A 74 ans , Raymond Vinacua est un survivant. Victime du Médiator, il réagit à l'annonce de la condamnation ce lundi 29 mars des laboratoires Servier pour tromperie agravée, "homicide et blessures involontaires".
L'information vient de tomber ce lundi matin 29 mars. Dans son appartement de Talence, près de Bordeaux, Raymond Vinacua la découvre sur les chaînes d'information. Il lit avec attention le bandeau qui s'affiche sur l'écran de sa télévision. "Scandale du Médiator : les laboratoires Servier sont reconnus coupables de tromperie aggravée".
"Tout ça c'est grâce à cette dame", assure le septuagénaire, en référence à la pneumologue brestoise et lanceuse d'alerte Irène Frachon, la première à avoir alerté sur les dangers du médicament. "Si elle ne nous avait pas aidés, tout serait passé à l'as".
"Tromperie aggravée", "homicide et blessures involontaires"
Plus de dix ans après l'ouverture de l'information judiciaire autour du Médiator, le groupe pharmaceutique Servier a été condamné ce 29 mars à 2,7 millions d'euros d'amende. Reconnu coupable de "tromperie aggravée", mais aussi d'"homicides et blessures involontaires". Le tribunal a considéré que les laboratoires Servier avaient sciemment dissimulé les propriétés anorexigènes (coupe-faim) et les dangereux effets secondaires de ce médicament, utilisé par 5 millions de personnes, jusqu'à son retrait du marché en 2009. L'Agence nationale du médicament a de son côté été condamnée à 303 000 euros d'amende.
Moi, j'aurais aimé qu'on leur fasse une piqûre, qu'ils ressentent la douleur que nous on a ressenti, qu'ils connaissent les pertes de salaires qu'on a connus, et qu'ils vivent eux aussi avec 900 euros par mois".
A 74 ans, Raymond Vinacua est une des victimes du Médiator. Il est aussi un survivant. Il raconte, avec son épouse, comment le Médiator est entré dans sa vie pendant plus quinze ans. Diabétique, il se voit prescrire le médicament par son médecin généraliste. Une prise, trois fois par jour. "A aucun moment je ne me suis douté qu'il y aurait des séquelles, ou des problèmes. C'est après que j'ai découvert que je m'essoufflais, que j'étais fatigué après avoir fait un grand effort sans que ça ne passe dans les minutes qui suivent. Mais je ne savais pas du tout que ça venait du Médiator"
Son témoignage >
Des valves qui fuyaient
Puis vient ce jour, qui faillit être fatal, en 2004. "On avait été marcher à Bordeaux, un après-midi. Arrivés dans le centre-ville, devant la mairie, j'ai ressenti des douleurs, au thorax, dans les bras et les dents", se souvient-il. Raymond envisage alors de mettre fin à la promenade, et de se rendre chez le médecin. Sa femme insiste pour le conduire à l'hôpital Haut-Lévêque, craignant un infarctus. Bien lui en prend : sur le trajet, il est pris de nausée. A son arrivée, les médecins diagnostiquent un souci cardiaque "des valves qui fuyaient et des artères bouchées. Ce n'était pas réparable". Ils le conduisent immédiatement en salle d'opération.
"Ils ont dit à ma femme qu'il ne me restait plus que dix minutes à vivre", poursuit Raymond Vinacua qui passera ensuite plusieurs jours en soins intensifs. Il ira ensuite en convalescence deux mois à la Pignada, à Lège-Cap-Ferret.
A l'époque des faits, Raymond Vinacua ignorait totalement que le Médiator, qu'il continuait de prendre, avait pu causer son infarctus. "Je continuais de le prendre. A Haut-Lévèque, on ne me l'a pas retiré", note-il. En 2008, la pneumologue Irène Frachon lance l'alerte. L'année suivante, le médicament est retiré pour risque de valvulopathie. En 2011, un rapport indique que son retrait aurait dû être décidé dès 1999.
"J'aimerais qu'ils sachent notre souffrance"
"J'en veux beaucoup à l'exécutif, au ministre de la Santé de l'époque… Il aurait pu tout arrêter. Qui a subi derrière ? Ce sont des gens comme nous. Ces gens-là sont censés gérer la situation, j'aimerais qu'ils sachent notre souffrance, poursuit Raymond. C'est dur cette maladie-là, j'ai des séquelles depuis : je ne peux pas faire d'effort depuis des années. "
Le couple a été obligé de vendre sa maison et de se retrouver en appartement. "Il ne pouvait plus entretenir le terrain, ni la maison", explique Juanita, son épouse.
Raymond Vinacua est l'un des 6 500 parties civiles du procès. Représenté par Me Jean-Christophe Courbis, qui sera invité du 19/20 de France 3 Aquitaine ce lundi. Il attend désormais une indemnisation.