Dans le monde des Sugar Daddies, un phénomène accentué par la précarité étudiante

Depuis quelques années, des rencontres entre de jeunes gens et des partenaires plus âgés, moyennant une contrepartie, se font sur Internet. On appelle cela le Sugar Dating. A Bordeaux, le phénomène s’est accru avec la crise sanitaire.

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Une simple recherche sur Google permet, depuis Bordeaux, de rechercher un Sugar Dady. Soit littéralement un "papa gâteau", ou un homme d'un certain âge, financièrement aisé, qui recherche une compagnie plus jeune contre rémunération. Les annonces sur les sites de petites annonces classiques et gratuites sont très nombreuses. 

En répondant à l’une d’elles, mise en ligne la veille "Bonjour, je suis un Sugar Daddy cherchant un Sugar baby pour partager des moments simples et authentiques",  nous recevons un mail moins de 10 minutes plus tard. 

Le mail est lapidaire, fautes comprises "Bonjour Mademoiselle, vous m’avez contacter pour l’annonce de Sugar Daddy, souhaitez vous faire connaissance? Bonne journée". 

Je suis un homme de 41a, type caucasien. Ce que j'attends de ma sugar baby c'est de pouvoir passer du temps ensemble, par exemple autour d'un diner et d'une nuit ensemble; Pourriez-vous vous présenter à votre tour et m'indiquer vos attentes pour ce type de relation ? Merci Bonne journée

Jérôme, Sugar Daddy

150 euros pour une rencontre et une "intime compagnie"

Après quelques échanges, celui que nous appellerons Jérôme se confie sur sa pratique "Avec les années, j’ai eu trois belles relations qui ont duré plusieurs mois, dont une de plusieurs années" explique-t-il. Avant d’ajouter "Je ne rencontre que peu de personnes, car je souhaite une vraie relation Sugar sur la durée et ne pas enchaîner comme certains le font". 

Mais au delà de la complicité qu’il recherche, les motivations sont assez claires. Même s'il met les formes.  "Il s’agit d’une relation humaine, certes particulière, mais qui fonctionne dans les deux sens. On s’apporte mutuellement quelque chose et les moments passés sont notre bulle, hors du temps, qui n’appartient qu’à nous et que nous construisons ensemble" , écrit-il. 

Dès que nous abordons la question de la rémunération pour le temps passé "dans la bulle", la réponse est simple: "un montant fixe pour chaque rendez-vous, tous les frais à ma charge. Soit 150 euros par rencontre", pour une "intime compagnie". 

Un lexique choisi

A l’association bordelaise Le Cri, où l’on travaille contre les risques liés à la prostitution, le terme de "Sugar Dating" et son vocable associé, "Sugar Baby" et "Sugar Daddy", n’est qu’un moyen pernicieux de rendre cette prostitution de jeunes majeurs plus acceptable. C’est "plus glamour", nous explique Emmanuelle Régis, Coordinatrice de l’association. 

"Ce terme Sugar dating vise à euphémiser le phénomène, précise-t-elle. Il y a toujours une idée de contrepartie, même si ça n’est pas forcément de l’argent, cela reste une sexualité tarifée" qui s’avère être de la prostitution. 

En vendant cet aspect sugar baby/Daddy on a des personnes qui ont besoin de ressources et face à elles des gens qui ont des moyens. Cet intitulé là les emmène à se positionner en personne qui aide à financer leurs études.

Emmanuelle Régis, coordinatrice le Cri

à rédaction web France 3 Aquitaine

Crise sanitaire et passage à l’acte 

Au sein du Poppy, un accueil physique situé en plein cœur de Bordeaux et destiné aux personnes qui se prostituent, on observe le développement d’un tel phénomène, accentué par la montée de la précarité étudiante et la crise sanitaire. La responsable, Camille Escaich, a pu le constater.  " On sait que certains d’entre eux, tous genres confondus, ont franchi le cap à ce moment-là", que ce soit pour une prostitution régulière, comme pour une prostitution occasionnelle. 

Un constat, effectué notamment par une veille numérique. Car l’association l’a bien compris :  de très nombreuses choses ne se passent que sur Internet. De fait, elle a mis en place une "maraude virtuelle " pour contacter les victimes de la prostitution. "On échange uniquement avec les personnes qui se prostituent", mais elle le sait très bien sur le web, difficile de savoir à qui on s'adresse. "Il est possible qu’on envoie des messages à des petits amis ou des proxénètes".  

Libérer la parole

Pour éviter toutes les problématiques liées à la prostitution, qu’elles soient en termes de santé mais aussi de sécurité et de proxénétisme, l’association a ciblé ces jeunes de moins de 25 comme une population à encadrer et à aider tout particulièrement. 

Depuis la rentrée, Poppy propose des stands et des interventions dans les universités bordelaises et certaines écoles comme Kedge.  Leur leitmotiv est alors de libérer la parole.

Ils peuvent nous rencontrer sans être jugés et nous les accompagnons dans leur libre choix de parcours de vie. On n'a pas de positionnement politique vis-à-vis de la prostitution.

Camille Escaich, responsable du Poppy

à rédaction web France 3 Aquitaine

Par ailleurs, le Poppy, situé 12 rue de la Tour de Gassies à Bordeaux, propose des accueils spécifiques destinés aux jeunes de moins de 25 ans depuis le mois de janvier, le mercredi après-midi et le jeudi de 20h à 23h.

Camille Escaich parle d’accueil global pour sortir ces personnes prostituées des difficultés médico-sociales "Les personnes qu’on accueille nous sollicitent pour un accueil et un accès au soin. On peut apporter un soutien psychologique, mais on va aussi intervenir sur la question du logement et de l’accompagnement professionnel ". 

La question du libre arbitre

La vraie question selon Emmanuelle Régis, du Cri, est  "la part de liberté" qu’ont ces jeunes gens, essentiellement des jeunes filles, dans ce mécanisme. "La question de la prostitution pose des questions idéologiques très fortes, quant au rapport d’ascendance né du patriarcat ou au contraire à la notion d’empowerment, et de cette idée que je fais ce que je veux de mon corps ", conclut-elle. 

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