Après les tempêtes, les huîtres du bassin d’Arcachon doivent désormais se battre contre l’herpès. Le virus, sans conséquence pour l’homme, touche principalement les huîtres de moins d’un an.
Dans les parcs ostréicoles de Christopher Hans, l’humeur est morose. Si ses huîtres ont échappé aux dernières tempêtes, elles n’ont pas eu la même chance face à l’ostreid herpes virus. “On a entre 60% et 90% de pertes, selon l’âge des huîtres”, lâche Christopher Hans, ostréiculteur à Andernos sur le bassin d'Arcachon.
Chaleur fatale
À son compte depuis deux ans, il compose avec la maladie qui touche une grande partie des parcs de “ l’intra-bassin”. “Il y a une plus grande mortalité des huîtres ces dernières années à cause des grandes périodes de chaleurs ainsi que les canicules et dans le bassin, on n'a pas l’eau fraîche de l’océan”, explique Christopher Hans.
En novembre 2022, par exemple, il a fait très chaud et on a constaté un pic de mortalité à ce moment-là.
Christopher Hans,propriétaire des Coquilles du Bassin
Pour autant, l’intégralité du Bassin d'Arcachon n’est pas contaminée. Il s’agit plutôt de zones où l’herpès se répand “par patchs”, des clusters de l’herpès de l’huître. “Ça peut être des zones qui comprennent dix à quinze poches”, explique Christopher Hans.
Le virus, qui s’est installé en Europe aux alentours de 2008, touche principalement les huîtres de moins de 18 mois, “en particulier les naissains”. Son principe : s’enrouler autour de l’ADN des huîtres qui, une fois porteuse, vont le transmettre à leurs congénères. “L’herpès va en réalité neutraliser les défenses immunitaires de l’huître, qui devient beaucoup plus fragile aux milliers de bactéries présentes dans le bassin”, explique Christopher Hans.
Pas de trésorerie
Sans conséquence pour l’homme et sa consommation, l’herpès reste pourtant un véritable fléau pour les ostréiculteurs. “Dans les extrêmes, on peut perdre jusqu’à 95 % des naissains et donc autant de production qu’on aurait pu vendre trois ans plus tard”, indique Christopher Hans.
Des pertes colossales, que les ostréiculteurs ne peuvent prévenir. “Nous sommes sur des élevages 100 % naturels. On ne traite pas, ni ne soigne pas ces animaux”, indique Olivier Laban, président du Comité Régional de la Conchyliculture Arcachon Aquitaine (CRCAA).
Nous n’avons pas beaucoup de marge de manœuvre et on ne sait pas réellement ce qu’il se passe, pourquoi, selon les années, certaines zones sont touchées et d’autres non.
Olivier Laban,président du CRCAA
Seules solutions : “Acheter des huîtres en cours d’élevage, ce qui rend les coûts de production explosifs, soit on achète des stocks plus importants de naissains dès le départ, en sachant qu’une grande partie sera morte avant de pouvoir les vendre”.
Cet hiver, les ostréiculteurs luttent pour garder le sourire. “Entre les tempêtes et les maladies, l’addition cette année est salée. Mais c’est sous le grain qu’on voit le marin et on va continuer à faire face”, positive Olivier Laban. “C’est évidemment beaucoup plus dur à gérer pour de jeunes exploitations qui n’ont pas forcément la trésorerie ou le roulement pour pallier ces pertes”.
Argument commercial
Malgré les annonces d’un “pseudo-vaccin”, il y a deux ans, les avancées aujourd’hui sont au point mort. “Il n’y a pas eu d’essai grandeur nature de fait, et dans tous les cas, ça ne rentre pas trop dans notre philosophie qui est de travailler des produits 100% naturels”. conclut Olivier Laban.
Fléau des ostréiculteurs, la résistance à l’herpès est d’ailleurs devenue l’un des principaux arguments de ventes des écloseries. “Ils promettent des naissains triploïdes plus résistants en choisissant des gènes particuliers. Dans mon cas, ce sont ceux qui ont été les plus touchés”, ironise Christopher Hans.
Olivier Laban, lui, préfère garder la tête hors de l’eau, en se focalisant sur la bonne nouvelle de l’année. “Si la quantité est moindre, la qualité est largement au rendez-vous par rapport aux années précédentes".