Aides à l'apprentissage : des signaux très positifs pour les jeunes et les entreprises

Les mesures post-covid destinées à soutenir les formations professionnelles des 16-25 ans devraient encourager les chefs d'entreprises à recruter malgré une reprise incertaine. Et convaincre les jeunes encore hésitants à se lancer dans une filière qui débouche sur un emploi dans 7 cas sur 10.

Dominique Ganteille veut rester optimiste. Même s'il reconnaît que les offres de stage ont diminué de 50% pendant le confinement.

Tout va dépendre de l'évolution de la situation économique mais on pense qu'il va y avoir une stabilité de la demande et on parie même sur une hausse dans les métiers de bouche.

 Dominique Ganteille - Directeur de l'Institut des métiers de l'artisanat de Bordeaux Lac 

Le directeur du Centre de Formation des Apprentis de Bordeaux Lac travaille d'arrache pied avec ses équipes pour convaincre les entreprises de continuer à recruter.

Mais "c'est très délicat" reconnaît-il cependant. "Les entreprises sont concentrées sur la reprise et essaient de récupérer leurs clients. L'apprentissage n'est pas leur priorité".

Des mesures bienvenues

"Les mesures annoncées hier ( jeudi 4 juin ) par le gouvernement sont très rassurantes car très avantageuses pour les employeurs. C'est un message positif" se réjouit Dominique Ganteille. 

Ainsi les entreprises recrutant un apprenti d'ici au 28 février 2021 toucheront une prime comprise entre 5000 et 8000 euros. Ils n'auront donc quasiment rien à débourser pendant les 12 premiers mois du contrat.

Cette aide devrait leur laisser le temps de reconstituer un minimum de trésorerie après un chiffre d'affaires réduit à zéro ou à presque rien. 

Autre mesure importante : le délai accordé aux étudiants pour trouver un contrat. Rallongé de 3 à 6 mois. Ils pourront donc s'inscrire et commencer leur formation même sans avoir trouvé d'employeur.

Cela devrait inciter ceux qui n'osent pas à se lancer. Mais "pour l'instant la demande est inférieure à 2019" constate le directeur du CFA de Bordeaux.

Il faut dire que l'an dernier les inscriptions ont battu des records. 14% d'élèves supplémentaires en Nouvelle-Aquitaine se sont lancés dans l'apprentissage. Le secteur affiche un taux de débouché considérable : 71,8% des apprentis obtiennent un CDD ou un CDI (54,4%) sept mois après leur formation.

Au vu de ces chiffres, Dominique Ganteille n'est pas très inquiet pour la rentrée. "On communique beaucoup sur les réseaux sociaux et ça marche très bien. On peut visiter le CFA en 3D, se promener dans nos labos, voir nos équipements" explique t-il.

Son école forme 1800 des 45 000 apprentis de Nouvelle-Aquitaine. 

Ils apprennent les métiers de bouche, de l'automobile et de la beauté. Certains ont continué à travailler pendant le confinement, dans la restauration ou chez des garagistes restés ouverts. D'autres ont été mis en chômage partiel. Et espèrent que leur contrat ne sera pas rompu.

Les secteurs les plus touchés sont ceux de l'auto et de la coiffure-esthétique. 

"Ces deux dispositifs vont permettre de bien amorcer la reprise mais après la crise il est important que l'entreprise paie elle-même les jeunes qu'elle forme. Elle passe certes du temps avec eux mais les apprentis produisent aussi, il ne faut pas l'oublier. Il ne faut pas pervertir le système et mettre des personnes gratuitement à disposition" prévient-il.

 

Un contrat ou un stage à l'étranger

 

Hugo Katan, 21 ans, a réussi à s'inscrire dans une école d'ingénieur à Bordeaux pour la rentrée de septembre. Mais il doit trouver un contrat d'appentissage. 

"Normalement, l'école où j'ai été pris propose des offres de ses partenaires sur une plateforme. Des amis m'ont dit que c'était génial pour trouver un poste. Mais depuis avril, il n'y a plus rien du tout" se désole-t-il.

"Je cherche beaucoup sur les réseaux, j'y poste mon CV, je contacte des personnes sur LinkedIn. Entre les mails et les coups de téléphone, j'ai dû candidater une quinzaine de fois et je continue. Je marche aussi beaucoup par le bouche à oreille. J'ai quelques pistes mais rien de bien concluant."

Les employeurs lui répondent "non" ou "on n'embauche pas", ou encore "on ne peut pas s'engager pour l'instant".

Hugo est donc dans l'attente. Avec les nouvelles mesures annoncées hier, il sait qu'il pourra débuter sa formation à la rentrée même sans avoir signé de contrat. Mais "on est 50 à avoir été pris pour seulement 25 places. Donc seuls les 25 premiers à avoir déniché une entreprise pourront vraiment intégrer l'école".

S'il ne figure pas parmi les 25, il pense opter pour une expérience à l'étranger, "pour parfaire mon anglais. Je préfère faire quelque chose d'intéressant ailleurs que de trouver un boulot ici" dit-il.

Pour l'heure le jeune homme est en chômage partiel. L'entreprise dans laquelle il travaillait lui avait promis un poste mais le covid a tout stoppé.

Le coup de pouce de la Région

Les apprentis les plus précaires vont pouvoir bénéficier d'une prime de 1000 euros versée par la région Nouvelle-Aquitaine. Une aide d'urgence destinée à éviter les décrochages.

"On veut éviter les ruptures de contrats, il faut que ces jeunes aillent au bout de leur diplôme". C'est une priorité pour Catherine Veyssy, la vice-présidente de la Région en charge de l'apprentissage.

Bien que la compétence ait été retirée aux conseils régionaux l'an dernier, la région Nouvelle-Aquitaine y reste très attachée.

"On continue à accompagner les centres de formation et notamment les plus petits installés en milieu rural. Certains forment à des métiers peu courant, de bergers ou de céramistes par exemple, des formations qu'il faut impérativement maintenir pour ne pas voir disparaître certains savoir-faire" explique t-elle.

Catherine Veyssy regrette que le gouvernement n'ait proposé que des mesures destinées aux entreprises. Peu en faveur des CFA. "Ces écoles sont financées en fonction du nombre de contrats d'apprentissages signés. Mais s'il y a moins de contrats, les charges restent les mêmes pour elles et elles risquent de se retrouver en difficulté. Un risque d'autant plus grand pour les petites structures" souligne l'élue socialiste.

Un cri d'alarme qui rejoint celui des Chambres des Métiers et de l'Artisanat (CMA). Elles disent redouter "une crise de l'apprentissage". 

"Il en va de l’avenir de la jeunesse de France comme de celui de la « Première entreprise de France »" préviennent-elles.

Les CMA demandent la mise en œuvre d’une "garantie apprentissage".

Les mesures annoncées jeudi "ne sont pas à la hauteur de l’enjeu" regrettent ces professionnels même s'ils reconnaissent qu'elles "constituent un pas en avant important".

Ainsi les artisans "les plus touchés par les risques de faillite" devraient obtenir "des aides plus élevées" que celles annoncées réclament les CMA.

Elles annoncent leurs premières Journées Portes Ouvertes Virtuelles le 24 juin prochain dans tous les CFA de France. "Pour informer, orienter et recruter à grande échelle" dans un secteur jusque là, en pleine expansion.

 

 

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