Carburant. Des dizaines d'automobilistes tombent en panne après avoir fait le plein : "il y a de l'eau dans le gazole, c'est certain"

Depuis plusieurs mois, des dizaines d’automobilistes sont victimes de panne après avoir fait le plein d'essence ou de gazoil dans des stations services de Gironde. Nombre d'entre eux mettent en cause le carburant, qu'ils disent mélangé à l’eau. Les coûts de réparation s’élèvent parfois à 10 000€.

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Ce vendredi 13 avril, le fils d’Anna Alberti fait le plein de son véhicule dans une station-essence de Sainte-Eulalie avant de prendre la route. Quelques kilomètres plus tard, la voiture déclare des premiers problèmes de puissance, avant d’être totalement immobilisée. “Les voyants moteur et injecteur se sont allumés. Mon fils s’est vite garé alors qu’il était sur l’autoroute, et il n’a plus redémarré”, explique Anne Alberti.

Centaines de cas

Depuis quinze jours, sur les réseaux, les groupes d’entraide se multiplient. “On est déjà une centaine et on ajoute de nouvelles personnes chaque jour”, explique Eric Hosteins. Lui, fait partie des “chanceux”. “Je venais d’acheter ma voiture. Après avoir fait le plein, mes voyants se sont allumés, la voiture s’est mise en sécurité. Mais depuis, j’ai remis petit à petit de l’essence et elle semble aller mieux”, explique le Girondin.

Des milliers d'euros en réparation

Tous se sont alors rués dans les garages pour faire réparer leur véhicule. Les professionnels pointent tous la même cause. “On voit quelques gouttes d'eau dans le fond", assure Karim, un garagiste de Bassens. Dans sa bouteille, un échantillon du carburant récupéré d'un véhicule endommagé. "Il y a de l'eau dans le gazole, c'est certain. Comme il y a des pièces électroniques, elles craquent", poursuit Karim, qui a vu ces problèmes se multiplier. 

Dans le véhicule d'Anne Albertini, c’est aussi le moteur qui est gravement touché. “Il est HS. On en a pour près de 3 000 euros de frais de réparation”, avance la conductrice. Moteurs, injecteurs, sondes, pompes, les cas s’égrènent et les montants des réparations se comptent en milliers d'euros. “Pour l'instant, le garage a identifié un problème au niveau de la boîte de vitesse automatique. J'en ai pour 10 300 euros", illustre, dépité, Rachid Matmour.

Cette station service, il s'y rend régulièrement. "Je n'avais jamais eu de problème avant", explique-t-il. Ce samedi 6 avril, lorsqu'il prend son véhicule, le voyant moteur s'affiche. "Il y a ensuite eu une perte de puissance, je ne pouvais pas dépasser les 30 km/h", détaille Rachid Matmour. 

Le problème à la racine, ce n'est pas la boîte de vitesse. C'est tout le système : moteur, injecteur, pompes...

Rachid Matmour

Automobiliste victime

Prélever au plus vite

Face à l’ampleur du phénomène, les victimes tentent désormais d’apporter des preuves. “Pour ceux qui ont des protections juridiques, on essaie de faire prélèvements, mais cela coute en moyenne 1000 euors”, avance Laurence Defosse, également victime. Certains ont aussi choisi de saisir la justice, pour faire reconnaître leur préjudice, qui s’élève parfois à plusieurs milliers d’euros. "Un expert va passer pour analyser le problème. Nous avons également pris un avocat", explique Rachid Matmour.

Cet après-midi, ils étaient trois à exploser leur situation à Luc Berard, un avocat libournais spécialiste des droits des usagers de la route. Pour lui, la multiplication de situation dans un lieu unique joue en faveur des victimes. "À partir du moment où les personnes ont pris soin de conserver leur ticket de caisse ou un relevé de carte bleue horodaté et localisé, il ne devrait pas y avoir de difficulté", indique Luc Berard. "Mais il faut, d'autre part, prévoir de faire une analyse de carburant et un avis technique du mécanicien."

Pour l’heure, les deux stations services concernées de Sainte-Eulalie et Ambarès, ont mis en place un formulaire de réclamation. "Les centres E.Leclerc de sainte-Eulalie et d'Ambarès sont en contact avec les clients concernés et examinent attentivement la situation afin d'y apporter une solution plus rapidement possible", indique le groupe dans un communiqué. Sur le terrain pourtant, “quand on va les voir, ils ne nous disent rien”, regrette Laurence Defosse.

Le nombre de victimes de ces cuves va leur permettre de peser davantage sur leur demande face au centre Leclerc.

Me Luc Berard,

Avocat au barreau de Libourne

Une longue procédure qui inquiète les victimes. “On a l’impression qu’ils jouent la montre. On est nombreux à utiliser nos véhicules tous les jours. Une fois qu’on aura refait le plein, ce sera beaucoup plus difficile à prouver”, argumente Eric Hosteins. Véhicule du quotidien pour beaucoup, certains ne peuvent en effet attendre une issue favorable pour réaliser les réparations ou refaire un plein. "Il va bien falloir qu’on fasse des réparations à un moment, avant que le moteur ne lâche complètement", lance une sinistrée.

Responsabilité

Cuves vétustes, acte malveillant, transport inadapté, de leur côté, les stations services ne reconnaîssent pas la présence d'eau dans leurs cuves. "Un nouveau contrôle complet des cuves a eu lieu ce matin, lundi 15 avril, ne révélant aucune présence d'eau", indique la communication de Leclerc."Une expertise complémentaire est toujours en cours". Si l'enseigne ajoute que les "contrôles réguliers effectués dans les dépôts qui livrent ces magasins n'ont pas relevé d'anomalie dans la qualité de carburants", une source interne affirme que Leclerc serait informé de la présence d'eau. 

Selon certains internautes, les cuves concernées seraient cependant inspectées régulièrement. "Ils m’ont dit que leurs cuves étaient contrôlées par une sonde deux fois par jour et aucune anomalie n’a jamais été détectée", explique l'une d'entre elles.

Leurs pompes sont pourtant toujours ouvertes aux automobilistes. “C’est un manque de responsabilité, il va y avoir d’autres cas et dans toute la France”, regrette Anne Alberti. Son véhicule est en effet immobilisé en Vendée depuis trois jours.

Située à proximité de l’autoroute, cette station-service est aussi un arrêt de choix pour les voyageurs, notamment en cette période de vacances. D’autres situations similaires ont été recensées dans des départements voisins, il y a quelques mois.

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