Les personnes incarcérées ont pu voter ce jeudi 7 avril au sein de leur établissement pénitentiaire. Dans des espaces spécialement aménagés. Une première pour des élections présidentielles.
"Certes ce sont des détenus mais il ne faut pas oublier que ce sont des citoyens" souligne Dominique Bruneau, le directeur du centre pénitentiaire de Gradignan très favorable à l'organisation du scrutin à l'intérieur de la prison.
Salle de spectacle aménagée
Dans son établissement, trois espaces ont été aménagés en bureau de vote dont la salle de spectacle où les détenus pratiquent habituellement l'activité cirque.
"On a installé un endroit où ils peuvent s'isoler mais nous n'avons pas d'isoloir à proprement parlé". Les détenus entrent un par un, prennent papiers et enveloppe et se cachent derrière une paroi avant de glisser eux-mêmes leur bulletin dans l'urne.
C'est important pour nous de remplir notre devoir comme citoyen, pour l'avenir de nos enfants aussi
Rémy* - un détenu
nous confie Rémy* qui a appris qu'il lui était possible de voter sur place il y a quelques jours seulement. "Je suis très fier" ajoute t-il.
Aurait-il fait la démarche d'un vote par procuration ? Ou une demande de permission de sortie, comme cela se faisait avant ? "Je ne pense pas non" concède t-il.
Une meilleure participation
Ce nouveau dispositif, expérimenté une première fois lors des européennes de 2019, devrait permettre d'augmenter nettement le taux de participation des détenus.
"Il ne dépassait pas les 2% avant 2019" indique Maud Sécheresse, avocate girondine membre de l'association A3D (association d'avocats pour la défense des droits des détenus). "C'est un grand pas qui a été franchi. Lors de l'expérimentation aux européennes le taux de participation est monté à 8%".
Pour l'avocate, il est essentiel de les faire participer à la vie du pays.
"La prison, ça reste un lieu à part.
Beaucoup considèrent que les détenus, parce qu'ils ont commis, ou pas, différentes infractions n'ont pas à participer à la vie de la société. On a envie de les priver le plus possible de leurs droits. Or il faut savoir qu'ils conservent leurs droits civiques. Ils ne doivent pas se sentir exclus
Maud Sécheresse - avocateSource : F3 Aquitaine
Un symbole très fort
Le directeur de la prison de Gradignan approuve. "C'est une excellente chose. Ils déposent eux-mêmes leur bulletin dans l'urne, le symbole est très fort. Ils peuvent donner leur opinion. On nous parle de réinsertion, ça passe aussi par le droit de voter.".
Cyril* avoue en effet se sentir "mis à l'écart" et "rejeté par la société" depuis qu'il est incarcéré.
Là au moins on sait que c'est nous qui votons, il n'y a pas de tromperie possible.
Cyril, un détenu
A la fin de la journée, les bulletins seront placés dans des enveloppes scellées puis envoyés à Paris. Le dépouillement se déroulera dans un bureau spécialement affecté.
Les associations militent maintenant pour que le jour de vote soit le même pour tous.
Une demande somme toute "anecdotique" selon Cyril qui préfèrerait que l'Etat s'attaque à d'autres problèmes, autrement plus graves, comme celui de la surpopulation carcérale. "Ici, à Gradignan, on est trois voire quatre par cellules" rappelle t-il.
*Les prénoms ont été modifiés pour respecter l'anonymat des détenus