Famille et confinement : "Il faut partager de façon authentique ses émotions avec son enfant"

Unies, séparées ou recomposées, les familles ont dû, en quelques jours, réorganiser le quotidien. Et ce, pour un provisoire qui pourrait durer plus que prévu. Des spécialistes, le Dr Xavier Pommereau et Laurence Renaud, nous donnent quelques clés pour surmonter, ensemble, ce confinement.

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Pour tous, il s'agit donc de respecter les mesures de confinement sanitaires pour un temps incertain, avec plus ou moins d'interactions avec l'extérieur. 
Ces contraintes, interdictions, ces obligations ou non professionnelles, ces incertitudes sur l'approvisionnement alimentaire, les ressources financières... autant de questions qui occupent les esprits des adultes, des parents.
Sans compter la soudaineté avec laquelle chacun a dû intégrer le changement : le confinement d'un maximum d'entre nous pour lutter efficacement contre la propagation du virus.

L'angoisse du confinement avec ses parents pour les ados

Xavier Pommereau, psychiatre spécialiste des problématiques de l'adolescent, est lui-même aussi très sollicité en ce moment. La situation est difficile pour certains :

Ils manquent de contacts avec l'extérieur ! 

Et depuis ces quelques jours, de nouvelles urgences se présentent à lui :

Des adolescents qui ne sont pas mes patients, qui vont très mal et ont trouvé à me joindre : une qui s'est échappée de chez elle par la fenêtre, en manque de cannabis, et qui ne supportait plus d'être coincée avec sa famille. Un garçon aussi, pareil, en fugue et en manque...

Ces jeunes ont su trouver quelqu'un, aujourd'hui, pour les écouter mais le praticien s'agace sur le fait que la profession, "les psys à l'ancienne", ne sait pas se mettre à leur portée :

Il faut absolument que les psys, les éducateurs aient cette ouverture numérique.
Avec des téléconsultations (via skype, facetime etc...) Les gens doivent s'équiper !

Je suis une jeune fille psychologiquement qui a, par ailleurs, des problèmes médicaux, de diabète... Elle paniquait de ne pas pouvoir VOIR son médecin qui lui proposait une consultation au téléphone...
Ils ne comprennent pas, ces jeunes sont nés avec le numérique !

Des rythmes même pour les ados

Le Docteur Pommereau a l'expérience de la relation auprès des adolescents, ceux qui vont mal mais aussi les autres. Il ne faut pas, en ces temps de confinement, les laisser se laisser vivre.
Comme pour le reste de la famille, le respect d'un rythme de travail et de vie de famille est salutaire.
Et le médecin de rappeler que dans les cas de prises d'otages de longue durée, certains s'étaient d'instinct organisés un rituel de journée type pour ne pas sombrer dans la dépression... "même si on en est pas là, plaisante-t-il...
  • Le lever ne doit pas se faire plus tard que 9 h. Et il faut ensuite " se préparer" pour la journée. 

C'est à dire s'habiller! Pas question de rester en pyjama. Le pyjama, c'est quand on est malade. Leur dire qu'il s'agit de ne pas donner l'image de quelqu'un d'avachi, qui se laisserait aller.

  • 2 heures de travail scolaire
  • un peu d'exercice, prendre l'air, si on le peut dehors
  • le repas. " Et ce n'est pas que Maman qui fait le repas ". Ils peuvent aider et " ainsi être acteurs " de ce moment de repas
  • le médecin conseille aussi de tenter la "microsieste" qu'il pratique lui-même "notamment quand on fait de la voile et qu'on assure le quart".
  • Il s'agit selon lui de fermer les yeux et visualiser le cadran d'une horloge. " Visualiser 20 minutes, une demi-heure. Au début, on n'y arrive pas toujours, mais après c'est bien". Quoi qu'il en soit, c'est toujours un temps calme sans sollicitation.
  • Encore 2 h de temps scolaire
  • Et après STOP : il pense que ce temps de 16-17 h est idéal pour un temps récréatif, si possible collectif, pourquoi pas sportif (avec des coachs connectés ?)
  • un temps libre ensuite pour chacun, seul ou avec les autres et pourquoi pas les écrans. Il conseille aussi aux adolescents de créer des tutos : " je sais faire la tartiflette, je montre à mes copains comment je fais "... Une façon de valoriser les savoir-faires de chacun et aussi de partager avec les autres
  • le repas où une fois encore les jeunes peuvent être acteurs. Pourquoi ne pas leur confier un repas : ils s'essaient à préparer avec quelques ingédients du frigo.
  • le temps libre où chacun fait ce qu'il veut.
Et Xavier Pommereau de rappeler que les repas doivent au moins faire en une demi-heure, une heure.
Cela doit rester un moment de plaisir, de partage, pour que la satiété opère. Des repas qui, au cours de ce confinement, rythment nos journées et sont l'occasion de rassembler, face à face les membres de la famille, qui parfois se croisent, dans nos espaces de vie pourtant réduits.

