A 83 ans, Krzysztof a décidé de repartir dans son pays d'origine, la Pologne, accompagné de son fils et de sa caméra pour un voyage dans le passé, le présent et le futur.
Après avoir passé 50 ans en France, Krzysztof a bien l'intention de repartir vivre dans la maison de son enfance à Poznan, en Pologne. Son fils Filip, réalisateur, a décidé de suivre son père avec sa caméra pendant sept ans pour immortaliser les étapes de cette grande décision. Plus qu'un retour aux sources dans un pays d'origine, c'est toute une histoire de famille qui se dévoile dans le documentaire "Le château de mon père".
Retour aux sources
Krzysztof a émis le souhait de repartir vivre avec sa femme dans l’immeuble de son enfance même s'il est tiraillé entre la France et la Pologne, entre la terre où il a vécu la plus grande partie de sa vie et la terre de la mémoire.
Alors, pour l’aider à se décider, son fils a organisé un voyage à Poznan car cet immeuble familial, Filip en a toujours entendu parler sans vraiment le connaître. Ce qu'il sait, c'est que malgré ses origines juives et malgré le communisme, sa famille a pu le conserver. Ils partent alors à deux pour se retrouver dans l’immeuble familial.
L'installation, les travaux, le quotidien et des habitudes qui reviennent spontanément, comme celui de lire la presse dans le café du coin... Filip filme inlassablement son père quand il ne passe pas, lui aussi, de l'autre côté de la caméra parfois pour l'interroger sur le passé, le faisant rejouer des scènes avec plus ou moins de facilité.
Parfois amusé, agacé ou vraiment géné, le père se laisse tout de même diriger par le réalisateur sans oublier pour autant que celui-ci est avant tout son fils à qui il a le droit de dire non quand il en a assez.
Souvenir après souvenir, lieu après lieu, Krzysztof tente de recréer le passé pour mieux l’exorciser, encouragé par les questions de son fils Filip qui continue encore et toujours à le filmer.
Une histoire dans l'Histoire
Ce voyage en Pologne, qui est aussi un voyage dans le temps, amène Krzysztof à revivre son passé face à son fils.
Krzysztof est né en 1939 et a grandi en Pologne en tant que juif sous l’occupation allemande, cachant son identité pour échapper à la déportation. Ce n’est qu'à l'adolescence, après sa communion catholique, qu'il apprend par une lettre anonyme qu’il est juif.
Il évoque bien-sûr la figure de sa grand-mère mais aussi de sa mère Alexandra, une femme juive abandonnée par son mari en 1939 et qui a tout fait pour sauver son fils de l’extermination. L'occasion pour Filip de se rapprocher d'une grand-mère qu'il n'a jamais connu, à qui il rend toutefois visite chaque année quand son père nettoie sa tombe dans un cimetière parisien.
Une mère à qui, à 22 ans, Krzysztof part rendre visite à Paris car partie de Pologne plusieurs années plus tôt, laissant son jeune fils sous la garde à une grand-mère et à un oncle alors qu'il ne connait pas son père.
Une visite dont il ne reviendra finalement pas, ayant goûté à la liberté et pouvant bénéficier du statut de réfugié politique. Une décision douloureuse par rapport à sa grand-mère et à son oncle qu'il ne peut même pas prévenir par téléphone, les lignes étant sur écoute...
Un voyage entre la France et la Pologne où passé, présent et futur s'entremêlent, éclairant par la même occasion une histoire familiale au coeur de l'Histoire du XXè siècle.
Projections en avant-première
Ce documentaire a fait l'objet d'une projection en avant-première le 26 novembre au Festival International du Film d'Histoire de Pessac dont le thème de la 33è édition était "Notre terre".
🎞« Le château de mon père » retour en Pologne pour un exilé à Paris. 1 documentaire présenté en avant-première au Festival du Film de Pessac. A découvrir jeudi à 22:50 sur @france3 #nouvelleaquitaine et sur @FranceTV #histoire @F3Regions @FIFH_Pessac pic.twitter.com/wRYr6V21Qb
— Com France 3 N-A (@comf3aqui) November 26, 2023
Une projection suivie d'un échange avec le public en présence du fils et réalisateur Filip Flateau qui confesse qu'il fut très difficile de convaincre son père de faire ce documentaire. Mais ce qu'il sait, c'est que son père s’est rendu compte qu’il était devenu un héros malgré lui dans le film, qu’il aime le film et qu’il est fier de son fils.
Et à la question posée dans la salle si son père s'était enfin installé en Pologne, la réponse est claire : "Non, il n'a toujours pas choisi s’il allait repartir vivre en Pologne ou pas". Le temps passe et le projet de quitter Paris semble progressivement s'estomper.
"Le Château de mon Père" a également été projeté le 7 novembre 2023 au Mémorial de la Shoah à Paris dans le cadre du mois du documentaire.
Une histoire de famille
"Le château de mon père", c'est aussi le lien et l'échange entre un père et un fils, tantôt en français ou en polonais, devant et derrière une caméra, avec une mère qui apparait et intervient parfois. Le tout avec l'humour qui caractérise chaque membre de la famille. C'est l'histoire des rapports humains au sein d'une même famille filmés dans une certaine intimité. Un peu aussi comme une thérapie familiale dont l'histoire a été marquée par la guerre et les séparations.
Un plongeon en images dans les archives d'une famille dont l'histoire peu banale et universelle à la fois se révèle devant un écran. Mais comme pour chaque famille, d'où qu'elle vienne et d'où qu'elle soit, n'y a-t-il pas aussi toujours une histoire dans l'Histoire ?
Après avoir consacré deux documentaires à sa mère, rescapée du ghetto de Varsovie, "Le formulaire" (et un autre qui n'a pu aboutir), et après "Le château de mon père", Filip Flateau envisage un prochain documentaire dont les protagonistes ne seront autres que ses parents, mais ensemble cette fois face à la caméra. L'histoire ne dit pas encore si le fils, lui aussi, y sera ou s'il restera seulement derrière à immortaliser ses parents.
Le château de mon père
Diffusion sur France 3 Nouvelle-Aquitaine jeudi 7 décembre à 23.40 et sur la plateforme france.tv
Réalisateur : Filip Flatau
Auteurs : Filip Flatau et Emmanuel Dayan
Coproduction : Zadig Productions - France 3 Nouvelle-Aquitaine
Durée : 52’
Avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, de la PROCIREP – Société des Producteurs et de l’ANGOA
Avec la participation du Centre National du Cinéma et de l’image animée