Crise alimentaire aux Restos du cœur : "ce n'est pas dans notre ADN de refuser des gens"

Alors que leur situation financière des Restos du Coeur ne leur permet plus de répondre à la demande, une collecte exceptionnelle sera organisée le samedi 30 septembre en Gironde. La Croix Rouge vient également de lancer un appel à la mobilisation générale.

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"Nous allons devoir affronter une situation très compliquée humainement", reconnaît Françoise Casadebaig, la présidente des Restos du cœur de la Gironde, qui compte 42 centres de distribution d'aides alimentaires.

23 % de bénéficiaires en plus cet été

Le président national des Restos du cœur, Patrice Douret a lancé un appel à l'aide dimanche 3 septembre : la situation financière critique de l'association ne lui permettra pas d'absorber le flux de personnes qui ont besoin d'aide. Les Restos du cœur, qui assure la distribution d'un tiers de l'aide alimentaire en France a vu ses dépenses de fonctionnement augmenter à cause de l'inflation. Depuis début juillet, les présidents départementaux des Restos et les milliers de bénévoles se préparent à affronter une campagne d'hiver difficile.

Conséquence : moins de familles seront accueillies en octobre prochain quand auront lieu les inscriptions pour la campagne d'hiver, et sûrement aussi moins de repas seront distribués aux bénéficiaires déjà inscrits cet été qui sont en grande précarité. Actuellement, les Restos donnent six repas par semaine pour une personne seule." On va réfléchir à limiter l'impact sur les bénéficiaires. Le bureau national n'a pas encore décidé", précise la présidente de l'antenne de Gironde.

"En Gironde, 2,7 millions de repas ont été distribués l'hiver dernier, soit une hausse de 20 % par rapport à l'hiver 2021. Et cet été, la demande a augmenté de 23 %", selon Françoise Casadebaig, présidente des Restos de la Gironde. 

Sur le centre des Restos de Mérignac, le nombre de familles est passé de 500 à 700. C'est énorme. Hausse des loyers, de l'électricité, du gasoil et des produits alimentaires, les gens n'y arrivent plus.

Françoise Casadebaig, présidente des Restos de Gironde (33)

à la rédaction web de France 3 Aquitaine

"Certains jours, cela génère des tensions parmi les bénéficiaires qui doivent attendre plus longtemps leur tour tellement il y a de monde. Les bénévoles sont fatigués par cette hausse d'activité même s'ils restent tous motivés. On a besoin de nouveaux bénévoles", lance la présidente girondine.

"Ce sera très dur à leur annoncer"

Renée est l'une des 24 bénévoles du centre des Restos de Bruges près de Bordeaux. "Ici, on a eu plus 10 % de demandes, surtout de personnes à la retraite et des femmes seules avec des enfants. On va devoir prendre de moins en moins de personnes, il faudra être plus strict sur les barèmes, et ce sera très difficile pour les personnes", prédit-elle

Celles en grande précarité et inscrites cet été seront reprises cet hiver, mais on ne pourra pas reprendre tout le monde. Ça va être très dur de leur dire. On tient bon, mais c'est compliqué, humainement, c'est dur, malheureusement.

Renée, bénévole aux Restos du cœur à Bruges (33)

à la rédaction web de France 3 Aquitaine

"On n'a pas le choix, sinon les Restos du cœur n'existeront plus dans quelques années. Renée, 63 ans, est bénévole depuis 2015. Je me suis engagée dans le bénévolat par conviction. J'en avais besoin. Humainement, c'est très fort d'être bénévole aux Restos. La situation actuelle ne remet pas en question mon engagement, bien au contraire. C'est un sacerdoce d'être bénévole. Les gens nous le rendent."

Une collecte exceptionnelle 

Au centre des Restos de Bordeaux Leydet un des plus gros de la ville qui accueille 550 familles, "c’est déjà très difficile", selon Charles, un bénévole. 