Des conseils aux parents/enfants via Facebook

 

 

"Pour qu'un enfant grandisse, il faut qu'il se sente en sécurité."

Pour les parents, il existe cette peur que l'un des siens ou soi-même tombe malade... avec la potentialité, de quelques pourcents mais elle existe, d'une hospitalisation voire d'un décès. Une inquiétude qui parfois transparaît dans leurs comportements, leurs discussions et peut chez certains créer une ambiance particulière.

Laurence Renaud est coordinatrice à l'institut de la parentalité de Floirac. Une structure composée d'une trentaine de professionnels qui interagissent auprès des familles pour répondre aux questions et nourrir une réflexion sur la relation parents-enfants. L'institut propose sur sont site une permanence téléphonique. Il est en train de mettre en place la tenue de séances de téléconsultations, pour répondre et venir en aide aux familles notamment dans ce contexte de confinement.

Une démarche qui s'appuie sur la théorie de l'attachement qui explique que pour qu'un enfant grandisse, il faut qu'il se sente en sécurité.

Une notion qui prend tout son sens en ces temps de "menace" du virus, de rapprochement des famille dans un même espace dans un contexte qui peut déstabiliser même les adultes.

Pour chaque parent, il y a en plus du confinement un degré d'insécurité, une peur éventuelle ressentie par l'adulte. Un climat d'inquiétude. Et l'enfant le sent.
Il faut que les parents, même sans le vouloir, ne s'imaginent pas que tant que je ne dis rien, l'enfant ne perçoit pas cela, "faire comme si tout était comme d'habitude"...

Si on ne met pas des mots, ces émotions seront perturbatrices pour l'enfant.

 

Comment dire qu'on a peur ?


Selon le Docteur Renaud, il faut " donner une explication à son enfant et partager de façon authentique avec son enfant, avec des mots qu'il comprend, sans en rajouter.
Ne pas dire "en tout cas moi je n'ai pas peur" si ce n'est pas la réalité. La première étape pour réguler une émotion c'est de la reconnaître."

Il faut que l'enfant puisse trouver dans cette explication, une adéquation avec ce qu'il perçoit chez vous, à travers l'ambiance de la maisonnée.

Nous, pour les jeunes enfants, on partage beaucoup en ce moment l'histoire de "Coco, le virus" (de Marguerite et Paul Livron).
Donner un mot, un nom à ce qu'on redoute est important aussi pour les plus jeunes car il faut se protéger de ce "Coco" et entrer dans notre "Cocon-finement"... Comme les chenilles, quand  ce sera le moment, ça nous permettra, ensuite, de nous envoler tels les papillons... Mais aussi affronter la peur, quand la Tatie qui est docteur a contracté Coco le virus..
 

Organiser la journée de chacun

Aussi, organiser la journée, pour les parents comme les enfants d'ailleurs, permettrait de "contenir l'angoisse", si certains la ressentent. Déterminer des moment de préparation (toilette, habillage) puis de classe/devoirs, de repas, de temps libre. Le tout dans un espace dédié. Expliquer quand c'est tel parent qui télétravaille, peut-être l'autre aide à la classe (quand c'est possible) et inversement, et si possible dans des espaces dédiés.

Et si le lieu de confinement est réduit, il faut d'autant plus prendre soin de ranger la table de la salle à manger qui sera à la fois l'espace des devoirs, mais aussi du télétravail...

Et les adolescents ? 

Il est parfois complexe pour les parents de savoir comment ils "gèrent" cette période atypique. Certains échangent sur les réseaux sociaux, relaient les infos comme les infox.
Et pour ceux qui s'expriment, ils jouent avec des posts d'humour noir et d'expressions cyniques du type : "on va tous mourir..." avec un sourire en coin. On sait jamais, si on les avait pris au sérieux...

L'humour est vitale, aussi chez les ados. Cela permet de transformer cette angoisse.
Il faut aussi limiter ce temps d'alimentation des news. Ne pas les laisser connectés en continu. En expliquant. Essayer de les faire partager leurs émotions, leur ressenti.
Savoir aussi décoder cette émotion, des symptômes : des maux de ventre, de tête, s'ils restent toute la journée au lit...

Une drôle de période qui laissera des traces et des souvenirs ancrés chez beaucoup au vu de la durée du confinement. 

 

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