Gironde : quand des villes de gauche s’engagent auprès de SOS Méditerranée

Bordeaux, Bègles, et Floirac ont signé une charte d’adhésion à une plateforme participative pour aider l’association qui vient en aide aux migrants. Lancée en janvier, une soixantaine de collectivités y ont souscrit. 

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« Il y a certainement plus de collectivités de gauche mais nous essayons de voir au-delà », explique François Thomas, président de SOS Méditerranée.

Son nom est associé à un navire : l’Ocean Viking. SOS Méditerranée vient chaque année  en aide à des milliers de personnes tentant de rejoindre l’Europe depuis le continent africain. Depuis 2016, l’association a ainsi sauvé plus de 32 000 naufragés. Parfois, elle échoue. Il faut alors digérer. Les morts par centaines, et le silence, assourdissant. Ce fut le cas le 22 avril dernier. Alerté trop tard, l’Ocean Viking n’est pas arrivé à temps. « On était à dix heures de route », raconte François Thomas le président de SOS Méditerranée, «on a vu les corps qui flottaient ». Plus de 130 personnes sont mortes ce jour-là. « C’était terrible de voir cela en 2021. Le pape s’est prononcé".

Au-delà des considérations politiques, on appelle toutes les collectivités à se joindre à ce plaidoyer.

François Thomas, SOS Méditérranée

 

Des subventions pour SOS méditerrané...

Ce plaidoyer, c’est une charte lancée pour « formaliser une adhésion aux valeurs communes avec un certain nombre de conditions et un montant financier de soutien sans limite, c’est-à-dire qu’on accepte les gros montants bien sûr mais aussi les tous petits », sourit François Thomas. Des valeurs communes réunies autour d’un mot : la fraternité.
Lundi 3 mai, les Villes de Bordeaux Bègles et Floirac l’ont signée. «Pour nous c’est un droit inconditionnel, cela dépasse largement la sphère méditerranéenne », analyse Céline Papin, adjointe à la mairie de Bordeaux en charge de la coopération territoriale, européenne et internationale. « C’est une question d’humanité et de citoyenneté. Et ensuite, il faudra sensibiliser les Bordelais à la réalité des parcours migratoires dans un contexte de discours ambiant qui est axé sur la peur de l’autre ».

Une fois ce plaidoyer commun consolidé vient ensuite la participation financière. La ville de Floirac s’est engagée pour 2500 euros chaque année pendant trois ans. Bordeaux a proposé 5000 euros pour l’année 2021. « C’est une aide financière modeste de 5000 euros par an pour l’instant mais ensuite l’objectif est de décliner cela dans un partenariat avec des actions sur notre territoire », prévient Céline Papin.
Le montant sera voté en juin lors en conseil municipal. Pareil à Bègles où le montant n’a pas encore été voté mais c’est sur la base de 1000 euros que la mairie s’est positionnée. « C’est un premier pas, on essaie d'apporter notre goutte d’eau »,  résume Edwige Lucbernet, première adjointe à la mairie de Bégles.

C’est peu mais si toutes les communes de la Métropole le faisaient, cela ferait beaucoup d’argent.

Edwige Lucbernet

…. mais pour quelle politique localement ?

De petits montants, symboliques, et derrière des promesses. Celles de prendre le sujet à bras le corps sur le territoire girondin, là même « où l’Etat manque à ses responsabilités », dénonce Céline Papin.
A Bordeaux, l’élue s’engage « à mettre en place des projets de sensibilisation dans les groupes scolaires, ce que certains bénévoles font déjà, sur la réalité des raisons qui poussent certains à migrer ». « Et élargir à l’attention de certains agents de nos services comme le CCAS une meilleure connaissance de leurs parcours ».


Mais encore ? Quelles dispositions seraient prises directement en direction de ces hommes et ces femmes arrivés parfois avec leurs enfants sur la Métropole ? « Nous voulons leur donner l’accès à l’eau, à l’hygiène », annonce Céline Papin.  « Nous voulons les accompagner au mieux dans le cadre de nos compétences car cela reste une compétence de l’Etat. Dans le cadre du plan logement nous voulons agir dans plusieurs axes : inventorier ce qui est vacant et permette de mettre à l’abri un certain nombre de personnes. Nous avons déjà relogé une trentaine de familles comme cela. Après il faut aussi rénover, et programmer cela avec pour objectif que tout ce qui est vacant doit être réorienté vers un usage social notamment celui-là. Avec la Métropole, Bordeaux est aussi candidate pour un ETI, et on a identifié du foncier possible ». Un ETI est un Espace Temporaire d’Insertion.
La Ville de Bègles pourrait bien être la première à en mettre un en place en Gironde. « Le travail est déjà engagé », annonce Edwide Lucbernet. Cet espace devrait voir le jour en 2022. « Il a pour but d’intégrer les réfugiés et de les amener à devenir indépendants ». La Ville de Bègles met en avant tout le travail accompli ces dernières années sur le sujet.

On est la troisième commune en termes d’accueil. On inscrit au CCAS tous ceux qui sont sans domicile pour que les enfants soient scolarisés.

Edwige Lucbernet (Bègles)

 

A Floirac, la municipalité veut sensibiliser la jeunesse locale sur le sujet via les centres aérés, les écoles, lors de séjours en vacances mais aussi dans le cadre de la coopération mise en place avec Casablanca au Maroc et Diébougou au Burkina Faso. « Tout cela participe d’une même logique », explique Jean-Jacques Puyobrau maire socialiste de Floirac. « Nous étudierons au cas par cas les situations de ces jeunes pour voir comment les accompagner dans le volet éducatif, alimentaire via notre épicerie solidaire. Pour le volet professionnel c’est plus compliqué mais on pourra faire du cas par cas ».

