Bordeaux : renforcement des moyens pour la prise en charge des enfants victimes de violences

Début 2020, un Centre régional de psychotraumatisme (CRP) a été créé à Bordeaux dans le cadre d’un appel à projet lancé par le président de la République deux ans plus tôt. Malheureusement, victime de son succès, des moyens supplémentaires vont devoir lui être accordés.

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Les enfants victimes de violences physiques, notamment sexuelles, peuvent désormais être écoutés et soignés par des équipes pluridisciplinaires réunies au sein d'une même structure sur Bordeaux. Tout comme ceux ayant été témoins de violences intrafamiliales, ils vont pouvoir être intégrés dans un parcours de soin personnalisé. La route a été longue mais les lignes bougent enfin.

Anastasia Nicolas et Laure Bignalet nous font découvrir le centre psycho traumatique pour l'enfant de Bordeaux ►

En novembre dernier Adrien Taquet, secrétaire d’Etat chargé de l’Enfance et de la Famille, déclarait " les marges de progrès sont immenses ". Néanmoins, sur le terrain, la prise en charge des enfants traumatisés est en train de s’accélérer. Après les annonces, l’heure est à la prise de pouls et aux comptes.

Ce mercredi 26 janvier, Adrien Taquet s’est donc rendu au CRP de Bordeaux. S’agissait-il d’une opération de communication ? « Non », tranche clairement Catherine Bergey. La coordinatrice de ce centre note l’engagement des pouvoirs publics dont il a bénéficié ces deux dernières années et le renforcement des moyens dont il devrait prochainement bénéficier.

Initialement dédié essentiellement aux adultes, le centre ne comptait qu’une pédopsychologue. Et très vite les équipes se sont rendues compte, notamment avec la crise du Covid, qu’il était nécessaire de développer un vrai volet pédopsychiatrique dans la structure. Une pédopsychiatre venant de Paris a donc été recrutée l’été dernier.

" Au début, on a eu 400 0000 euros pour monter deux antennes, une à Bordeaux et une autre à Poitiers " explique Catherine Bergey. " Ici à Bordeaux, l’hôpital a également contribué avec  150 000 euros supplémentaires pour le centre de Bordeaux. Ces enveloppes sont reconductibles. Et des moyens arrivent pour renforcer avec une participation de l’Agence Régionale de Santé. On va allouer près de 26 postes dans les CMP de pédopsychiatrie de la région, dont plus de 7 en Gironde. Et au niveau du Centre régional de psychotraumatisme on va aussi être renforcé (financièrement et humainement) pour pouvoir assurer une coordination des soins mis en place sur le territoire ".

Aujourd’hui, on dénombre 15 CRP en France. Est-ce suffisant ? " Cela permet déjà de mailler le territoire et d’en avoir un par région ", répond le Secrétaire d’Etat. " Il faudra sûrement en développer plus encore. Mais c’est déjà un bon début de pouvoir disposer d’une structure comme cela avec des professionnels engagés avec ce degré d’expertise là dans chacune de nos régions (…). On est vraiment en train de creuser les fonds baptismaux d’une vraie politique de prise en charge de des enfants victimes de violences sexuelles dans notre pays".    

Quels sont les enfants concernés ?

L’objectif de cette politique est soigner et entendre les jeunes victimes de violences. Mais de quelles violences parle-t-on ? Il s’agit d’enfants ayant subi des violences physiques, notamment sexuelles. Mais aussi les enfants de personnes violentées. Les enfants témoins de victimes de violences conjugales sont donc concernés par ce dispositif.

Pour soigner ces enfants ou adolescents, un parcours de soin complet est nécessaire. Le gouvernement a donc voulu mettre en place des Unités d'accueil pédiatriques d'enfants en danger (UAPED) situés dans les services pédiatriques des hôpitaux. Une fois passés par ces Uaped, les enfants sont redirigés vers des Centres médico-psychologiques (CMP) ou des Centres régionaux de psychotraumatisme comme celui de Bordeaux.  

Au CRP de Bordeaux, les consultations dédiées aux enfants victimes de violences se font dans une salle où des jouets ont été entreposés. Cette pièce tente de créer un univers rassurant pour que l'enfant s'y sente, si possible, en confiance.

Que propose le Centre régional de psychotraumatisme de Bordeaux ?

Le CRP de Bordeaux est situé à l'hôpital Charles-Perrens de Bordeaux. Il accueille les enfants mais aussi les adultes victimes de psychotraumatismes. " Nous avons trois missions ", détaille Catherine Bergey. " Il y a tout d’abord la partie soins. Il s’agit d’évaluer et prendre en charge du trouble post-traumatique ". Depuis sa création, 12% des patients accueillis sont mineurs.

" Ensuite, nous mettons en place une cartographie des ressources, en particulier des professionnels sur la psycho traumatologie selon des techniques références au niveau international notamment l’EMDR (Eyes Mouvement Desensitization and Processing ndlr, c’est-à-dire la " désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires " ) et la Thérapie Cognitive comportementale (TCC) ".  Actuellement près d’une centaine de professionnels sont en cours de référencement.

La troisième mission du centre est de former et sensibiliser.  Une mission colossale tant le champ d’action est vaste. Pour preuve, 2300 personnes se sont inscrites, 1100 ont pu être formées. Sont concernés les personnes travaillant dans l’éducation nationale ou le secteur judicaire, des professionnels de santé, ou encore des éducateurs. Plus d’un millier de personnes ont pu être sensibilisées.

Des " victimes expertes " pour former les professionnels

Les équipes du CRP sont donc pluriprofessionnelles. Elles sont composées d’une secrétaire médicale, d’une infirmière, de psychologues, de psychiatres, d’un ostéopathe, et d’un cartographe.

Dans cette équipe on note aussi la présence d’une « victime experte ». Il s’agit d’une femme ayant elle-même été victime et ayant suffisamment avancé sur son trauma pour apporter un accompagnement spécifique des victimes. Elle permet d’avoir une approche différente et d’aider les soignants dans leur manière de prendre en charge les victimes. " Le travail fait ici entre les professionnels et la victime experte, c’est de sensibiliser les professionnels pour qu’il y ait une réelle écoute " explique Marie-José Hay, de l’association « En parler ».
Cette écoute doit se faire non pas grâce à ce que les professionnels ont appris, avec la théorie notamment, mais grâce à ce que vivent vraiment les victimes de violences sexuelles. L’objectif est que cela ait une vraie incidence sur la façon dont la victime est accueillie, mais aussi sur son parcours de soin ".

Cette technique consistant à associer des victimes à la formation des soignants vient du Canada où, selon Marie-José Hay, cela existerait depuis une vingtaine d’années.
Pour être patient expert, « il faut avoir déjà beaucoup avancé sur sa vie, avoir beaucoup travaillé sur soi », explique-t-elle. " Il faut avoir conscience de ses limites aussi parce que ce n’est pas forcément évident d’évoquer ou de reprendre dans la figure des histoires. On parle beaucoup de la re-victimisation : la parole re-victimise ou peut re-victimiser. Donc cela veut dire qu’il faut être posé avec sa vie, avec soi et savoir où on en est ». L’objectif principal de cette technique est de « vraiment prendre en compte la parole des victimes ". " Ce n’est pas j’arrive chez le docteur et le docteur a déjà une idée préconçue parce que vous avez été victime de violence sexuelle de ce que vous devez avoir comme parcours de soin. Non ".
Il s’agit de considérer l’individu comme une victime à part entière nécessitant une prise en charge spécifique à son histoire.

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