Après le cannabis, la cocaïne est la drogue la plus consommée en France et les trafiquants se sont adaptés. De plus en plus de stupéfiants transitent régulièrement dans les ports de la façade atlantique. Pour lutter contre ces trafics par voie maritime, une nouvelle instance de coordination "de l'Arc Atlantique" a été créée.
Pas moins de 750 kilomètres de côtes françaises sur l'Atlantique. Une aubaine pour les trafiquants de drogue internationaux qui utilisent le plus souvent les voies maritimes pour les stupéfiants.
Ce trafic ne cesse de progresser comme chez nos voisins européens. "Anvers, Rotterdam, puis Le Havre, puis Dunkerque, puis Marseille ont été des ports dans lesquels les trafiquants ont importé beaucoup de cocaïne", liste Pierre-Yves Couilleau, Procureur Général près la cour d'appel de Bordeaux (JIRS). Mais aujourd'hui, les trafiquants s'adaptent en permanence à chaque fois qu'une livraison est interceptée, un trafic déjoué, un réseau démantelé. Souvent bloqués à Marseille ou au Havre, ils se tournent alors vers d'autres ports de moindre importance.
La façade atlantique semblait jusque-là épargnée. Mais en février dernier, on a trouvé 184 kg de cocaïne à bord d'un cargo à Brest. Et 124 kg à La Rochelle en 2022. Avant cela, on se souvient des épisodes sur les plages de Gironde et des Landes, il y a quatre ans : 760 kg et deux tonnes à Mimizan...
"Nous ne voulons pas subir et nous tentons d'anticiper", assure Pierre-Yves Couilleau, qui fait partie du personnel mobilisé dans cette coordination.
Écoutez les explications de Marie Neuville et Eléa Tymen.
"Du Mont Saint-Michel à la Bidassoa..."
L'idée est d'organiser une remontée des informations des acteurs du terrain qui permettra une analyse pour plus d'efficacité. Cet Arc Atlantique a donc été créé officiellement ce 27 octobre lors d'une réunion à laquelle assistaient des procureurs généraux, de procureurs de la République, la préfecture maritime, des gendarmes, policiers et douaniers. Et Bordeaux est au cœur du dispositif regroupant des acteurs de Rennes, Poitiers, Bordeaux et Pau. "C'est un bureau de liaison, une coordination entre la juridiction interrégionale spécialisée de Rennes (JIRS) et la JIRS de Bordeaux", explique Frédérique Porterie, la procureure de la République de Bordeaux.
"À Bordeaux, quatre magistrats sont dédiés à la lutte contre la criminalité organisée (trafic de stupéfiant, trafic d'armes, etc...) dont un référent". Il s'agit d'une mise en commun des renseignements des forces de sécurité intérieures.
Et tous en sont bien conscients, comme Pierre-Yves Couilleau, il s'agit d'un travail colossal à effectuer "dans l'ensemble des ports de commerce, ports de pêche, ports de plaisance et même des ports accueillant des bateaux de croisière". On parle ici de dresser un diagnostic du Mont Saint-Michel à la Bidassoa soit "près de 640 points d'atterrissages potentiels", comprenez de lieux où un trafic par voie maritime est susceptible d'accoster. Rien qu'en Gironde, on en compterait déjà 53.
Ces trafics maritimes sont plus récents sur nos côtes et sont la conséquence d'une réalité criminelle. Le procureur général l'affirme : jamais la production de cocaïne n'aura été aussi importante. Elle est estimée "à 2000 tonnes cette année". Autre constat : 80% des trafics de drogue, d'armes ou d'êtres humains transitent par la voie maritime. Enfin, les actions efficaces de nos voisins européens (Pays-Bas, Belgique et Espagne) ont porté des coups rudes à ces trafics, d'où ce glissement inquiétant vers nos côtes pour toucher des "marchés" similaires européens.
La procureure de la République de Bordeaux, Frédérique Porterie, traduit ainsi la mission. Cette coordination a pour but de "déjouer cette inventivité" des délinquants et trafiquants pour les empêcher "de développer des procédés qui nuisent à l'équilibre social, à la santé publique et la santé économique d'un pays qui n'a pas besoin de ça".