Une soixantaine de collectivités déjà sur la plateforme

Jusqu'à présent, l’essentiel des dons à SOS Méditerranée venaient du privé. « 90 % des fonds collectés sont privés », explique François Thomas. « Il y a quelques entreprises mais surtout des personnes, quelques mécènes, des partenaires aussi. Mais ce sont essentiellement des dizaines de milliers de citoyens européens ». SOS Méditerranée possède en effet une antenne en Allemagne et en Italie. « Notre budget pour les opérations de sauvetage est de plus de 8 millions d'euros. Cela comprend notamment l’affrètement, le fioul, les  équipes médicales, etc. Nous avons internalisé la partie médicale à bord. Nous avons aussi des opérations à terre. Et nous avons besoin de fonds », dit-il. Cette plateforme destinée aux collectivités a donc été lancée en janvier dernier. Et déjà une soixantaine y a souscrit. Parmi elles : la région Occitanie (PS), le département de la Loire-Atlantique (PS), la Ville de Lyon mais aussi de petits villages. A titre d’exemple la ville de Lyon (EELV-PS-PCF-LFI) a fait un chèque de 28 000 euros cette année. La Loire-Atlantique a versé 250 000 euros, et Paris 100 000 euros. On est loin des montants girondins. Mais le président de SOS Méditerranée ne veut pas parler de montants symboliques. « Ce n’est pas symbolique, c’est important", dit-il. "C’est une devise de la République : la fraternité. C’est plus que symbole. Et on a aussi besoin de fonds complémentaires même si nous serons loin du chiffre des  fonds privés ».

« Il y a certainement plus de collectivités de gauche »

A Floirac, le montant de cette participation financière a été voté il y a plus d’un mois en conseil municipal. Un conseiller municipal frontiste a voté contre cette subvention de 2500 euros par an. « La droite républicaine s’est abstenue », précise Jean-Jacques Puyaubrau, « mais ma majorité de gauche m’a largement suivi, sans aucune résistance ». Tous font le même constat. « Davantage de collectivités de gauche ou écologistes », souscrivent à cette plateforme. « Car cela fait appel aux valeurs que porte la gauche,  l’humanisme et la solidarité », analyse Jean-Jacques Puyaubrau. « Les valeurs de droite ne sont pas inhumaines bien sûr, mais à regarder le profil des villes candidates, elles sont plutôt des villes de gauche, mais pas exclusivement ».

« Il y a collectivités dirigées par des « sans étiquette », dit gêné François Thomas de SOS Méditérannée. « Il y a certainement plus de collectivités de gauche mais nous essayons de voir au-delà, nous avons des échanges avec d’autres collectivités du centre ou de la droite ».

A la base SOS Méditerrannée est transpartisane, mais de fait ce ne sont que des collectivités de gauche qui suivent.

Céline Papin

« Il y a une crainte de perdre une base électorale", analyse Céline Papin. "Ils sont enfermés dans le discours de l’appel d’air alors que tous les chiffres l’ont démontré, la problématique est là et elle va être de plus en plus significative. Jusque-là  les associations étaient seules, ou les collectivités étaient présentes si elles étaient en première ligne comme dans une ville portuaire par exemple. Mais là on est tous concernés, avec une grande détresse qui nous nous interpelle en tant qu’élus locaux pour garder de l’humanité et trouver des réponses et interpeller l’Etat sur l’exercice de sa compétence ».

Sur la Métropole, les lignes bougent depuis les dernières élections municipales. « Moi par exemple sur ma délégation je travaille en transversalité avec élus de la Métropole ce que je ne faisais pas avant », constate Edwige Lucbernet à Bègles. L’immigration, un thème de plus en plus associé à celui de la sécurité depuis quelques années. « C’est de plus en plus compliqué à l’approche des élections », reconnaît le maire de Floirac. « C’est pas simple, le pays a des difficultés, 10% de chômeurs, une extrême précarité. Mais nous devons quand même regarder ailleurs. Un système de protection sociale existe, c’est notre pacte républicain, et nous avons les moyens. Nous sommes la 5e ou 6e puissance économique mondiale. Nous avons les moyens, sans priver qui que ce soit de ses droits ici en France. On n’enlève rien à personne, aucun droit. Et au contraire, via ce type d’association on retrouve de l’humanité à des moments où nous perdons un peu de notre humanité ».

« C’est un sujet qui est récupéré politiquement et qui ne devrait pas l’être ».

François Thomas (SOS Méditérrannée)

Une politisation du sujet que regrette le président de SOS Méditerranée. « On mélange tout », dit-il,  « Nous sommes là car on sait qu’il y a des naufragés et que l’Europe n’a pas mis les moyens. Ces personnes sont des rescapés, après, leur statut c’est autre chose. Ce sont des personnes avant tout. Il ne faut pas mélanger tous les débats sur les sujets de l’immigration. Notre plaidoyer c’est ça : il ne faut pas tout mélanger, c’est un devoir d’humanité ». Depuis 2014, plus de 22 000 personnes auraient perdu la vie en Méditerranée. Un chiffre largement sous-estimé, selon l’association.

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