Depuis ce mardi 17 mars, à 12h, tous les Français doivent rester au maximum chez eux. Une décision qui génère beaucoup de temps libre que certains ont décidé de mettre aux services de ceux dans le besoin.
Des milliers de Français sont confinés chez eux depuis ce mardi midi, avec les réseaux sociaux comme fenêtre sur le monde extérieur. Depuis quelques jours, demandes et offres de services ne cessent de se multiplier sur Facebook, avec des groupes spécifiques pour chaque population.
Organiser l'entraide
Depuis plusieurs jours, la mairie de Bordeaux est en lien avec Geev et Wanted Community Bordeaux pour organiser les propositions d'entraide qui fleurissent sur les réseaux sociaux. " C'est chouette de vouloir se porter volontaire mais il ne faut pas que cela viennent à l'encontre des mesures prises par le gouvernement pour la sécurité de tous", précise Alexandra Siarri, adjointe au maire en charge de la cohésion sociale.La mairie a donc mis en place une plateforme, jeparticipe.bordeaux.fr, qui permet de soumettre une aide ou un besoin. "Nous avons également des groupes Whatsapp pour chaque quartier de Bordeaux, avec les acteurs clés de chacun d'entre eux", ajoute Alexandra Siarri. Déjà 250 bordelais se sont inscrits sur la plateforme. "Nous attendons désormais les demandes de ceux qui auraient besoin d'aide", avance l'adjointe au maire de Bordeaux.
En parallèle, Wanted Community Bordeaux s'est fait le relais des messages de la mairie. "On a trois missions : transmettre les informations de la mairie et des services de l'Etat, déconstruire les fausses informations et flécher les personnes bénévoles vers les associations compétentes et les mouvements autorisés", détaille Jérémie Ballarin, l'un des co-fondateurs de Wanted Community.
Très souvent pointée sur les réseaux sociaux, la question des personnes sans-domicile fixe est l'un des enjeux de ce partenariat. "Nous allons mobiliser nos membres des Tablées Solidaires, ainsi que tous ceux qui se proposent sur la plateforme de la mairie, pour une maraude, autorisée par la préfecture et venir en aide aux Restos du Coeur", explique Jérémie Ballarin.
Les soignants, en première ligne
Médecins, infirmières ou personnels hospitaliers sont sur le pont, pour désormais assurer la santé et la sécurité de tous. Armelle Loiseau est sage-femme à Gujan-Mestras. "Nous n'avons quasiment plus rien, alors que nous sommes au contact direct avec des personnes à risque. C'est hallucinant de voir qu'on ne peut pas nous fournir ce minimum de protection", regrette la sage-femme.
Hier, elle a publié un message sur Facebook demandant aux "petites mains habiles", de confectionner des masques pour elle et les infirmières libérales de son cabinet, sur le modèle diffusé par le CHU de Grenoble. "J'ai posté le message sur ma page, pensant toucher mon cercle restreint mais j'ai été impressionnée du nombre de réponses", s'enthousiasme Armelle Loiseau. Sa publication, relayée dans plusieurs groupes d'entraide a fait des émules. Elle a déjà reçu quatre masques hier, une dizaine serait en chemin aujourd'hui. Les propositions de confection de masque se multiplient dans la région.
Un geste de solidarité était pourtant nécessaire : elle doit changer de masque entre chaque personne et ne le garder que pendant trois heures d'affilée. "Même si ce ne sont pas des masques industriels, ils nous protègent et protègent déjà un peu les personnes à qui nous rendons visite", souligne Armelle Loiseau. Le Pôle Santé de Gujan-Mestras a également demandé de l'aide auprès de bénévoles, en attendant les ravitaillements de l'Etat. Des sites comme enpremiereligne proposent également de s'organiser pour aider les soignants.
Un esprit sain dans un corps sain
Et si les soignants doivent se protéger, ils doivent aussi s'alimenter. Kevin Tran connaît bien les milieux hospitaliers pour y avoir travaillé de nombreuses années. Désormais confiné chez lui, il a voulu aider les blouses blanches qu'il avait cotoyées. "J'ai eu l'idée en préparant des repas pour ma soeur qui était malade. J'ai directement fait le lien avec le personnel hospitalier".
Il a alors lancé le groupe Facebook "1 repas pour nos soignants", qui recense déjà 200 personnes en moins de 24h. L'objectif : "faire en sorte que lorsqu'il terminent leurs journées ou leur garde, ils n'aient pas à se préoccuper de leur repas".
