Bohdan Bilot est le président de l'Union des Ukrainiens de France. Depuis Chartres, où il réside, il appelle l'Europe et les États-Unis à montrer les dents à la Russie, après la déclaration de guerre de ce jeudi 24 février.
"Vers 1995, l'ambassadeur d'Ukraine en France m'avait dit que la Russie allait nous déclarer la guerre un jour ou l'autre, et qu'on ne pourrait pas l'éviter. À l'époque, je me suis dit qu'il exagérait, et petit à petit j'ai réalisé qu'il avait raison." Bohdan Bilot est le président de l'Union des Ukrainiens de France (Uduf), une association "plus à but politique que caritatif", visant à "faire connaître l'Ukraine et notre point de vue". Ce jeudi 24 février 2022, il a appris "au saut du lit" l'attaque russe. Une guerre qui est, pour lui, "une profonde déception, mais pas vraiment une surprise".
Résident de Chartres, en Eure-et-Loir, Bohdan Bilot est né en Allemagne de parents ukrainiens "déportés pendant la guerre pour y devenir des esclaves". Élevé dans la langue ukrainienne par ses parents, il garde de la famille en Ukraine, du côté de Lviv et Ternopil, plus proche de la Pologne que de la Russie et de la Biélorussie. Au téléphone hier soir, ils lui garantissaient "qu'ils allaient combattre, qu'ils ne se laisseraient pas faire".
La fuite des civils
Mais aujourd'hui, "la situation a changé avec la concrétisation de l'attaque". Submergé de nouvelles de l'Ukraine et de demandes d'interviews, Bohdan Bilot assure que "les gens fuient les villes, et pas seulement celles près de la Russie, mais de tous les centres urbains, vers les campagnes".
Ainsi, "beaucoup de gens partent déjà vers la Pologne", dont le vice-ministre de l'Intérieur, Maciej Wasik, a affirmé préparer le pays à accueillir un millions de réfugiés ukrainiens. "Mais ça, c'est pour les gens prêts de la frontière à l'Ouest, ceux d'Ukraine orientale et centrale, où voulez-vous qu'ils aillent ? s'interroge Bohdan Bilot. Eh bien ils vont à la campagne."
Car, si une bonne partie des observateurs s'attendaient à la guerre, peu ont anticipé une percée vers la capitale Kiev, ce qu'on accompli les forces russes depuis la Biélorussie proche au nord. "Je ne l'ai pas vu venir, et je n'ai pas à en rougir, peu de monde l'a vu venir, concède Bohdan Bilot. Je pensais que Poutine se contenterait [des régions séparatistes] et d'une bande le long de la mer d'Azov par Marioupol et vers la Crimée."
S'attendre à tout
Finalement les forces russes sont entrées dans presque toutes les régions frontalières de la Russie et de la Biélorussie, bombardant des positions militaires ukrainiennes éloignées des frontières.
Et le président de l'Uduf dit "ne pas croire" à la promesse faite par la Russie de ne pas cibler les civils, alors que des bombardements ont déjà touché des quartiers résidentiels, à Tchougouïv par exemple, une ville de l'est de l'Ukraine. "Il faut s'attendre à tout de la part de Poutine, les Occidentaux oublient que c'est ancien colonel du KGB, que la fourberie est une qualité pour lui", assène Bohdan Bilot :
Poutine est un authentique fasciste russe qui ira très loin si on ne l'arrête pas, même jusqu'à Brest.
Bohdan Bilot, président de l'Union des Ukrainiens de France
Pour le chartrain, "Vladimir Poutine s'arrêtera là où le monde occidental l'arrêtera". Et pour le moment, il estime que la réponse des États-Unis et de l'Union européenne "n'a été que de la mollesse", alors que l'invasion prend place à 2 000 kilomètres de Paris.
"Une solidarité entre tous"
Il engage aujourd'hui l'Otan à "montrer les dents", "que l'on prenne des sanctions et qu'on arrête de tergiverser". Des exemples ? "Que l'Allemagne stoppe son partenariat économique privilégié avec la Russie, mais c'est pas gagné", ou encore que "l'on n'accorde plus de visas aux citoyens russes". Malgré cela, "quand on a un président américain qui dit qu'il ne mettra pas un soldat en Ukraine, Poutine sait qu'il a le champ libre". Sans réponse forte pour arrêter l'avancée russe, Bohdan Bilot craint que "dans deux ou trois jours, la cause sera totalement perdue".
En attendant de savoir quel sort la Russie réserve à l'Ukraine, l'Union des Ukrainiens de France a appelé à plusieurs rassemblements en faveur de la souveraineté du pays et du départ des troupes russes. À Tours, EELV a appelé à une manifestation à 19h devant l'hôtel de ville.
Pour Bohdan Bilot, le seul succès de Vladimir Poutine, c'est d'avoir "entraîné une solidarité entre tous les Ukrainiens contre la Russie, qu'ils soient ukrainophones ou russophones, et notamment dans la jeunesse". Une solidarité qui, il en convient lui-même, ne pèsera que trop peu face aux chars et aux avions russes.