ce que veut faire le Siba en ayant la capacité à balancer ses mauvaises gestions des eaux usées dans le bassin, c'est d'en faire de la "gastroliquide", poursuit Thierry Lafon qui ne mâche pas ses mots. C'est scandaleux et inadmissible sur le fond et la forme".

On ne peut pas accepter que le Bassin soit pourri et contaminé légalement !

Thierry Lafon,

ostréiculteur et présiednt de l'association ADEBA (33)

Situation exceptionnelle 

Selon l'ostréiculteur qui a pris connaissance du document ou ce "droit à polluer" serait mentionné, cela pourrait se produire "entre trois et quatre fois par an" selon les dernières données. "Le SIBA veut donc pouvoir légalement laisser déborder son réseau d'assainissement, ses eaux brutes dans le milieu naturel. Il faut comprendre que quand cela se passe, c'est quand les nappes affleurent et le sol saturé d'eau. Contrairement à ce que prétend le SIBA, le sable ne peut pas filtrer, ça part directement dans le bassin d’Arcachon", détaille Thierry Lafon.

► VIDÉO. Voir le reportage sur le réseau d'assainissement du bassin d'Arcachon qui continue à faire des vagues

durée de la vidéo : 00h02mn08s
Reportage d'América Lopez, Nicolas Préssigout et Florian Dumont diffusé le 23 septembre 2024. La pollution par les eaux usées du bassin d'Arcachon avait entraîné des milliers d'intoxications de consommateurs d'huîtres à Noël dernier et trois semaines d'interdiction de vente. Dans un "porter à connaissance", le SIBA qui est le gestionnaire du réseau d'assainissement, demande l'autorisation à l'État de rejet les eaux brutes dans le milieu naturel lors d'épisodes de fortes précipitations. Des ostréiculteurs et les associations environnementales sont scandalisées. ©France 3 Aquitaine

Stopper l'urbanisation galopante

"Un scandale" également pour Jacques Storelli, président de l'association CEBA qui regroupe 26 associations de défense de l'environnement du bassin d'Arcachon. "Au lieu de faire de la promotion pour le tourisme dans le métro parisien, le SIBA ferait mieux de souder les bons tuyaux pour que nos rejets humains et le pluvial fonctionnent dans des conditions normales".

Le SIBA craint le pénal et l'environnemental, donc on se met sous le parapluie juridique pour ne plus être responsable de rien !

Jacques Storelli,

président de la CEBA (33)

En clair, "le SIBA n'est pas en mesure de garantir à ses administrés qui payent tous ces services que ça ne va pas déborder à nouveau, et polluer le bassin, les huîtres, les poissons, et éventuellement au bout provoquer des intoxications", explique le président de la CEBA qui a également porté plainte au pénal pour écocide contre le gestionnaire du réseau suite à la crise ostréicole de Noël dernier.

Au cœur du problème, écologistes et ostréiculteurs s'accordent à dire que c'est l'urbanisation galopante sur le bassin d'Arcachon et l'artificialisation des derniers espaces naturels où l'eau ruisselle. L'association CEBA a demandé au préfet de Gironde de bloquer les permis de construire dans les zones impactées par les débordements. "C'est possible, car le préfet des Côtes-d'Armor vient de le faire pour freiner la démographie et les constructions", précise le militant écologiste.

Principe du zéro rejet

Le bassin d'Arcachon est pourtant un parc marin protégé au titre de la biodiversité et la fragilité de l'écosystème. Et, depuis plusieurs années, le principe est le "Zéro rejet dans le bassin". Un principe que rappelle le SIBA dans son préambule, mais qui ne l'empêche pas de mander des dérogations quand la situation climatique sera donc exceptionnelle.

"Comment peut-on imaginer autoriser ce rejet par rapport à la crise ostréicole qui a eu lieu en décembre, au sujet de la qualité des eaux de baignades pour les habitants et le tourisme, sans oublier les pêcheurs", s'insurge Sophie Panonacle qui a interpellé le préfet dans un courrier du 16 septembre, resté sans réponse à ce jour.

Je suis choquée par une telle demande.

Sophie Panonacle

Députée (REN) du Bassin d'Arcachon

La députée Renaissance souligne par ailleurs que le porter à connaissance du SIBA n'a pas été diffusé aux membres du conseil de gestion du PNMBA (Parc national marin du bassin d'Arcachon). Une présentation sommaire sans débat avait cependant été faite le 12 septembre dernier lors du dernier conseil de gestion. Certains maires du bassin n'en auraient pas eu connaissance non plus, selon eux.

À cette heure, le SIBA n'a pas souhaité répondre à nos questions malgré nos multiples sollicitations. Le porter à connaissance est en cours d'instruction à la préfecture de Gironde. Que décidera in fine le préfet Étienne Guyot ? Sa décision est très attendue par les ostréiculteurs et les écologistes.

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