Le professeur Denis Malvy, infectiologue au CHU de Bordeaux et membre du Conseil scientifique, lance un appel à la prudence et à la rigueur pour ne pas créer une seconde vague de malades du COVID 19 avec le déconfinement. "Il va falloir gérer l'incertitude avec fermeté et modestie" confie-t-il.
À la question : a-t-on vraiment tout prévu sur l'aspect sanitaire pour le déconfinement, le professeur Denis Malvy répond après un petit silence : " On n'en serait pas là, si on avait tout prévu..."
L'expert infectiologue du CHU de Bordeaux, membre du Conseil scientifique auprès du ministre de la Santé, s'est confié à France 3 Nouvelle Aquitaine sur l'après-confinement.
Son service des maladies infectieuses et tropicales du Centre hospitalier universitaire a pris en charge le premier malade du COVID-19 en Nouvelle Aquitaine le 23 janvier 2020.
Ce patient girondin, un quadragénaire de retour de Chine, sortira guéri un mois plus tard après un traitement à base de Remdesivir, un antiviral au coeur aujourd'hui d'un essai clinique international.
À Bordeaux, trois centres de dépistage en mode « drive » permettront de lever les doutes rappelle Denis Malvy.Il ne faut pas créer de seconde vague avec la fin du confinement et chaque citoyen aura son rôle à jouer pour cela.
Ne pas oublier les gestes barrières.
Et au moindre symptôme mineur (perte d'odorat, de goût, toux, fièvre), il faudra se signaler à son médecin par exemple et se faire dépister, avant une éventuelle prise en charge.
Ces centres de dépistage seront opérationnels dans les hôpitaux Pellegrin et Haut-Léveque en « drive » pour les voitures et à l'hôpital Saint-André en « drive » pour les piétons.
Les autorités sanitaires pourront tester jusqu’à 3 000 personnes par jour à partir du 11 mai.
"Je ne suis pas devin, contrairement à beaucoup..."
Le principal enjeu de ce déconfinement progressif, selon Denis Malvy, est de savoir si la France est capable de se mettre en ordre de marche pour suivre des procédures sanitaires élaborées pour s'adpapter à l'évolution du virus.
Avec le déconfinement, le COVID 19 va se mettre en circulation. Il faut absolument le repérer et le maîtriser, c'est primordial pour éviter une seconde vague.
Encore plus en Nouvelle Aquitaine, région épargnée par le virus, et où il n'y a pas d'immunité de groupe dans la population.
Et quand on l'interroge sur les conséquences d'une éventuelle seconde vague de malades, cet expert mondialement reconnu précise avec fermeté mais modestie :
Je ne suis pas devin contrairement à beaucoup de personnes qui s'expriment dans les média et disent tout savoir.
Il faut accepter le fait que le scientifique gère de l'incertitude mais avec de l'expérience.
Ce virus a de multiples visages. Il faudra rester très vigilant jusqu'à la fin de l'année. Et s'il y avait une seconde vague ces prochains mois, elle pourrait destabiliser l'hôpital et la société.
"On soigne de mieux en mieux les malades du COVID-19"
Difficile de savoir à quelle échéance nous disposerons d'un vaccin et de traitements spécifiques, confie le professeur Denis Malvy.
Les essais cliniques à grande échelle se poursuivent car il y a des propositions plurielles pour soigner des cas pluriels, explique-t-il.
En attendant, aujourd'hui, on soigne de mieux en mieux les patients :
Le dispositif COVERAGE, mis en place à Bordeaux par le CHU et l'Université pour renforcer la qualité de vie des malades, est efficace.
Une équipe mobile composée d'un médecin, d'un infirmier et d'un chauffeur permet de suivre à domicile nos patients.
Cet essai innovant ne fait que débuter mais il est important à l'heure du déconfinement.
"La population a joué le jeu"
Mais face à ces multiples incertitudes sur la réussite de notre déconfinement et aux questions sur l'évolution du virus, Denis Malvy reste malgré tout confiant mais prudent :
Le confinement a porté ses fruits. La population a "joué le jeu".
Mais à présent, il va falloir vivre longtemps avec ce virus. Et face à lui, il faut rester modeste, rigoureux et évolutif.
Il va nous falloir gérer l'incertitude dans le désordre créé par cette crise sanitaire.
Essai Coverage : un dispositif test pour soigner les malades du COVID 19 à domicile
Coverage est un essai clinique innovant pour le traitement du COVID-19 lancé le 15 avril par le Centre hospitalier de Bordeaux et l'Université.Cet essai comparait quatre traitements différents, chez des personnes de plus de 65 ans, prises en charge à leur domicile dès le début de la maladie par une équipe mobile de soignants.
Le traitement de ces patients à domicile leur évite une hospitalisation et leur apporte un suivi continu par téléphone ou avec des outils digitaux
Quatre types de traitements sont administrés dans quatre groupes de patients différents.
L'hydroxychloroquine fait partie des traitements proposés.
Au total, plus de mille patients devraient être inclus dans l'essai et faire l'objet d'un suivi de la maladie tout au long du traitement.