Les écoles élémentaires et maternelles d’Ambès, en Gironde, sont à bout de souffle. Face à des classes surchargées et une part croissante d’élèves en difficulté, les établissements tirent la sonnette d’alarme.
Trop d'élèves dans chaque classe, des enseignants épuisés et des résultats en dessous des attendus. À l’école Jacques-Brel d'Ambès, en Gironde, 195 enfants sont accueillis cette année. Parmi eux, 72 font partie du réseau d’aide spécifique aux enfants en difficulté (Rased), soit un tiers de l’effectif. Ces élèves présentent en majorité des troubles de la concentration, mais certains ont des comportements violents ou relèvent du statut handicapé. Pourtant, dans les classes, la distinction est impossible. “Il y a beaucoup d’enfants qui devraient se trouver dans des établissements spécialisés, mais qui sont ici, faute de place. Mais nous ne sommes pas formés pour cela”, rappelle Camille Tastet, représentante FO.
Problème multifactoriel
La directrice de l’école, Justine Rastier a choisi d’envoyer un courrier le 26 janvier pour tirer la sonnette d’alarme. “Ça fait plusieurs années que les difficultés scolaires de nos élèves persistent, malgré les structures et les soutiens mis en place. Aux évaluations nationales, les résultats restent très faibles”, indique la directrice de l’établissement.
Elle, pointe “un problème multifactoriel”. “On a des difficultés sociales, comportementales et des difficultés de remplacements avec des enseignants en arrêts et des remplaçants pas toujours formés à des élèves particuliers”, liste Justine Rastier.
Épuisés, sur les neuf enseignants de l’école, six ont formulé une demande de mobilité l’année dernière. Deux ont été acceptées. “À terme, on risque de perdre des enseignants de qualité, qui ont la culture de cet établissement”, alerte Jean-Marc Tabu, membre de l’Union nationale des associations autonomes de parents d'élèves (Unaape) à Ambès.
Charge mentale
Stage de rattrapage scolaire pendant les vacances, gestion personnalisée des enfants, ceux qui restent redoublent d’efforts. “On essaie d’apporter des solutions personnelles, c’est beaucoup de charge mentale en plus de notre métier d’enseignant”, confirme Justine Rastier, qui rappelle également les besoins cruciaux en Aesh.
L’établissement, dépendant du collège de Carbon-Blanc, ne peut bénéficier du statut Rep+. “On demandait à être formés avec des personnes compétentes dans ces domaines”, indique Justine Rastier, indiquant qu’un “accompagnement spécifique” leur avait déjà été annoncé. Le rectorat affirme de son côté que les enseignants “bénéficient d’une formation spécifique et bénéficiera d’un renforcement de la formation” à la fin de l’année.
28 enfants par classes
À quelques mètres, la maternelle Maria-Montessori est aussi au bord de l’épuisement. L’année dernière, une classe a été fermée, faute d’effectifs suffisants. Selon les parents d’élèves, leurs enfants sont désormais en moyenne 28 par classe, “jusqu’à 35 quand l’une des enseignantes est absente et pas remplacée”. “Les maîtresses sont épuisées, ils sont trop nombreux par classe pour avoir un bon suivi”, regrette Anna Cartou, maman d’une fille en petite section et parent d’élèves élue.
Elle a vu l’état de l’établissement se dégrader en une décennie. “Quand mon grand était scolarisé, il y avait même une classe de toute petite section, des sorties régulières. Aujourd’hui, il n’y a plus de moyens et les enseignants n’ont plus le temps”, assure Anna Cartou.
Ouvrir une nouvelle classe nous permettrait également d’assurer un meilleur suivi de tous ces élèves à besoins particuliers.
Leïla de Lagausie,directrice de l'école maternelle Maria-Montessori
Le 9 février, la directrice de l’école maternelle a écrit un courrier à la rectrice, pour demander la réouverture d’une classe. La rentrée prochaine, l’école accueillerait en effet 20 élèves supplémentaires. “Avec 50 élèves de grande section, nous aurions trois classes dont deux à 35 élèves. Dans l’éventualité d’une ouverture de classe, nous pourrions abaisser ce chiffre à 24 élèves”, indique Leïla de Lagausie. Parmi ses élèves, 26 élèves présentes des difficultés et sont suivis par le centre médico-psychologique de l'enfant et de l'adolescent (CMPEA).
Quitter l'école au profit du privé
Face à la situation, Anna Cartou confie ses craintes sur l’avenir de sa fille. “Il y a des choses qui vont passer à la trappe, son apprentissage n'est pas optimal. Si on ne prend pas les difficultés à la base, c’est très difficile de les rattraper après”, avance-t-elle. D’autres parents ont choisi de sortir leurs enfants des établissements. “Ils inscrivent leurs enfants dans le privé, et contribuent à la baisse des effectifs”, explique Jean-Marc Tabu, membre de l’Unaape à Ambès.
La population s’est paupérisée, il y a beaucoup de parents qui n’ont pas la capacité d’accompagner leurs enfants parce qu’eux-mêmes ne maîtrisent pas les bases des enseignements.
Jean-Marc Tabu,membre de l'Unaape à Ambès
Dans la commune, le revenu moyen s’établit en effet à 12 000€ par an, contre 19 000€ dans la métropole. Pour pallier les défaillances de certaines familles, la mairie a évoqué la mise en place d’un Contrat local d’accompagnement auprès du rectorat. S’il est accepté, il devrait être effectif d’ici à 2026. “C’est dommage parce que c’est une structure très lourde et nous n'avons aucune alternative en attendant”, regrette Jean-Marc Tabu, qui demande aujourd’hui de l’aide au devoir ou la révision des rythmes scolaires pour permettre une meilleure concentration.
En parallèle, les parents d’élèves demandent notamment la pérennisation de l’Antenne mobile multipartenariale d’Ambès après 2025. “Ma fille y va une fois par semaine. Elle voit un psychologue qui travaille avec elle la concentration”, explique Anna Cartou.
Mobilisation des familles
Quelques parents avouent aussi se sentir seuls à saisir la mesure du problème. “Pour beaucoup de parents, l’école est un mélange entre la garderie et l’apprentissage. Ils ne sont pas présents aux sorties. Pour preuve, on risque même de ne pas avoir de fête de fin d’année, parce qu’aucun parent ne veut se mobiliser”, soupire Anna Cartou, mère d’une enfant de petite section.
Concernant les situations spécifiques de certains élèves, l’académie de Bordeaux assure qu’"aucune situation n’est restée sans réponse”, assure l’institution qui précise rester “mobilisée pour travailler les leviers et maintenir un climat scolaire serein”. Pour les syndicats, l’avenir apparait tout de même plus sombre. En Gironde, 17 fermetures de classes sont annoncées à la prochaine rentrée. À Ambès, la réouverture de classe déjà fermée s’annonce donc compromise.