Depuis l’automne, les matchs de Ligue 1 se déroulent à huis clos. Drôle de contexte pour un Bordeaux-Paris qui attire la foule d’ordinaire. Impressions sonores d’un stade vide.
C’est une drôle de sensation, qui vous envahit dès l’arrivée sur le parvis du stade Matmut Atlantique. La venue de l’une des meilleures équipes d’Europe est toujours un événement. En général, deux heures avant le match, les premiers fans arrivent et l’ambiance monte vite. Là rien, à part le silence, à peine troublé par le chant des oiseaux. Il fait vingt degrés, le soleil brille et on va voir jouer le finaliste de la dernière Ligue des Champions. Difficile de se plaindre même en amoureux du jeu, je regrette les absences des deux meilleurs joueurs du championnat, Neymar (blessé) et M’Bappé suspendu. Mais l’affiche vaut le detour. Et on a hâte de voir si les Bordelais, englués dans une vilaine série de cinq défaites et un nul lors des six dernières journées de Ligue 1, vont enfin relever la tête. Le temps de saluer les confrères et j’entre dans le stade, au deuxième niveau, où se trouve la tribune de presse. Par réflexe, je tourne la tête sur ma droite, en direction du Virage Sud, pour sentir l’atmosphère de la soirée. Mais évidemment, et personne ne s’y habitue, c’est vide. Les fauteuils blancs sont repliés, comme dans toutes les tribunes. Le Matmut Atlantique, d’une capacité de 42 000 places, est une coquille vide, un vaisseau fantôme, silencieux comme une cathédrale, cimetière de l’essence même du sport de haut niveau, la communion entre les fans et les acteurs. «Cela ne donne pas envie de travailler », soupire Laurent Brun, un journaliste. Mais puisqu’il faut bien trouver un avantage à cette atmosphère très intimiste, on entend tout ce qu’il se passe sur le terrain. L’ambiance d’un grand soir manque terriblement mais on se console quelque peu avec les échanges entre les protagonistes du match. Et on entend beaucoup les gardiens des deux équipes replacer leurs coéquipiers. En espagnol le plus souvent pour Navos, le dernier rempart parisien originaire du Costa Rica :
« Vamos, vamos ». En face le Bordelais est encore plus bavard. Sur une longue passe de Marquinhos, Benoît Costil alerte sa défense centrale Koscielny-Mexer : « regardez le ballon ».
Un stade vide pour la nouvelle défaite des Girondins face à Paris mercredi soir 3 mars. pic.twitter.com/FTTMOaYR86
— France 3 Aquitaine (@F3Aquitaine) March 4, 2021
Paris, malgré l’absence de ses stars M’Bappé, Neymar, Di Maria, domine largement son sujet. Quand Sarabia ouvre logiquement le score (20’) quelques applaudissements côté parisien, le silence total en face. Sur le bord du terrain, Jean-Louis Gasset ne dit rien, pas un mot pour relancer ses joueurs. Le capitaine du PSG Marquinhos hurle à ses coéquipiers de continuer comme ça. La voix puissante du brésilien résonne dans toute l’enceinte lorsqu’il félicite Icardi, auteur d’un bon pressing pour gêner le dégagement de Costil. Bordeaux desserre l’étreinte parisienne, sans résultat. On imagine les hurlements de dépit des supporteurs bordelais après l’occasion ratée par Hwang. Mais on rêve, c’était dans le monde d’avant. Ce soir c’est le silence, et rien d’autre.
Perturbé un instant par le «never » ferme et autoritaire de l’arbitre adressé au parisien Sarabia coupable d’une faute grossière sous ses yeux. Pas de musique et évidemment aucune animation à la mi-temps. «On n’a pas le choix, la situation sanitaire est le plus important. Mais c’est vrai que ça fait drôle de jouer dans cette ambiance », répète souvent Jean-Louis Gasset.
Le cri de douleur de Danilo, séché par Adli, monte jusqu’au plafond des tribunes. Plus de peur que de mal pour le parisien. « On reste concentrés. On y croit », tonne en français le défenseur suisse de Bordeaux Loris Benito, qui enchaîne en anglais avec ses coéquipiers Kalu et Hwang, aussi peu à l’aise avec le français qu’avec le ballon. Paris ne fait plus grand chose, Bordeaux encore moins et le match devient comme l’ambiance, triste. Ainsi va le foot pro au temps du Coronavirus. Les absents, privés contre leur gré des tribunes ont-ils vraiment eu tort? On ne le jurerait pas...Car Bordeaux a encore perdu.