Bordeaux et sa métropole sont exposées à des épisodes de canicule de plus en plus fréquents. La capitale girondine est-elle prête à affronter le réchauffement climatique ? Réponses et solutions.
Avec le phénomène des îlots de chaleur urbains, les écarts de températures entre les grandes villes et les zones rurales peuvent atteindre 10°C.
Un constat qui pousse Bordeaux et son agglo à repenser l'espace public.
Il faut aller plus loin sur la végétalisation, dans le choix de l'orientation et des matériaux des bâtiments. Il faut lutter contre ces îlots de chaleur, c'est indéniable. Il y a 4 degrés de différence entre le centre-ville et la périphérie, jusqu'à 8° le soir,
précise Anne Walryck, élu bordelaise et métropolitaine en charge du défi climatique
"Depuis 2013, nous essayons de recencer les îlots de chaleur (ICU) et de fraîcheur dans la métropole pour améliorer la qualité de vie et les choix urbains", poursuit Anne Walryck. L'idée est de dresser une cartographie à l'échelle de la métropole.
50 % de nature, 50 % d'urbanisme
A l'échelle de la métropole, qui compte 28 communes, il y a 50% d'espaces naturels, agricole et forestier, et 50 % d'espaces urbanisés ou urbanisables.
En 2016, les élus métropolitains se sont fixés pour objectif de sacraliser cet équilibre 50/50.
Cela veut dire préserver les espaces naturels et opter pour la densification urbaine. A Bordeaux, on a la chance d'avoir de nombreuses friches industrielles, du coup, on les a réaménagées en créant des logements et des bureaux mais aussi des espaces végétalisés. C'est le cas aux Bassins à flot,
explique Bob Clément, urbaniste à l'a-urba, l'agence d'urbanisme Bordeaux Aquitaine.
A l'échelle de Bordeaux, "c'est paradoxal car on a une vision minérale de la ville et c'est le choix qui a été fait par rapport au patrimoine et aux façades historiques, mais du ciel, on s'aperçoit que Bordeaux est très végétale : ce sont les jardins privés", poursuit l'urbaniste.
18 arbres pour 100 habitants à Bordeaux
Pour Matthieu Rouveyre, élu municipal socialiste, il y a urgence dans l'espace public. Il s'appuie sur les chiffres de l'Observatoire des villes vertes en France pour pointer du doigt le manque d'espaces verts à Bordeaux :
"Le choix de la majorité municipale est, depuis de nombreuses années, orienté vers la minéralisation de la ville et on le paye cher aujourd'hui. Il faut changer de braquet", estime l'élu socialiste. "On sait que les espaces verts peuvent faire baisser la température dans une ville".
28 m2, c'est la surface d'espaces verts par habitant à Bordeaux. C'est 116 m2 à Strasbourg et 37 m2 à Nantes. Avec les fortes chaleurs annoncées ces prochains jours, le manque d'îlots de fraîcheur dans notre ville va encore davantage se faire ressentir.
Mais, selon Matthieu Rouveyre, la question de la végétalisation doit être liée à celle du logement et des transports :
Il faut une réflexion globale à Bordeaux et dans la métropole. Comment préserver la qualité de vie avec des prévisions qui portent à 1,3 millions le nombre d'habitants dans la métropole en 2030 ?,
interroge Matthieu Rouveyre qui posera le problème lors du prochain Conseil municipal.
Selon l'Observatoire des villes vertes, le végétal permettrait d'améliorer la qualité de vie, de mieux gérer aussi la consommation en eau et de préserver la biodiversité.
Bordeaux est moins arboré que la moyenne nationale
Le site internet Kermap nos villes vertes propose pour la première fois de comparer la proportion de végétation arborée des différentes communes de France métropolitaine.
"Nous avons constaté que les collectivités territoriales manquent de données exhaustives sur la végétation urbaine.
Celles-ci disposent principalement de données sur l’espace public (alors qu’une grande partie du patrimoine arboré est présent dans l’espace privé) ou des données trop simplifiées qui ne permettent pas de représenter toute la complexité de la trame verte urbaine", explique le site.
Le site a cartographié la végétation arborée visible sur les photographies acquises par les avions de l'Institut Géographique Nationale (IGN). Les données sont ainsi beaucoup plus exhaustives que les standards nationaux et européens. Elles tiennent compte des espaces privés et publics, et permettent de réaliser une étude complète de la trame verte urbaine.
