Demi-groupes dans les lycées de Gironde : "il est regrettable d'avoir attendu d'être au pied du mur pour agir"

Jeudi soir 5 novembre, le ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer a annoncé la possibilité pour les lycées de mettre en place des demi-groupes. Une proposition attendue par le corps enseignant, qui dénonçait une "incohérence" du protocole sanitaire. 

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L’annonce était attendue de pied ferme par les enseignants et les élèves : les lycées peuvent désormais mettre en place des demi-groupes pour désengorger les salles de classes. 

"Aujourd'hui, si le protocole ne marche pas, c'est un problème systémique : nos établissements ne sont pas adaptés pour cette crise. Les couloirs, le nombre de classes ou de sanitaires, ce sont des problématiques de long terme", précise, Franck Hialé, professeur de mathématiques au lycée Saint John Perse à Pau et secrétaire académique de l'Unsa Education.

Pas immédiat

Concernant la mise en route de ce nouveau procédé, il faudra être patient. “Il ne faut pas s’attendre à ce que les dispositifs soient prêts demain. Nous travaillons depuis plusieurs jours d’arrache-pied pour s’organiser et proposer un système égalitaire pour tous”, précise Xavier Yvart, secrétaire académique du SNPDEN-UNSA de l'académie de Bordeaux, le syndicat des proviseurs de lycée. Car si le cadrage ministériel est désormais établi, chaque lycée pourra adapter la mesure selon ses spécificités en matière de desserte scolaire, d’effectifs ou encore de conditions de travail à la maison. Un flou qui interpelle pourtant les enseignants.
 

Si on est en demi-groupe, que fait-on de l'autre demi-groupe ? Est-ce que les professeurs vont faire des doubles journées ? Les élèves seront-ils en visioconférence ?

Catherine Ambeau, professeure de lettres au lycée Victor Louis. 


La mesure a tout de même été appréciée par le corps enseignant. "C'est une bonne chose qu'on soit enfin écoutés sur ce que nous alertons depuis juin dernier. Mais il est regrettable d'avoir attendu d'être au pied du mur face à la colère des professeurs et des élèves pour agir", regrette Hélène Allain, professeure de lettres au lycée Alfred Kastler, de Talence près de Bordeaux. 
 
Dans ce lycée, les professeurs demandent à être inclus dans les discussions. "Nous manquons de temps et la rapidité n'est pas favorable dans ce contexte. Mais il va falloir choisir les options les mieux adaptées en fonction de notre lycée. Et il faut que nous soyons autour de la table pour en discuter avec la direction", précise Hélène Allain.
 

Suivi à distance

Pour autant, du côté des parents d’élèves, les annonces ne satisfont qu'à moitié. "Ce n'est pas ce qu'on demandait. Depuis le printemps, nous demandons un grand plan d'urgence pour l'école afin de mettre en place des moyens humains et matériels pour assurer la sécurité sanitaire. Cette seconde vague n'est pas une surprise et aurait pu être anticipée", regrette Stéphanie Anfray, présidente de la FCPE de Gironde.

Une situation comparée à l'Italie. "Pour préparer la rentrée, ils ont embauché du personnel et commandé des millions de tables individuelles. C'est donc possible", assure Stéphanie Anfray. Comme les élèves et les professeurs, ils dénonçaient, il y a quelques jours, une surcharge des classes. Si ces craintes ont été partiellement apaisées par les annonces ministérielles, celle des inégalités technologiques persistent. "On a bien vu que le distanciel était compliqué à mettre en place. La fracture numérique est toujours réelle et ce sont les mêmes qui vont subir cet impact-là", appréhende Franck Hialé.

Pour les parents d'élèves, l'organisation des familles est aussi à prendre en compte. "Avec le distanciel, les enfants seront plus souvent chez eux. Pour les familles en télétravail qui n'ont qu'un seul ordinateur, on retombe dans les mêmes jeux d'équilibriste qu'au printemps. Pour celles dont les parents sont retournés au travail, il va falloir s'organiser lorsque les enfants seront chez eux. Une maman m'a notamment appelée pour des questions de restauration lorsque son enfant ne sera pas en présentiel", explique Stéphanie Anfray.
 

Pas de nouveaux moyens 

Si la mesure des demi-groupes est saluée, parents d'élèves et professeurs regrettent qu'aucun moyen supplémentaire ne soit débloqué. "C'est insuffisant si aucun moyen supplémentaire n'est mis en place. Chaque lycée est autonome mais cela risque de créer des disparités entre les établissements. Il y a aussi la problématique des agents d'entretien qui n'ont pas été renforcés", prévient Hélène Allain.

Jeudi soir, Jean-Michel Blanquer annonçait également la transformation des épreuves continues en contrôle continu. "Par rapport aux E3C, la mesure va dans le sens de la demande de l'Unsa. C'est une bonne chose de maintenir le contrôle continu pour garder le lien avec les élèves, même quand ils seront chez eux", se réjouit Franck Hialé. 

Mais pour d'autres professeurs, cette modification risque ici aussi d'entraîner des disparités. "Comme pour les cours, il faudra alors être vigilant sur les écarts d'environnements familiaux. Car si pour l'instant, on s'engage jusqu'aux vacances de Noël, cela pourrait durer plus longtemps", alerte Hélène Allain.

Autre point noir des annonces ministérielles : le collège, absent des mesures. "Les collèges ont les mêmes problématiques que nous, il faut aussi leur trouver des solutions", assure la professeure de lettres.  Si le ministre de l'Education a fait un pas vers les professeurs, cela n'a cependant pas suffit à désamorcer la colère.  "Tant que les contours de cette mesure ne seront pas dessinés, notre mobilisation reste d'actualité. Aujourd'hui, ce que nous contestons, c'est cette impréparation alors qu'on avait alerté en amont. Il y a une forme de mépris", assène Hélène Allain.

Pour l'heure, la journée de mobilisation, annoncée par plusieurs syndicats mardi 10 novembre, est maintenue.

 
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