Les gilets jaunes font leur retour en Aquitaine : « la Covid a mis en lumière toutes ces inégalités »

Samedi 12 septembre, des manifestations sont prévues un peu partout en France et dans la région. Quelle sera l’ampleur de cette remobilisation à l'appel des Gilets Jaunes en pleine crise sanitaire ? « Il va y avoir du monde », annonce une manifestante.
 

Bordeaux Bayonne, Périgueux, un peu partout en Aquitaine des manifestations sont prévues samedi 12 septembre. Marqueront-elles un retour en force des gilets jaunes ? Né en novembre 2018, que reste-t-il aujourd’hui de ce mouvement ? Quelle incidence a la crise du coronavirus sur l’état d’esprit des manifestants et leur volonté de descendre à nouveau dans la rue ?

Différents points de rassemblement

Certains feront probablement le déplacement jusqu’à Paris où une manifestation est prévue aux Champs Elysées. Parallèlement, la mobilisation s’organise en province. Voici un aperçu des mobilisations prévues, la liste n’étant pas exhaustive.

À Bordeaux, le rendez-vous est donné à 14 heures place de la Bourse. Un parcours a été déposé par « les Gilets Jaunes Pacifiques » auprès de la préfecture de la Gironde qui n’a pas interdit la manifestation. Le cortège passera rue Esprit des lois, au Grand Théâtre, place Tourny, cours Clemenceau, place Gambetta, cours d’Albret, place de la République, cours Victor Hugo, porte de Bourgogne avant un retour place de la Bourse.
 « Je pense qu’aujourd’hui il y a 200 personnes très actives au sein des gilets jaunes de Bordeaux et aux alentours, et sont 800 mobilisables sur la Gironde », annonce Laetitia qui sera présente.

La préfecture, de son côté, annonce que le dispositif de sécurité a été adapté sans donner plus de détails. Elle rappelle que, selon les dispositions prises par décret pour toute manifestation sur la voie publique, les participants devront porter un masque et respecter la distanciation sociale et gestes barrières.

Même consigne pour tous les regroupements de plus de 10 personnes ailleurs dans la région. À Périgueux, un rassemblement est prévu entre 9h30 et 12h à l’arbre de la Liberté, place André Maurois. « Se tiendra un espace d’échanges et de réflexions entre Citoyennes et Citoyens responsables et éveillés qui souhaitent partager des idées, des propositions, des solutions sur différents thèmes autour de tables communicantes (RIC, démocratie participative, environnement, justice fiscale et sociale, gestion des déchets, gestion de l’eau, monnaies locales, monnaies libres et autres projets. S’en suivra un pique-nique sous la forme d’auberge espagnole », annoncent les gilets jaunes de la Dordogne.
Au Pays basque, une manifestation est prévue à 11 heures au rond-point du pont rouge à Bayonne.
Dans les Landes un rendez-vous a été lancé sur les réseaux sociaux à Saint-Pierre-du-Mont de 10 heures à 21 heures au rond-point de Coumassotte.
Dans le Lot-et-Garonne, à Marmande, un rendez-vous est donné à 11 heures sur le parking en face du cinéma Le Plazza.

 « Le 12 septembre, ça va être crucial pour la suite »

Quelle sera l’ampleur de la mobilisation ? C’est toute la question. Une interrogation que partagent aussi bien les pouvoirs publics que les manifestants eux-mêmes.
Mouvement des Gilets jaunes, manifestation contre la réforme des retraites, crise sanitaire du coronavirus et aujourd’hui crise économique. Le pays traverse un moment crucial politiquement et économiquement. Ces manifestations seront sûrement le baromètre d’une défiance partagée par certains Français. Elles permettront de savoir si la crise sanitaire a amplifié cette défiance.

Dans les rues ou sur les ronds-points, les « troupes » ont-elles le même visage aujourd’hui ?  Les Gilets Jaunes comptent-ils de nouveaux adeptes ou le mouvement est-il en train de s’éteindre ? « Réponse après le 12 sept, ça va être assez crucial », annonce Stéphane Gonzalez, habitué du rond-point de Marcheprime et qui sera à Bordeaux Samedi. « Entre les licenciements, le chômage qui va grimper, la crise… On est très en contact avec les syndicats, donc à voir… ». Les temps ont changé. « Au départ, nous les gilets jaunes, on ne voulait pas être récupéré à profit par les syndicats. Ils ont essayé de récupérer le mouvement, ils n’ont pas réussi et ils se sont aperçus que de travailler ensemble, c’est mieux. Donc avec le temps, on a réussi à fusionner ». Est-ce qu’ils se sentent plus fort ? « Ce n’est pas une question d’être fort, mais plus nombreux et peut- être mieux entendu. On sera fort quand tous les gens en colère seront dans la rue. Mais tant que les gens arrivent à se nourrir et partir en vacances, la mobilisation n’est pas aussi importante qu’on le souhaiterait ».

