Les commerçants du centre-ville de Bordeaux souffrent d'une baisse d'activité depuis quelques années, aggravée par la crise sanitaire. Ils tentent d'innover pour convaincre les clients de revenir. Et préviennent : la ville sera t-elle aussi attractive sans eux et les emplois qu'ils génèrent ?
40% des commerces et services à la personne de Gironde seraient au bord de la faillite selon une étude réalisée cet été par la Chambre de Commerce et d'Industrie de Bordeaux. Le centre-ville du port de la lune est particulièrement touché par un recul de la fréquentation estimé, en moyenne, à 60% .
"Il faut quand même relativiser ces chiffres" tempère Bruno Fripon, commerçant aux Grands-Hommes et élu à la CCI. "On a de très fortes chutes dans certaines activités comme l'hôtellerie, le tourisme, la chaussure, l'habillement. C'est très délicat pour eux". 62% des cafés, hôtels et restaurants déclarent en effet une baisse de plus de 50% de leur chiffre d'affairesau 1er semestre 2020 et 78% estiment leur trésorerie dans une situation difficile ou très difficile.
"D'autres arrivent vraiment à tirer leur épingle du jeu et sont même en positivité. Pourquoi ? Je ne sais pas. Les Français ont fait 85 millions d'euros d'économie pendant le confinement et se sont mis à dépenser dans certaines boutiques, plutôt haut de gamme"complète l'élu consulaire.
Une lente érosion de la clientèle dans le centre-ville
La baisse de fréquentation n'est pas nouvelle à Bordeaux. "On l'observe depuis quelques années avec les travaux, les manifestations, les gilets jaunes, les difficultés pour circuler et se garer...tout cela a fait fuir les chalands du centre-ville et nous a fortement pénalisé". Selon Bruno Tripon, les fermetures de boutiques aujourd'hui ne sont pas dues à la Covid. "Les effets de la crise sanitaire se feront sentir l'année prochaine, dans 7, 8, 12 mois".Ceux qui ont réussi à limiter la casse sont ceux qui ont su s'adapter au bon moment. A l'image de Fabienne Massip, à la tête, avec son mari, d'une boutique et d'un atelier de maroquinerie dans la galerie des Grands-Hommes. "On est autour de moins 30, moins 35% de fréquentation depuis la fin du confinement. Par rapport aux moins 60% constatés à Bordeaux, on estime qu'on ne s'est pas trop mal débrouillés".
Se réinventer pour convaincre les clients de revenir en boutique
Elle explique avoir pu limiter la casse grâce à leur atelier de fabrication. "Heureusement qu'il y a ça et qu'on a pris le virage il y a deux, trois ans. On fabrique tous nos sacs sur Bordeaux. Mon mari a un savoir-faire d'excellence". L'atelier est installé dans un appartement juste en face de la boutique."Notre objectif est de recréer une filière en maroquinerie dans la région et de développer l'artisanat local". Le créneau "produit français et local" est en effet de plus en plus porteur. "Les clients recherchent des articles bien faits qui ont une éthique derrière.
Il faut se démarquer, offrir quelque chose de différent au consommateur aujourd'hui, il ne se déplacera que si on lui propose quelque chose qu'il ne peut pas trouver ailleurs et notamment pas sur internet"
Internet, elle et son mari s'y sont mis aussi, en créant un site il y a quelques années. "Beaucoup de commerçants ont anticipé internet mais pas tous" regrette Bruno Tripon. "Avec la CCI, on a décidé d'accélérer les choses pour que tout le monde ait un site".
Préserver notre mode de vie à la française
Car l'enjeu est la pérennité de tous et le maintien d'une offre variée garante d'une certaine attractivité du centre-ville. "Le commerce, ce n'est pas qu'une économie" plaide-t-il. "Il génére 80 000 emplois à Bordeaux, c'est un mode social et un mode de vie à la française que d'autres pays nous envient. Il est très important de le conserver."Bruno Fripon veut que chacun se rende compte de l'importance de leur survie. Il veut rassurer les consommateurs : " Venez, nous respectons les gestes barrières, nous sommes prêts à vous accueillir !". Il veut aussi alerter les pouvoirs publics : "il sera difficile de rembourser le prêt garanti par l'Etat dès l'an prochain". Il demande un report ou un abandon. Et il interpelle les bailleurs en leur réclamant des annulations de loyer. "Des cellules vides n'attireront personnes dans les rues et les galeries"....
Malgré tout, ils restent assez nombreux à vouloir croire en l'avenir. Près de 40% des commerçants sont "optimistes sur les perspectives d'évolution d'ici la fin d'année" selon l'étude de la CCI. Et 35,8% ont développé "des services et/ou des opérations commerciales" du genre "click & collect, livraison à domicile, privatisation de boutique, création de communautés ou encore animation des réseaux sociaux".