En France, les accents de nos régions sont peu audibles en politique, dans les médias même si quelqu'un comme Jean-Michel Aphatie fait figure d'exception. Le député Christophe Euzet est à l'origine d'un projet de loi pour lutter contre ces discriminations.
Chantant, souriant, ensoleillé... Si l'accent est la musique de nos terroirs, sa chaleur, son authenticité, il serait aussi un trait de personnalité susceptible de porter préjudice.
Ainsi les porteurs d'accent seraient catalogués, estampillés, parfois priés de faire taire cette drôle de variation vocale dans leur expression professionnelle.
Pour certains ce "défaut" minimiserait même leur accès à certains types d'emploi.
Finalement ces comportements ont un nom : discrimination.
Jean-Michel Aphatie témoigne
Le journaliste politique basque d'origines, fait figure d'exception. Pour sa part, il estime que ça ne lui a jamais porté préjudice.J'ai eu la chance que ça ne m'embête pas.
Et même durant sa formation à l'IUT de journalisme de Bordeaux, il ne se rappelle pas que quelqu'un lui ait conseillé de le gommer.
Ces derniers temps, il a été approché par Michel Feltin-Palas qui a effectué une enquête sur le sujet dans laquelle bon nombre de personnes témoigneraient du fait que leur accent a été considéré comme un handicap dans leur vie professionnelle.Il faut dire que j'étais déjà plus âgé que la plupart. 28 ans. Et que je me destinais au journalisme politique en presse écrite. Je n'étais pas préparé à l'audiovisuel.
Après, c'est vrai qu'on a dû le dire aux jeunes journalistes...
Jean-Michel Aphatie insiste sur le fait que c'est un élément de notre personnalité, notre identité même.
On demande aux gens de perdre leur accent...
Est-ce qu'on demande aux gens de teindre leurs cheveux ?
On ne perd pas l'accent, on l'a en soit; On se FORCE à parler autrement...
C'est une forme de TORTURE !
Et puis pourquoi on ne dit pas aux Parisiens qu'ils ont, eux, un accent ?
Il se dit ravi d'être associé à ce livre ("J'ai un accent et alors?" à paraître en avril chez Michel Lafon) car "il met en lumière une forme de souffrance".
D'après M. Aphatie, l'envie de ce livre, de mettre en lumière cela serait née, pour l'auteur Michel Feltin-Palas , d'une scène à l'assemblée nationale, impliquant Jean-Luc Mélinchon qui répondait à une journaliste, Véronique Gaurel qui avait un accent (extrait du Huffington Post)...
Un projet de loi
Le projet de loi (datant du 3 décembre dernier) du député Christophe Euzet, entendu ce jeudi sur Europe 1 a surtout pour but de "promouvoir la France des accents" :promouvoir la diversité de prononciation de la langue française en prohibant les « discriminations par l’accent » (1) que l’on constate factuellement dans les fonctions impliquant, tout particulièrement, une expression publique.
Et le texte de rappeler
La notion de discrimination, très présente en droit français, n’intègre en effet pas les difficultés auxquelles font face, de façon pourtant bien réelle, les locuteurs porteurs d’un accent local, lorsqu’ils veulent embrasser certaines carrières impliquant une expression publique.
Il est aujourd’hui indispensable, dans un souci d’égalité des chances et en période de doute quant à la cohésion des territoires qui fondent la Nation, d’adresser un signe de reconnaissance fort, en favorisant la revalorisation des prononciations « atypiques » .
(...)Notre Nation, qui se félicite souvent de la grande diversité de ses terroirs, désole donc, paradoxalement, par l’uniformité lissée de son expression publique.
Le député de l'Hérault semble conscient qu'il existe des discriminations bien plus graves actuellement mais que cette volonté d'uniformisation, dans les médias, la fonction publique en général, fait de ces particularités personnelles et régionales un motif de discriminations éventuelles, directes ou indirectes.
Condescendance et discriminations ?
Un texte qui pointe aussi des comportements :
des formes inconscientes de condescendance, la glottophobie (au sens de la « déconsidération de l’accent ») n’en demeure pas moins un facteur de discrimination à l’embauche, à la crédibilité et à la promotion sociales.
Au-delà d'un espoir de bienveillance et de vivre ensemble, l'idée est bien de mettre au jour ce type de discriminations invisibles ou peu exprimées à ce jour...
Plus votre accent est fort moins vous seriez payés
A l'image de ces chiffres révélés dans une étude de chercheurs des universités de Chicago et de Munich intitulée « La pénalité salariale des accents régionaux », publiée sur le National Bureau of Economic Research : un écart de 20 % aurait été constaté à la défaveur du collaborateur avec accent...Il faut dire qu'en Allemagne, chaque région a son accent, certaines même leurs dialectes. Ce qui donnerait un indice à l'interlocateur, sa provenance, son niveau de vie...
Une discrimination qui ne serait pas directe. Ces personnes seraient écartées des postes avec interactions ou elles-même postuleraient moins sur des emplois d'encadrement mieux rémunérés, mieux considérés.