Alors que l'on vient de franchir la barre des 200 000 apprentis, une décision du gouvernement de baisser les niveaux de prises en charge de l'apprentissage inquiète. Les artisans craignent pour leur activité et leur avenir.
Ce matin-là, le boucher-charcutier Eric Larrazet s'approche des deux apprentis et se saisit d'un des petits paquets de viande ficelés posés face à eux sur la table. "C'est bien. Mais essaie de faire des paupiettes régulières. C'est important pour la cuisson". Le coup de main, l'expérience, la transmission : c'est la base de l'apprentissage.
Former de futurs amoureux du métier
Le boucher-charcutier a très à cœur de transmettre un savoir-faire, mais aussi des valeurs. "La propreté, la politesse, la ponctualité, le respect...", sont les premières choses qu'il demande à ses apprentis., avant même l'enseignement des outils, les espèces ou les morceaux..
Eric Larrazet décrit avant tout une relation humaine entre l'apprenti et son tuteur, qui lui prodigue la formation, mais aussi son expérience. Tout un univers à s'approprier pour ces jeunes hommes.
Dans sa boucherie, il a formé avec patience et engagement, des dizaines de jeunes collègues dont Gauthier Détrés, devenu champion d'Europe et du monde de boucherie. Et le champion sait ce qu'il doit à ses années d'apprentissage, à la qualité de l’enseignement qu’il a reçu au centre de formation des métiers de bouche de Bordeaux. Il alternait alors une semaine à l'école et trois semaines à la boucherie. "C'est grâce à eux que j'ai participé à de nombreux concours, grâce à eux que j'ai été embauché et peut-être un jour que je reprendrai la boucherie..."
Le jeune homme s'inquiète désormais d'une baisse de financement de l'apprentissage qui lui semble un mauvais signal envers les adolescents. "Ça n'incite pas les jeunes à se tourner vers ces métiers-là".
Regardez le reportage d'America Lopez et Nicolas Pressigout.
Une baisse de 10 % pour la formation des bouchers
Un décret en date du 6 septembre entérine la baisse des dotations de l'Etat pour l'apprentissage, une diminution de l'ordre de 10 % pour la branche boucherie. Gérard Gomez, président de la Chambre des métiers et de l'artisanat Nouvelle-Aquitaine, trouve, lui aussi, cette décision "incompréhensible". "Ce qui m'inquiète, c'est de ne plus pouvoir demain former des jeunes à des métiers rares. Ou, parce qu'on sera peut-être amenés à fermer des centres de formation, à ne plus pouvoir avoir des jeunes sur des territoires ruraux."
La menace de fermeture est d'autant plus présente que ces centres de formation subissent également l'inflation ou encore la hausse des matières premières et de l'énergie.
Si on coupe les moyens de former, j'ai bien peur que nous ne soyons malheureusement plus en capacité de fournir de la main d'oeuvre et des apprentis à ces entreprises,
Gérard Gomez, Président de Chambre des Métiers et deConférence de presse, mardi 19 septembre 2023
La Nouvelle Aquitaine comptait en 2022 12 726 apprentis, un chiffre en progression par rapport à l'année précédente. Un tiers de ces formations concerne les métiers de bouche. Et à l'issue de ces parcours, 80 % des bénéficiaires trouvent un emploi. Parmi les secteurs les plus menacés par le décret de début septembre, se trouvent la boucherie, la coiffure et la tonnellerie.