Guerre en Ukraine. “On s’est fait réveiller par deux grandes explosions” : Evgenia, expatriée à Bordeaux depuis 13 ans, témoigne sur place

Ce jeudi 24 février marque le début des opérations militaires de la Russie sur le territoire ukrainien. À Kharkiv, la deuxième ville d’Ukraine, Evgenia s’est fait réveiller au son des bombes. Cette Ukrainienne qui vit à Bordeaux (Gironde) depuis 13 ans est retournée auprès de son père il y a deux semaines. Elle témoigne.

C’est une date qu’elle n’oubliera pas. Ce jeudi 24 février 2022, Evgenia, 35 ans, s’est réveillée dans un pays en guerre. Dans la nuit, la Russie a lancé une vaste opération militaire contre l'Ukraine, lancée par le président russe Vladimir Poutine.

Contactée quelques minutes sur Skype par France 3 Aquitaine, Evgenia est actuellement à Kharkiv, la deuxième ville d’Ukraine, qui se trouve à 25 kilomètres de la frontière russe. “Nous sommes garés près des abris anti-bombardement pour être prêts à rentrer à tout moment.”

La jeune femme a du mal à cacher son émotion. Elle raconte : “On s’est fait réveiller vers cinq heures du matin par deux grandes explosions. Deux bases militaires ont été détruites. Il y a des tirs près de la frontière, on a entendu des échos toute la matinée.” Cet après-midi, les tirs se sont calmés, selon la jeune femme. ”On a peur que cela recommence cette nuit, quand les gens seront épuisés.”

“On espérait que ça allait pouvoir s’arranger” 

Depuis 13 ans, la jeune femme habite à Bordeaux (Gironde). Elle y a fait ses études et travaille désormais dans une usine de légumes surgelés dans les Landes, où elle est responsable logistique. Le 11 février 2022, Evgenia rejoint son père. “J’ai posé des vacances pour venir le voir, je sentais que la situation était tendue”, témoigne-t-elle. “On est en guerre depuis huit ans, on espérait que ça allait pouvoir s’arranger.” 

Aujourd’hui, Evgenia n’a plus autant d’espoir. “Je ressens beaucoup d’inquiétude et de haine”, livre-t-elle, la voix tremblante. “Les gens sont en panique totale. Ce n’est pas le scénario que l’on voulait voir.”

Accompagnée de ses deux cousins, la jeune femme suit l’évolution de la situation sur les réseaux sociaux et sur le site de l’armée ukrainienne. “Le maire de Kharkiv a fait passer un message à la radio ce matin pour nous dire de descendre dans les abris anti-bombardements”, précise-t-elle. “Mais dans les sous-sols, il fait froid donc on se réchauffe dans la voiture et on charge un peu nos téléphones.”

“J’ai essayé de l’alerter”

En France, son amie Oleksandra Sergeieva s’inquiète. “J’ai essayé de l’alerter et de lui dire de rentrer”, assure la jeune femme. Mercredi 23 février, la France appelait les ressortissants français à “quitter sans délai” l’Ukraine. Mais les consignes ont changé : ils sont désormais appelés à “rester à l’abri”, indique l’ambassade.

“Elle a voulu rester sur place… Maintenant elle est bloquée”. Oleksandra Sergeieva vit et travaille à Bordeaux depuis 14 ans. Présidente de l’association Ukraine Amitié, elle était à l’origine du rassemblement en soutien aux Ukrainiens à Bordeaux du 19 février dernier.

Toute sa famille est à Poltava, une ville à 300 kilomètres de la capitale, à l’est du pays. Ils ont quitté la ville il y a deux semaines vers l’ouest du pays, où ils ont loué une maison. “Je les ai suppliés de partir parce que je sentais que la situation pouvait évoluer très vite”, explique-t-elle. “Je ne me suis pas trompée.”

Pour ma famille, c’est un choc. Ils ont tout abandonné.

Oleksandra Sergeieva, présidente de l’association Ukraine Amitié

Ce jeudi 24 février, sa famille était en route, direction la Pologne. “Quand je les ai eus au téléphone cet après-midi, ils étaient à deux kilomètres de la frontière, ils étaient dans les bouchons”, raconte-t-elle. Sa sœur travaille pour une société polonaise et a un pied-à-terre en Pologne. “Là-bas, ils devraient être à l’abri”, espère Oleksandra Sergeieva. Son père, lui, n’a pas pu quitter la ville. “Malheureusement, son état de santé ne le permet pas”.

“Poutine est quelqu’un qui est capable de tout”

A plus de 3.000 kilomètres de son pays d’origine, Oleksandra Sergeiva n’est pas rassurée. “Poutine est quelqu’un qui est capable de tout. On l’a vu, il faut que l’on prenne conscience de ce qu’il a fait par le passé”, analyse-t-elle. “Poutine a réussi à faire croire aux Russes que les Ukrainiens sont des ennemis. L’Europe n’ a pas assez pris au sérieux cette propagande, ses mensonges. Et on en paye le prix. Cela va être un carnage total. Déjà, il va éliminer le pouvoir en place en Ukraine. Et tous ceux qui protestent, qui ne sont pas du même avis vont avoir le même sort.”

Bloquée en Ukraine, son amie Evgenia espère, elle, “que les gens responsables de cette situation seront punis. Je veux surtout voir tout le monde sain et sauf.” L'association Ukraine Amitié a organisé un rassemblement spontané ce jeudi 24 février vers 16h. Une autre manifestation de soutien est organisée le 26 février à 15 heures, place de la Victoire à Bordeaux. Selon le consulat honoraire d'Ukraine en Aquitaine, près de 10.000 Ukrainiens vivent en Nouvelle-Aquitaine.

Regardez le reportage de Gilles Coulon, Pascal Lecuyer et Thibault Grouhel

durée de la vidéo : 00h01mn47s
Plus les heures passent et plus la situation devient critique en Ukraine : pas de quoi rassurer les quelque 10.000 ressortissants ukrainiens de Nouvelle-Aquitaine. Témoignages. ©France Télévisions

CARTE. Kharkiv (Ukraine)

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