Guerre en Ukraine, "On joue perdant-perdant" : entretien avec Vladimir Fédorovski, ancien diplomate russe

Artisan de la fin de la guerre Froide sous Gorbatchev, ancien diplomate, Vladimir Fédorovski se décrit lui-même comme « fossoyeur de la guerre Froide, mais aussi écrivain russe le plus édité en langue française. » . Il est donc Russe mais aussi Ukrainien par son père. Il nous livre son analyse à la suite de l’attaque militaire des troupes russes en Ukraine.

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"Mon père a été un grand Ukrainien, alors forcément, je suis doublement déchiré : comme Ukrainien et comme Russe", explique en préambule Vladimir Fédorovski. Et d'ajouter : "c’est une journée très triste pour moi. J’ai le sentiment que tout le sens de ma vie diplomatique comme fossoyeur de la guerre Froide a été bousillé".

Pourquoi la Russie attaque l'Ukraine ?

Vladimir Fédorovski, ancien diplomate, tient à rétablir un équilibre. Pour lui, qui ne soutient pas Poutine, il est inacceptable de présenter les Russes comme les seuls coupables de la situation actuelle : "les gens tapent sur les Russes mais ce que l’on vit aujourd’hui tient à une erreur fondamentale qui remonte à la fin de la sortie du communisme de la Russie : les Occidentaux ont refusé d’associer le pays avec le monde libre. On a marginalisé la Russie, on l’a humiliée même, et on paie très cher pour cela aujourd’hui."

Vers une 3e Guerre mondiale ?

Ce qui arrive est très grave" reprend l'ancien diplomate, "c’est pire que la guerre Froide pendant laquelle il y avait des lignes rouges à ne pas franchir". "Aujourd’hui, on assiste à un grand mélange entre propagande et politique réelle ; en plus on ne parle plus le même langage. On joue perdant-perdant et ce jeu peut coûter très cher ", s’inquiète-t-il.

"Evidemment, personne ne veut de cette solution, mais la guerre a sa logique et elle peut être déclarée à la suite d’un dérapage, si un dirigeant prend une décision erronée" prévient Vladimir Fédorovski, "Je crains les erreurs d’analyses, d’autant plus que les puissances détiennent l’arme nucléaire… "

En dépit des explosions entendues à Kiev, Vladimir Fédorovski s’insurge : "personne ne veut m’entendre quand je dis que les Russes ne vont pas attaquer Kiev. Je suis partisan de la vérité, c’est un mensonge de la part des Etats-Unis d’avoir répandu l’idée que les Russes voulaient bombarder la capitale. Les Russes, même s’ils soutiennent Poutine, n’accepteront jamais le bombardement de Kiev, jamais !"

 L'utilité des sanctions à l’égard de la Russie

"Ces sanctions sont une illusion" répète Vladimir Fédorovski, fataliste, "Le peuple russe soutient Poutine plus que jamais, alors les sanctions ne vont rien changer de ce côté. Ce qui est sûr, c’est que cela fera augmenter le prix du gaz en France par 10, on va aller vers une crise financière en France, en Allemagne. Je prédis un choc pétrolier... Finalement aujourd’hui il ne nous reste que ça, la pression, il faut se faire entendre à tout prix."

En l’état actuel du conflit, on pourrait penser que le temps des discussions et des échanges est révolu. C’est pourtant LA solution défendue par Vladimir Fédorovski. L’ancien diplomate martèle que "c’est la seule issue. Et je ne dis cela parce que j’ai été un gestionnaire professionnel des crises. Il va falloir renouer le dialogue, ça sera très difficile parce que l’incompréhension est totale. On vit un moment très dangereux, la seule solution sera de trouver un arrangement, et je crois aux démarches qu’Emmanuel Macron a menées ces dernières semaines envers la Russie, et aux gestes diplomatiques qu’il va falloir réinstaurer à l’avenir. » « Le moment actuel a pour conséquence de former deux blocs : le bloc Russie/Chine et éventuellement l’Iran d’un côté, anti-occidental. De l’autre, le bloc occidental très soudé. On peut dire que l’Otan a renforcé Poutine et Poutine a renforcé l’Otan ", constate l’ancien diplomate.

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