On est là pour aider ces gens et il faut déjà limiter l'aide alimentaire et gérer les stocks. Il y a des jours où on n'arrive pas à donner ce qu'il faut pour un repas équilibré...

Charles, bénévole aux Restos du cœur à Bordeaux

à la rédaction web de France 3 Aquitaine

"On atteint plus de 30 % de demandes en plus cet été ici. C'est très dur de limiter quand vous êtes avec une famille". Charles constate qu'il y a une baisse de volume des produits frais issus de la ramasse, cette collecte de produits frais invendus que les Restos effectuent quotidiennement auprès des grandes surfaces partenaires." Avec les paniers anti gaspi que proposent maintenant les grades enseignes de la grande distribution, il y a moins de produits pour les Restos".

Les Restos de la Gironde organiseront une collecte exceptionnelle le samedi 30 septembre pour renflouer les stocks de nourriture. Ils seront présents notamment à l'entrée d'Auchan Bouliac, sur la rive droite de Bordeaux.

Toutes les associations dans le rouge

Cette situation est générale à toutes les associations d'aides alimentaires. Après les Restos du cœur, la Croix Rouge française qui s'attend à un déficit de 45 à 50 millions cette année en raison de la hausse du coût de l'énergie, a lancé un appel à la mobilisation des pouvoirs publics et des entreprises ce mardi 5 septembre.

Marie-Savine Begorie est la présente de la Croix Rouge du centre du Bouscat-Bruges-Blanquefort, trois communes de l'agglomération bordelaise. Elle aussi confirme la hausse des demandes alimentaires. "Nous distribuons des chèques alimentaires aux personnes qui sont adressées par les services sociaux du secteur. C'est notre Vesti'boutique, une boutique de vêtements issus des dons, qui nous permet d'acheter ces chèques alimentaires grâce aux recettes. Jusqu'ici, on a pu acheter suffisamment de chèques, mais pour combien de temps encore ?", s'interroge-t-elle, inquiète.

"Hier, j'ai reçu une jeune femme en pleurs"

Pour une personne seule, la Croix Rouge du Bouscat donne dix chèques de six euros en trois fois, pour un couple, c'est quinze chèques, 23 pour un couple avec un enfant, et 30 chèques pour un couple et deux enfants. "En juin, nous avons distribué 1500 chèques, contre 750 l'an dernier ! C'est beaucoup, constate Monique Maigret, la responsable bénévole du social à la Croix Rouge du Bouscat. "Nous aidons des retraités et des parents isolés. Nous voyons de nouvelles personnes. La demande est très forte, surtout sur Blanquefort où il y a de nombreuses personnes au RSA", explique-t-elle. "Hier, j'ai reçu une jeune femme qui était en pleurs. On est inquiet pour la suite", poursuit-elle alors que les ressources de l'association se tarissent.
"On doit faire le point avec la comptable, mais les dons de vêtements sont en baisse et aussi de moins bonne qualité et donc pas vendables dans notre boutique. Les gens préfèrent déposer leur ancien vêtement en bon état dans des boutiques d'habits de seconde main et avoir des bons d'achat plutôt que de nous les amener ici", déplore-t-elle.

Carte de la Croix Rouge du Bouscat qui collecte vos dons de vêtements en bon état.

VIDÉO. Les mêmes difficultés sont rencontrées par les associations du Pays basque qui distribuent 2,3 millions de repas par an. Voir ce reportage d'Emmanuel Clerc et Christian Etchegaray à la banque alimentaire de Bayonne qui note une hausse de 6 % de la demande alimentaire en ce début septembre 2023, notamment de familles avec trois enfants. L'association constate également que la ramasse est moins importante qu'avant en termes de volume ►

durée de la vidéo : 00h01mn48s
Reportage à la banque alimentaire de Bayonne (64) et à la Croix Rouge de Saint-Jean-de-Luz, le 4 septembre 2023. ©France 3 Euskal Herri

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