Chaque membre poste sur son groupe son code postal ainsi que ce qu'il prépare, et quand. Le soignant entre alors en contact avec les personnes autour de chez lui. "La transaction se fait directement dans le coffre de la voiture ou posé sur le pas de la porte pour respecter les mesures", précise Kevin Tran.
Si une trentaine de propositions ont été faites sur le groupe, Kevin appelle désormais les soignants à se manifester. "Nous sommes là pour les aider et tenter de faciliter leur quotidien. Qu'ils n'attendent pas d'être sous l'eau, tous les plats sont dans des emballages jetables et peuvent être congelés", explique-t-il.
Rouler pour sauver
D'autres initatives, individuelles ont vu le jour sur le réseau social. Sandy [il s'agit d'un pseudo ndlr] est malade depuis de nombreuses années et croise donc quotidiennement médecins et infirmières. "J'ai anticipé un peu en me basant sur ce qu'il se passait ailleurs", analyse-t-elle. Elle a proposé de prêter sa voiture à une personne travaillant à l'hôpital ou en médecine générale.
Bingo ! A peine quelques heures plus tard, une jeune infirmière fraîchement débarquée à Bordeaux l'appelait. Après quelques échanges de papiers, l'infirmière a pu récupérer la voiture. "Avec l'arrêt des transports, c'est difficile pour eux de se déplacer rapidement, s'il n'ont pas de voiture", reconnait Sandy.
L'échange, entièrement gratuit, a tout de même permis une compensation : l'infirmière a promis à Sandy de lui faire quelque courses. "Il faut absolument que d'autres personnes proposent ce genre de service sans risque. Tout comme les logements. Beaucoup de personnels soignants seront ravis d'avoir un endroit où dormir sans contaminer les gens, proche des hôpitaux où ils travaillent", conclut Sandy.
Garder le calme
Si les soignants sont particulièrement ciblés dans ces publications d'entraide, les parents et personnes âgées ne sont pas en reste. De nombreuses initiatives personnelles proposent de faire des courses pour les personnes âgées ou à risque, ou d'occuper les enfants, pendant ces longues journées d'enfermement. C'est le cas de Nacera Abbas. Mère célibataire, elle est particulièrement sensible aux parents peu fortunés qui doivent aller travailler.
"Je ne suis pas en arrêt donc je n'ai pas de problème d'argent mais je suis chez moi, avec ma fille et je voulais dédier ce temps aux autres", explique cette mère de famille. Elle a donc proposé son aide sur le groupe Wanted Community. Si de nombreux reproches lui ont été adressés, pointant notamment l'infraction aux règles d'hygiène, d'autres ont salué son geste. "J'ai eu beaucoup de messages positifs qui m'ont remercié pour ma proposition. Evidemment, je prendrai toutes les précautions nécessaires si je dois accueillir un ou deux enfants, mais c'est une solution d'urgence, et s'il n'y en a pas d'autres, c'est un moindre mal", justifie Nacera Abbas.
Comme elle, Mauro Ceballos, dessinateur de BD s'est penché sur le cas des enfants. "Ce n'est pas facile de garder le calme dans une maison avec des enfants", explique le dessinateur. Alors, pour accorder quelques minutes supplémentaires de répit aux parents, Mauro Ceballos propose chaque jour deux dessins à colorier, qu'il a dessiné lui-même. "Je dessine surtout des choses en liens avec les gestes barrières et la prévention, histoire de rappeler à tous les mesures de sécurité", glisse le dessinateur.
Une démarche qui n'a que des points positifs pour l'artiste. "Avec ces dessins, on continue de créer et d'inventer des choses, c'est très important". Il a eu l'idée avec la nécessité d'avoir une attestation sur soi à chaque sortie. "Ca va faire enormement de gaspillage de papier, alors tant qu'à faire, une fois que l'attestation a servi, les parents peuvent imprimer le dessin pour leurs enfants". Une idée écologique et créative qui a recueilli près de 200 likes en quelques heures.
Si certains ont décidé de se mobiliser pour rompre la solitude des personnes âgées via des standards téléphoniques, d'autres ont préféré mettre leur savoir-faire à profit. Eric Dos Santos est plombier chauffagiste. Dans un post sur le groupe Wanted Community, il propose des dépannage gratuit par téléphone, parce que "les chaudières tombent en panne, confinement ou non".
Autant de propositions qui n'ont jamais aussi bien illustré le leitmotiv du groupe : "Toujours solidaire, jamais solitaire."