"Il faut végétaliser les places publiques bordelaises"
Pour Pierre Hurmic, président du groupe EELV au Conseil municipal de Bordeaux, avec "la canicule, il faut anticiper plutôt que subir".
Parmi les solutions avancées par l'élu écologiste, il y a l'augmentation des surfaces ombragées en ville par la création d'espaces verts de proximité, la plantation massive d'arbres et la fin des abbatages comme ceux des marroniers de la place Gambetta, la préservation des derniers espaces verts comme à la Jallère, et aussi la végétalisation des places comme Pey-Berland, La victoire et la future place Tourny qu' il faut doter de point d'eau potable.Les canicules estivales, facteurs de pollution et de mal-être vont devenir de plus en plus fréquentes. La forte composante minérale de Bordeaux et la profusion d'îlots de chaleur urbains expliquent les difficultés que connaît notre ville à se rafraîchir, explique Pierre Hurmic.
Des Bordelais dénoncent également le manque d'arbres à Bordeaux. Et leur symbole c'est l'abbatage des marroniers de la place Gambetta en 2018 relayé par le collectif Aux arbres citoyens de Bordeaux Métropole.
Anne Walrik, rappelle que la ville de Bordeaux plante 1000 arbres par an.
"On ne peut plus faire la ville comme hier"
Les espaces verts existants doivent être aussi préservés voire sanctuarisés. L'exemple flagrant, c'est celui de la Jallère, dans le quartier Bordeaux-Lac.
Le projet d'aménagement de cette zone fait toujours débat à Bordeaux. Parce qu'elles souhaitent y planter une forêt urbaine, en lieu et place des logements prévus par Bordeaux métropole, des associations ont entrepris de nettoyer le site. L'avenir du quartier est en question. Bordeaux métropole entend le réaménager et y construire 2 000 logements. Mais le projet ne fait pas l'unanimité
Les élus EELV s'y opposent fermement, appuyés par les associations. Ces dernières souhaitent planter 50 000 arbres dans une zone en friche de 40 hectares, sur les 95 que compte la Jallère.
"On essaie de faire comprendre au maire qu'on ne peut plus faire la ville comme hier. On ne peut plus artificialiser le moindre mètre carré de terre. C'est un impératif si on veut rester au-dessous des 1,5 degrés du réchauffement climatique", alerte Gaëtan Guyet, de l'association Action non violente Cop 21.
Le maire de Bordeaux Nicolas Florian, explique avoir entendu cette opposition et fait part de sa volonté de "rouvrir le débat". Mais, une partie du projet de construction de logement sera maintenue...
► VIDEO : voir le reportage de France 3 Aquitaine sur ces associations qui veulent planter une forêt à la Jallère :
Comment construire la ville de demain ?
L'agence a'urba qui travaille sur la question du réchauffement climatique, préconise d'augmenter la végétalisation, mais aussi l'utilisation de matériaux clairs et perméables pour le sol, et les murs des immeubles, afin d'éviter le réchauffement de la ville en journée.
"On peut utiliser au sol le gravier blanc, le béton clair, et des dalles calcaires (comme rue Sainte-Catherine et le cours de l'intendance). Et sur les murs, des enduits clairs également qui renvoient le rayonnement solaire, et du coup, captent moins la chaleur", explique Bob Clément, urbaniste à l'a-urba, l'agence d'urbanisme Bordeaux Aquitaine.
L'objectif recherché, c'est limiter l'accumulation de chaleur en journée et faire baisser rapidement la chaleur la nuit pour éviter le processus de canicule.
"A Bordeaux, on trouve des pavés d'argile que l'on appelle la cale bordelaise, dans les quartiers d'échoppes. C'est très bien et local puisque les pavés sont fabriqués dans la région. Sur les toits, il faut privilégier les tuiles de couleur claire. La tôle, quant à elle, chauffe vite mais elle se refroidit rapidement aussi".
Pour aller plus loin, il faudrait végétaliser aussi les façades des bâtiments neufs par des plantes grimpantes. Mais, je ne sais pas pourquoi, on a encore du mal à faire ces choix à Bordeaux