Des pompiers et des policiers ont été pris à partie, à plusieurs reprises, mercredi 19 mai, dans la cité des Aubiers à Bordeaux. Ils ont également essuyé des tirs de mortier d'artifice. Un homme de 17 ans a été interpellé.
Un jeune de 17 ans a été interpellé et un policier a été blessé, à l'issue de cette soirée d'échauffourées. Des épisodes qui se banalisent au détour d'un feu de voiture ou de poubelles, au détriment des habitants.
Tout a commencé en fin d'après-midi, vers 17h30, alors que les policiers interviennent dans la cité pour accompagner l'enlèvement d'une voiture volée qui avait été incendiée. C'est alors que "plusieurs jeunes" les prennent à partie et leur jettent des cailloux. Ils réplique par des gaz lacrymogènes et des tirs de LBD.
D'ailleurs, cela se passe à l'entrée de la cité, devant la bibliothèque. Vincent Maurin, maire du quartier Bordeaux Maritime, relaie le récit de la directrice de la bibliothèque. Les lecteurs du jour ont dû être confinés quelques temps, entre 17h et 18h, avant de pouvoir sortir, au grè des "éclaircies entre les gaz lacrymogènes".
"Légumes congelés" et mortier d'artifice
Bruno Vincendon, du syndicat Alternative Police CFDT, confirme une première intervention en fin de journée pour enlever une voiture brûlée. Suite aux projectiles, ils ont répliqué en utilisant leur LBD et des lacrymogènes.
Un peu plus tard, vers 21h30, la police intervient à nouveau pour sécuriser les pompiers, venus éteindre des feux de scooter et de poubelles. Ils reçoivent, ensemble, toutes sortes de projectiles lancés par plusieurs dizaines de jeunes, parfois très jeunes. "On a reçu des aliments congelés jetés depuis les immeubles. Des légumes congelés etc… ça leur sert de projectiles. Quand il y a un mouvement en bas des immeubles, des jeunes y participent depuis leur appartement." explique-t-il.
Lionel Viguier, communication Direction départementale de la sécurité publique 33, explique que vers 21h30 également, les équipes sur place ont également essuyé quelques tirs "de feux d'artifice tirés à tir tendu, c'est ce qu'on appelle des mortiers d'artifice ", "en direction des forces de l'ordre et des pompiers".
Les échauffourées ont continué environs jusqu'à 22h30, et là, "ça s'est calmé". Il explique que la police assure alors "une présence pour éviter d'autres atroupements et que ça recommence..."
Une banalisation de l'affrontement ?
Une soirée "malheureusement banale" selon Bruno Vincendon. Une agitation qui pourrait bien se reproduire après ce nouveau déconfinement et l’approche de l’été. « On craint un été bordelais très agité. C’est un peu à qui enverra le plus de projectiles (d’un quartier à l’autre, NDLR ). Les quartiers ont été un peu sous cloche pendant le confinement. » d’où cette impression que la tension va monter dorénavant. D’autant que les renforts annoncés par le ministre de l'Intérieur ne seront là qu’en septembre, après l’été.
Même sentiment de banalisation chez les pompiers qui, sur leur compte-rendu, ne rélèvent "pas d'événement particulier" la nuit dernière, ni la fameuse soirée de mercredi où ils sont intervenus effectivement pour un incendie de voiture, un incendie de poubelle.
S'ils n'ont "pas eu spécifiquement de remontées ce soir-là", selon Mathieu Jomain, officier communication des pompiers de la Gironde ( SDIS 33), c'est sans doute parce que "c'est malheureusement le lot quotidien des pompiers, parfois". Il explique que c'est pour cela que, selon les moments de tensions dans certains quartiers, ils interviennent "en partenariat" avec la police ou la gendarmerie "quand l'intégrité de nos hommes est menacée, ou de nos matériels".
Encore une soirée de tensions durant laquelle c'est tout un quartier qui retient son souffle et subit. Le déroulé des "incidents" laisse penser que ces affrontements étaient recherchés par les jeunes. On peut s'interroger aujourd'hui sur le fait que si la police ou les pompiers ne peuvent intervenir normalement, ce sont tous les habitants de la cité qui pourraient en pâtir, pour une urgence vitale par exemple...
Un quartier abandonné ?
Ce n'est manifestement pas l'image que les habitants veulent donner de leur quartier, du moins officiellement, parlant de solidarité, de liens "familiaux" qui lieraient les voisins de la cité bordelaise. La mairie également, le centre d'animation, veulent montrer que des choses sont faites pour aller au devant des familles, des jeunes, malgré un contexte socio-économique défavorable. Il compteun des plus forts taux de chômage d'Aquitaine.
Force est de constater que les épisodes, souvent nocturnes, qui animent le quartier ces derniers mois se ressemblent, même si chacun explique que ce type d'affrontements avec la police a toujours existé.
Chacun garde à l'esprit le drame de janvier dernier qui a coûté la vie à un jeune adolescent du quartier, Lionel, blessé mortellement par balle. Il avait 16 ans.
Des "incidents" qui exaspèrent la population. Il y eu l'incendie de la poste le 1er janvier, des abri-bus cassés et brûlés, un bus volé, un car de CRS pris pour cible,... Tous ces dommages collatéraux font que, notamment les personnes âgées, doivent se rendre au quartier d'à côté pour leur démarches administratives à La Poste.
L'exaspération des habitants
Pour Vincent Maurin, adjoint au maire de Bordeaux, qui vit, travaille (il est directeur de l'école Charles Martin) dans ce quartier et agit auprès d'associations depuis 35 ans, c'est du fait de très jeunes gens.
Il parle de l'exaspération des habitants face à ces violences de cité : "où des jeunes créent un événement pour faire venir les forces de l'ordre et les attendent". Mais il souhaite qu'on ne mélange pas tout. Il distingue bien avec "les rixes interquartiers et passage à l'acte avec arme...".
Même s'il en convient "les habitants ont le sentiment que leur environnement se dégrade par des phénomènes de violences (rixes interquartiers et affrontements systématiques avec la police, NDLR). "Il faut qu'on ramène de la sérénité, de la responsabilité", "pour que les choses s'améliorent. D'où le projet de rénovation porté par l'agence de renouvellement urbain" avec "une vrai réflexion d'ouverture de la cité" en instaurer une nouvelle circulation, de nouveaux services publics.
Un projet déjà prévu depuis une dizaine d'années et "qui tarde à se concrétiser"... Mais Vincent Maurin en est persuadé "cette cité a des atouts", et beaucoup d'actions sont faites auprès des familles, de la jeunesse (éducation, insertion, lutte contre le décrochage scolaire, aide à la parentalité,...). Une jeunesse qui est de plus en plus "hors cadre" et des jeunes qui ont "du mal à se raccrocher à des projets".