Le gouvernement a annoncé mardi une "feuille de route pour améliorer et garantir la sécurité à la chasse", Parmi les pistes, la demi journée sans chasse ou encore le délit d'alcoolémie, des mesures qui ne font pas l'unanimité chez les chasseurs de Gironde.
Selon les chiffres de l'Office français de la biodiversité (OFB) , le nombre des accidents de chasse est tendanciellement à la baisse depuis vingt ans.
Néanmoins, pour la saison 2021/22, l'OFB a recensé 90 accidents de chasse (blessures corporelles liées à l'utilisation d'une arme de chasse), contre 80 la saison précédente. Parmi eux, huit accidents mortels, dont deux ont concerné des victimes non-chasseurs.
Pourtant la Fédération de chasse assure mettre l'accent sur la sécurité. Ce jeudi 27 octobre, une équipe de France 3 Aquitaine a rencontré quelques candidats en train de passer le permis de chasse. La sécurité était dans toutes les têtes, comme l'explique ce monsieur qui travaille dans le bâtiment et qui souhaite pratiquer la chasse tout en profitant de la nature : "j'apprends le maniement des armes, la sécurité des armes et le bien-être des personnes autour de moi", explique-t-il.
Pour Guillaume Désenfant, le chargé de communication de la fédération de Chasse de la Gironde, il est important de mieux encadrer la pratique, "dans la continuité de ce que nous faisons déjà, en terme de sécurité (...) C'est ce qui est au cœur de nos formations et notamment cet angle de 30° (pour voir plus loin), obligatoire pour passer le permis de chasseur".
Une demi-journée sans chasse
Concernant la mesure portant sur l'alcoolémie, les chasseurs de Gironde, ne semblent pas réfractaires. "Il n'y a pas de sujet tabou", indique Guillaume Désenfant, estimant que comme pour tout conducteur, il est interdit de conduire en état d'ivresse. Il est donc possible pour lui d'être contrôlé en période de chasse : "ça fait partie de la vie du chasseur d'être respectueux d'un certain nombre de choses, de la sécurité évidemment, de soi et des autres. Et l'alcool en fait partie".
Mais les chasseurs ne semblent pas prêts à lâcher l'affaire concernant l'éventualité de céder une demi-journée de chasse, évoquée par le gouvernement.
L'idée même d'envisager un jour sans chasse va poser problème.
Guillaume Désenfant, chargé de communication des chasseurs de GirondeFrance 3 Aquitaine
Pour lui, "il faut un bon consensus". Une écoute générale dans des tables rondes pour pouvoir en parler.
Pénaliser les accidents
Inscrit au barreau de Bordeaux, Me Benoît Coussy est l'avocat du frère de Morgane Keane, 25 ans, tué le 2 décembre 2020 par un tir de chasse devant sa maison à Calvignac dans le Lot. Lui se refuse à parler "d'accident de chasse". Il estime que cela peut-être considéré comme un acte volontaire dans la mesure où "on tire volontairement, sans savoir sur quoi on tire".
Dans ce cas, estime-t-il, la responsabilité du chasseur et du directeur est clairement établie. Il pose la question des sanctions : "qu'est-ce qu'ils risquent ? Un ou deux ans avec sursis... ce n'est pas dissuasif", affirme-t-il, avant d'ajouter : "le crime parfait, c'est le crime de chasse".
Alors que faudrait-il faire ? Peut-être créer un "crime de chasse" car selon l'avocat : "les homicides sont régis par le droit commun. Il faudrait un droit spécial de la chasse" plus dissuasif. Ou alors "faire des poursuites systématiques pour homicide volontaire, comme en matière de police, quand un administré est tué par un policier..." Pourquoi un homme armé à la chasse ne suivrait pas le même processus que les policiers "dans ce genre de bavures", s'interroge-t-il.
Délit d'alcoolémie
Autre sujet qui fait débat : la consommation d'alcool par les chasseurs. Parmi les principales pistes, reprises d'un récent rapport du Sénat, la création d'un délit d'alcoolémie, aligné sur les mêmes exigences que pour les automobilistes. L'alcoolisation est toutefois déjà une circonstance aggravante en cas de poursuites après un accident de chasse.
"Il n'y a actuellement aucun cadre concernant l'alcoolémie à la chasse, nous voulons changer cela", a indiqué la secrétaire d'Etat à l'Ecologie Bérangère Couillard (ancienne députée de la 7è circonscription de Gironde) lors d'un déplacement dans la Marne. "La pratique de la chasse implique une arme, comme avec une voiture, c'est incompatible avec une alcoolémie forte."
Une phase de concertation va être engagée avec les différents acteurs, notamment les fédérations de chasseurs, avec l'objectif d'aboutir à des mesures concrètes (via des arrêtés ou des décrets) "d'ici la fin de l'année, au maximum en début d'année".
Mon objectif est clair: je veux tendre vers le zéro accident dans les années à venir.
Bérangère Couillard, secrétaire d'État en charge de l'EcologieAFP
"Cela passera par un meilleur respect des règles, une information plus importante auprès des riverains et un meilleur partage de l'espace", a indiqué la secrétaire d'Etat.
Des mesures visant à mieux informer les promeneurs des activités de chasse en cours, éventuellement par une application mobile, ou à interdire les tirs dans un rayon de 30 degrés à gauche et à droite des chasseurs pour éviter d'atteindre un compagnon de chasse, sont également à l'étude.
Selon un sondage Ipsos daté de septembre 2022, plus de huit Français sur dix sont en faveur d'une interdiction de la chasse deux jours par semaine dont le dimanche, et l'intégralité des vacances scolaires.