« J’observe une vraie ouverture des consciences »

La dernière manifestation déclarée des gilets jaunes dans la capitale girondine remonte au 6 mars dernier. Presque une éternité. Laetitia* a suivi le mouvement dès sa naissance et samedi, la Girondine se rendra place de la Bourse. « Je vais y aller, je ne suis pas une revendicative, mais il y a des choses qui dérangent », explique celle qui se décrit comme une CSP +. « Moi, je suis pour l'idée d’une fédération sur des troupes possibles et mobilisable, pour l’idée de se rencontrer. J’observe une vraie ouverture des consciences, une ouverture de clairvoyance. Il y a de la colère ambiante, avec toute la manipulation politique et médiatique. Les revendications sont les mêmes (meilleure justice sociale et fiscale, écologie etc.). La pyramide sociale est devenue anormale, et elle n’est plus tolérable, même avec le confinement, ce sont toujours les mêmes qui s’en sortent ».

« Le coronavirus a mis en lumière toutes ces inégalités »

Qu’est ce qui a changé depuis la crise de la Covid-19 dans ce mouvement des gilets jaunes ? « On continue à presser en bas, et en haut il y a toujours les mêmes qui s‘en sortent », poursuit Laetitia. « Il faut penser autrement et instituer une nouvelle réflexion. Le coronavirus a mis en lumière toutes ces inégalités et aberrations. Il ne s’agit pas de remettre en cause tout un système et de mettre tout le monde pareil sans différences salariales, ce n’est pas ça. C’est plus les aberrations avec la jeunesse qui se retrouve dans une merde inextricable et la covid l’a mis en lumière. Il faut remettre les choses à leur place ».

Sandra vit dans les Landes avec deux de ses fils âgés de 15 ans et 19 ans. Elle travaille comme femme de ménage, et a dû arrêter de se rendre chez des particuliers durant le confinement. Alors elle est allée « donner un coup de main dans une maison de retraite ».
Des problèmes de santé, sans lien avec le coronavirus, l’ont obligée à se mettre en arrêt maladie. « Moi perso, je n’avais pas les moyens de faire du stock comme d’autres, quand y’a pas d’argent qui rentre, on ne peut pas faire autrement », se souvient-elle. « J’ai eu une prime qui m’est tombée du ciel, cent et quelques euros, mais pas sur le moment. « J’ai lâché prise pendant un temps car, sur Mont-de-Marsan, je ne voyais plus l’utilité mais là on a envie d’aller avec les copines crier à Bordeaux et même… j’irais bien à Paris !

Parce qu’avec la covid, ils nous ont complètement oubliés, ils n’en ont rien à cirer des gilets jaunes. Macron il fait semblant de nous entendre .

Sandra, habitante des Landes

Les associations en renfort ?

Laetitia battra le pavé bordelais pour montrer qu’il faut « réfléchir et voir un peu plus loin ». « C’est mon évaluation, mais je pense qu’il peut y avoir vraiment beaucoup de monde, car, depuis le confinement, des liens se sont créés notamment avec des associations liées au climat, aux pesticides ou encore aux personnes sans abri. Ils s’ouvrent sur le fait que c’est la structure globale qui est à revoir, et qu’il faut à un moment donné que tout le monde se mette autour de la table, d’autant que c’est mondial ».

Jackie est Périgourdine. Samedi, elle ne sera pas à Périgueux place André Maurois. Elle préfère « monter ». « Je trouve qu’il faut faire nombre, qu’il y ait un mouvement fort dans un endroit dédié ». D’une voix pleine d’entrain, elle nous fait un état des lieux du mouvement. « Il y a eu beaucoup plus de lanceurs d’alerte. Les gens se réveillent car ils sont pris dans leurs libertés personnelles. Maintenant, qu’est-ce que ça va donner sur le long cours ? On a de nouveaux adeptes, ils ne seront pas forcement gilets jaunes. Ce sont des gens qui parlent et s’ouvrent sans pour autant se revendiquer gilet jaune ».
Seront-ils dans la manifestation samedi ? « Oui c’est sûr », affirme Jackie, " Il y a des appels de plein d’associations sur les réseaux sociaux (« Le Jour se lève », « Les convergents », le collectif des boîtes de nuit, et des gens qui en ont marre de porter le masque. Après comment ça va se faire ? Je n’en sais rien ».

Les présidentielles en ligne de mire

Stéphane Gonzalez habite sur le bassin d’Arcachon. « Depuis que le gouvernement a tout fait pour nous chasser des ronds-points », le mouvement a pris une autre forme.
« Depuis, on a eu des cabanes dans terrains privés, il n’était donc pas possible de nous expulser, après, on a mis en place des réunions dans des lieux publics ». Les groupes d’Audenge, Marcheprime et Gujan-Mestras ont fusionné. « On a une réunion tous les 15 jours, la dernière en date était mardi dernier, on était une vingtaine », raconte Stéphane Gonzalez. « Personnellement, on a encore beaucoup de réunions et de préparation pour la suite des événements, c’est-à-dire les présidentielles. Beaucoup de groupes préparent un contre-pouvoir et veulent monter une liste pour les présidentielles. Je ne suis pas inscrit sur les listes car je n’ai pas assez de temps. Moi, je fais des réunions citoyennes pour voir comment relancer la mobilisation ralentie par le confinement ».

Ce week-end de mobilisation sera décisif pour la suite de ce mouvement inédit. Il sera également suivi de près par les pouvoirs publics. Car cette journée pourrait en dire beaucoup sur l'état de la contestation sociale et politique en France.
 
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