Cannabis: des chercheurs de Bordeaux font le lien entre consommation et diminution de la sociabilité

Si des troubles du comportement et une moindre sociabilité avaient pu être observés chez les consommateurs de cannabis, le chercheur Inserm Giovanni Marsicano et son équipe du NeuroCentre Magendie, ont identifié les cellules cérébrales responsables de ce repli sur soi...

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Cette découverte est le fruit d'une collaboration entre le chercheur de l'Inserm Giovanni Marsicano et son équipe du NeuroCentre Magendie (Inserm/Université de Bordeaux) avec l’équipe de Juan Bolaños de l’université de Salamanque.
Ils "ont identifié pour la première fois chez la souris les mécanismes cérébraux qui sous-tendent la relation entre cannabis et diminution de la sociabilité". 

 



Leurs résultats, publiés dans la revue Nature, démontrent qu'une exposition régulière au cannabis entraînerait un repli sur soi et une diminution des interactions sociales.
 

Des cellules en étoile

L'étude montre que ces "changements comportementaux liés à la sociabilité interviennent suite à l’activation de récepteurs cannabinoïdes spécifiques, localisés dans des cellules du système nerveux central appelées astrocytes dont la forme rappelle celle d’une étoile".
 

Ci-dessus/ Dans une culture de neurones cohabitent des cellules nourricières, les astrocytes (cellule étoilée au centre en rouge). Marquage de la tubuline en vert, de l'actine en rouge, des noyaux en bleu.

 

Des cellules "nourricières"

Ces astrocytes jouent aussi un rôle très important dans le métabolisme énergétique du cerveau en captant le glucose dans le sang et le métabolisent en lactate, qui agit comme une « nourriture » pour les neurones.

Les chercheurs ont alors exposé des souris au cannabinoïde THC (le principal composé psychoactif du cannabis). Ils ont observé que l’activation persistante des récepteurs cannabinoïdes de ces cellules situés dans les astrocytes entraînait une cascade de processus moléculaires menant à un dysfonctionnement du métabolisme du glucose dans les astrocytes (Source: Inserm)


Ce qui est nouveau dans cette étude c'est que ce réseau cérébral et les mécanismes impliqués dans cette relation n’étaient pas bien connus jusqu’ici. Elle permet d'améliorer les connaissances sur le fonctionnement des récepteurs cannabinoïdes (les récepteurs cérébraux qui interagissent avec les composés chimiques du cannabis).

Pour le chercheur Giovanni Marsicano, on savait déjà que le THC créait ce type de comportement, mais "ce qu'on a découvert, ce sont les mécanismes dans le cerveau: la prise de THC diminue la quantité d'énergie mise à la disposition des cellules dans le cerveau".

Et le chercheur d'expliquer les trois phases de l'expérience:
  • deux souris "classiques" qui intéragissent dans cet espace fermé 
  • deux souris dont une sous substance (THC) qui ne cherche pas sa congénère voire l'évite la plupart du temps, va dans un des coins de l'espace
  • les deux souris dont une sous substance mais supplémentée de "lactate", "l'énergie" qu'elle aurait dû recevoir sans l'action du THC : les souris retrouvent un comportement normal, de sociabilité.

En conséquence, la consommation de cannabis réduirait la capacité des astrocytes à transformer le glucose en « nourriture ». En l’absence d’apports énergétiques suffisants, cela agirait sur le comportement animal (la souris mais l'homme aussi ...): les interactions sociales diminuent et ce,  jusqu'à 24h après l’exposition au THC...

"Notre étude est la première à montrer que la baisse de sociabilité parfois associée à la consommation de cannabis est la conséquence d’une altération du métabolisme du glucose dans le cerveau.
Elle ouvre aussi de nouvelles pistes de recherche pour trouver des solutions thérapeutiques afin de pallier certains des problèmes comportementaux résultant d’une exposition au cannabis.
En plus, elle révèle l’impact direct du métabolisme énergétique des astrocytes sur le comportement »
, précise Giovanni Marsicano.

"Ca peut donner une idée pour soigner cet effet négatif du THC, (...) pouvoir compenser avec des molécules simples..."
 

Que dire aux jeunes consommateurs?

Connaître ces mécanismes permettrait peut-être de contrer ce phénomène d'isolement des individus, si d'autres facteurs sociaux, psychologiques ou chimiques (drogues, médicaments,..) ne s'ajoutent pas à la consommation de cannabis.

Pour le Dr Jean-Michel Delile, médecin-psychiatre au CEID (Comité d'Étude et d'Information sur la Drogue et les Addictions) qui accueille au centre notamment des jeunes consommateurs qui viennent s'informer ou consulter, cet effet d'isolement est un des effets que l'on retrouve parmi les consommateurs réguliers de cannabis.
Il explique que, finalement, c'est un effet pervers de cette drogue. Alors que beaucoup souhaitent plus d'interactions, de contacts avec les autres parce que certains ressentent une gène ou des inhibitions... Ce qui semble être le cas au début. Puis, c'est tout l'inverse qui se produit... dans un deuxième temps.

"C'est un des mode d'entrée dans la consommation du cannabis. Initialement, ça les aide à aller vers les autres (...) mais, après, certains se rendent compte que ces effets finissent, ils sont inhibés socialement, bloqués dans leur chambre..." "Cliniquement, on avait observé cela sans pouvoir se l'expliquer..."

Et si ces travaux sont de la recherche fondamentale et "des fois cela peut mettre des mois des années à trouver des applications",  mais il trouve ces nouvelles encourageantes. 
  • Car comprendre les mécanismes du comportement d'isolement pourrait permettre de trouver des moyens pour les contrer
  • mais aussi parce que "dans les discussions qu'on peut avoir avec les jeunes, on peut s'appuyer sur ces recherches pour leur prouver cet effet d'isolement" imputable au cannabis, "un mécanisme toxique qui va à l'encontre de ce qu'ils souhaitent": la sociabilité et être détendus entre copains...

Et en version thérapeutique?


Pour le médecin qui s'est déjà positionné en faveur d'une prescription du cannabis dans un cadre thérapeutique, c'est aussi intéressant de savoir que cet effet d'isolement, de retrait social pour les consommateurs thérapeutiques qui "serait bien entendu néfaste" pour ces patients, pourrait être contré.
Ils pourraient alors sans doute être supplémentés (de lactate ou autres) pour annuler ces mécanisme du cerveau impliquant ce repli sur soi.

Il espère d'ailleurs que l'expérimentation de cannabis thérapeutique (dans des indications bien précises) prévue d'ici la fin d'année sera maintenue.


Le CEID Addictions est une association de loi 1901 fondée en 1972 à Bordeaux.
Ses missions principales consistent en l'accueil et la prise en charge des personnes présentant des problèmes liés à des usages de substances (tabac, alcool et drogues en tout genre), mais également à des pratiques addictives (jeux d'argent, réseaux sociaux, jeux vidéo…). 

En savoir plus sur le CEID ou pour des informations sur les addictions

 

 



 
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