A l'aide. De nombreux viticulteurs de Gironde ont perdu tout ou partie de leur vignoble, lors du passage de la grêle lundi 20 juin. Environ 10% du vignoble bordelais est victime de cet événement climatique sévère, à des degrés divers. Désarroi et lassitude l'emportent.
Ce ne sont pas les grands châteaux qui ont souffert, ceux qui ont les reins plus solides et de la trésorerie. Non, pour beaucoup, ce sont des exploitants plus modestes qui se sont trouvés sur les couloirs de grêle, la vigne hachée menu en quelques minutes.
Des mois, des années de travail à terre. Et une récolte qui pour certains sera nulle à l'image de Marie-Caroline Rozier dans le Blayais. Le château des Arras à Saint-Gervais a été touché de plein fouet. De façon aléatoire, au nord de Bordeaux, du Médoc à la rive en face, la grêle a tapé.
C'est 100 % de la récolte qui est perdue, ça ne sert à rien de ramasser.
Marie-Caroline Rozier - Château des Arras à Saint-Gervais -Source : France 3 Aquitaine
Le constat est redoutable, au fur et à mesure des remontées du terrain.
Aux côtés des viticulteurs, Pierre Abadie de la chambre d'Agriculture de la Gironde, affine chaque jour l'importance des dégâts et des besoins qui se font jour. "Vu l'ampleur des deux orages de lundi, les 10 000 hectares, ils y sont, avec au moins 30 % de perte." Cela représente presque 10 % de la surface du vignoble bordelais. Enorme.
Et pour qualifier l'état d'esprit des professionnels avec qui lui et ses équipes sont en contact depuis lundi, il répète un mot : "Désarroi, Désarroi."
Désarroi, il se trouve que ces orages font ressortir un désarroi qui est latent par rapport à la conjoncture économique qui dure depuis plusieurs années.
Philippe Abadie - Directeur du pôle entreprise, formation - Chambre d'agriculture de la GirondeSource France 3 Aquitaine WEB
Les viticulteurs sont encore en train de déblayer les vignes, quatre jours après le passage de cette colère démente du ciel. La chambre d'Agriculture lance ce jour une enquête en ligne pour recenser les dégâts.
Des sinistres à répétition
Après le gel au printemps, les épisodes de grêle se succèdent : début juin dans le pays Foyen, le 20 juin dans le Médoc, le Blayais, le pays de Coutras.
Dans les secteurs qui sont régulièrement touchés comme dans le Blayais au nord de Bordeaux et en remontant le long de l'estuaire, la lassitude et le découragement gagnent du terrain. Le moral fléchit. Ce n'est pas un mouvement massif mais c'est un mouvement que le monde de la vigne ne connaissait pas.
On a ça dans des secteurs sinistrés chaque année, on a ce genre de situation, des gens qui nous disent on arrête. Ou des jeunes installés qui disent au bout de dix ans, j'arrête. Je baisse les bras.
Philippe Abadie - directeur du pôle entreprise, formation - chambre d'agriculture de la GirondeSource France 3 Aquitaine Web
"C'est un signal faible en termes de nombre mais qui est révélateur d'un certain esprit."
Appels à l'aide
Marie-Caroline Rozier, a réuni ce vendredi 24 juin des viticulteurs de son secteur près de Saint-André de Cubzac. " Nous sommes solidaires" dit-elle devant un parterre d'élus, donc la nouvelle députée RN du Blayais, Edwige Diaz.
Ils sont désemparés pour certains. " On fait crever tout le monde" dit l'un d'entre eux qui exprime la colère des autres. " Les vignes, c'est 2026 que ça reprendra." Avant, ce seront des buissons, mais pas de production de raisins, du moins il en doute.
Eux n'ont pas l'habitude de se manifester, de sortir de chez eux pour réclamer. Ce n'est pas dans leur nature. " On courbe le dos, on serre les dents, et on y retourne" témoigne Émilie Contiero, viticultrice. Elle est soulagée cette fois-ci que la parole sorte. Mais là, ils appellent à l'aide : "Il me reste 9 000 litres à vendre dans mon chai" continue Marie-Caroline Rozier à la tête du château des Arras. " Je ne pense pas avoir une récolte d'avance."
Car le coup dur, financier, viendra aussi plus tard. A l'automne, au moment des vendanges, certains n'auront rien. Pas de bouteilles à vendre, pas de ressources. En moyenne, ils ont environ deux ans de réserve. Ca dépend des exploitations. Mais après ?
Pas d'assurance mais des frais supplémentaires
La plupart ne sont pas assurés. Trop cher et l'indemnisation n'est pas à la hauteur quand elle se base sur les années précédentes, qui ont déjà été faibles.
Et les frais supplémentaires sont également pour les mois à venir. Quand viendra le temps de la taille, il faudra beaucoup plus de temps pour choisir les bois à conserver, ceux à enlever. " On estime que c'est 30 % de temps en plus" précise Philippe Abadie de la chambre d'agriculture. Et le temps c'est de l'argent, donc un coût supplémentaire pour le viticulteur. ,
Pour autant, le vin ne devrait pas venir à manquer de si tôt. "Les stocks sont importants dans le Bordelais", assure Philippe Abadie. Il y a peu, on évoquait la mévente et les représentants professionnels du CIVB demandaient de lancer une grande campagne d'arrachage des vignes. Ils réclamaient qu'elle soit indemnisée.
Les intempéries ont mis à terre une partie de ces vignes depuis le début de l'année.