Exposés chaque jour aux pesticides, les fleuristes inquiets pour leur santé : "certains collègues sont morts de cancer "

Après les révélations sur la mort d'une fillette de 12 ans et l’exposition des fleuristes aux pesticides et substances toxiques, la filière oscille entre stupéfaction et crainte pour leur santé. Ils demandent aujourd’hui une meilleure traçabilité, les fleurs et plantes concernées étant produites hors Union européenne.

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Dans sa boutique de fleurs, Béatrice n'arrive pas à s'enlever l’affaire Marivain de la tête. “L’inquiétude est devenue très réelle, oui”, confie-t-elle.

Le 9 octobre, la cellule investigation de Radio France et le journal Le Monde révélaient le témoignage de Laure Marivain, ancienne fleuriste nantaise, dont la fille, Emmy est décédée à l’âge de 12 ans d’une leucémie. Sa mère a obtenu la preuve et la reconnaissance que le cancer d’Emmy était dû à son exposition, lorsqu’elle était enceinte, aux pesticides contenus dans les fleurs qu’elle manipulait.

"Bombe"

Depuis, les questions sont légion au sein de la profession. “On se disait qu’il y avait surement des pesticides, mais pas des risques graves comme ça ! Sinon, il y aurait eu une information”, lance Béatrice, qui s’est reconvertie il y a 15 ans. Et pourtant “rien”.

Elle-même a découvert les dangers cachés de son métier, “comme le grand public” , avec ce témoignage. Alors depuis, “on met des gants. Mais si on veut réduire notre exposition, il faut installer des ventilations puissantes, ce sont des coûts énormes pour les artisans comme nous”, regrette-t-elle.

J'ai dit au revoir à certains collègues grossistes qui sont morts de cancers. Aujourd'hui, on se demande si ce n'est pas lié.

Béatrice,

Fleuriste dans les Landes

La peur, les questions, Béatrice est loin d’être la seule à se les poser. “On reçoit beaucoup d’appels et de mails. Ce témoignage, c’est une bombe pour les fleuristes”, indique Damien Thuaud, représentant régional de la Fédération française des artisans fleuristes (FFAF). “La question était déjà prégnante depuis plusieurs années, grâce à des médias lanceurs d’alertes. Mais ce drame, c’est une véritable prise de conscience pour beaucoup d’entre nous”, indique Damien Thuaud.

Si l'inquiétude s'est aussi rapidement immiscée au sein des fleuristes, c'est qu'ils sont exposés à ces fleurs "six jours sur sept, une dizaine d'heures chaque jour". Une exposition prolongée qui touche aussi les grossistes et “ceux qui travaillent dans les fermes florales”. “Eux y sont dix fois plus exposés que nous. Quand on voit les dégâts pour une fleuriste, on se dit que l’aspect humain n’y est pas”, martèle le fleuriste.

Une communication de la fédération a d’ailleurs été réalisée auprès des adhérents pour “rassurer”. S’ils tempèrent la situation, indiquant que depuis 2010, date des faits “l’encadrement de la production de fleur a évolué”, ils confient leur volonté d’améliorer les conditions de productions.

Fleurs étrangères

Contrairement à l’agro-alimentaire, le commerce de fleurs ne bénéficie en effet pas de limite maximum concernant les résidus sur les fleurs importées. Elles représentent pourtant 85 % des fleurs vendues en France. “Le problème ne vient pas des fleurs européennes, voire françaises qui respectent les normes. Les fleurs concernées sont principalement produites en Afrique et en Asie”, indique Damien Thuaud.

C’est comme une tomate. En hiver, on sait qu’elle est importée et généralement moins nutritive. Les roses, c’est pareil.

Damien Thuaud,

Représentant en Aquitaine de la FFAF

Problème, la traçabilité des fleurs n’est pas aussi exigeante que pour les fruits et légumes. “Nous-mêmes, nous n’avons pas forcément les lieux de production. Nous avons seulement un code qu’il faut apprendre à décortiquer”, regrette le fleuriste bordelais.

Des fleurs, généralement peu onéreuses, qui ne se retrouveraient pas sur les étals de tous les fleuristes. “Ce sont souvent des produits que l’on retrouve en grande surface ou dans des grandes chaînes, parce qu’elles coûtent moins cher et permettent une offre plus large”, précise le représentant aquitain de la FFAF.

"Il faut éduquer le client"

Seule solution : changer les modèles de consommation. Mais sensibiliser les clients s’avère relativement difficile, notamment parce qu’ils seraient beaucoup moins exposés à ces risques sanitaires. “Avoir un bouquet chez soi ou passer quelques minutes en boutique n’est pas dangereux. Le souci, c’est pour les fleuristes eux-mêmes qui sont en permanence dans un environnement toxique”, rappelle Damien Thuaud. 

Si on avait un panneau "Kenya" sur les roses qu’on achète, peut-être que les clients choisiraient autre chose.

Damien Thuaud,

Représentant régional de la FFAF

Désastres écologiques, cocktails de pesticides, ces fleurs “industrielles” laissent pourtant de plus en plus place aux filières "renaissance". “Des collectifs mettent en place une plateforme pour rediriger les fleuristes vers les fermes florales de leur région, afin d’obtenir des fleurs saines, de saison et qui n’ont pas traversé la planète”, énumère le référent de la FFAF dans la région.

Règlementation stricte

Si la FFAF communique sa volonté de réorganiser ses méthodes, son représentant aquitain espère plus d’exigence. “Il faut que nos fournisseurs et les fermes florales soient plus transparents sur les pesticides qu’ils emploient et qu’une loi européenne soit appliquée, comme pour l’agro-alimentaire”, lance Damien Thuaud.

Réaliste, le fleuriste bordelais anticipe déjà des blocages de la part des lobbyistes."On sait que des grands groupes ont construit leur modèle là-dessus”, reconnait-il, même s’il confie ne connaître “aucun groupe français”. “Ce sont plutôt des groupes néerlandais, leaders sur le marché de la fleur depuis des années”. 

La commission européenne a cependant annoncé avoir ‘“lancé une étude pour dresser un état des lieux de la situation en Europe”. Une attente forte des professionnels qui espèrent un changement pour ne plus avoir à choisir entre leur métier, souvent vocation, et leur santé.

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