"Je laisse la gazinière allumée pour chauffer l'appartement", le ras-le-bol des locataires privés d'eau chaude et de chauffage

Depuis le mois de novembre, les locataires du quartier des Aubiers, à Bordeaux, se mobilisent pour alerter sur des problèmes de chauffage et d'eau chaude récurrents dans de nombreux appartements. Des pannes que les bailleurs sociaux justifient par l'engagement de travaux de grande ampleur.

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Le jour se lève à peine sur un ciel grisâtre et nuageux ce jeudi 21 décembre. À Bordeaux, les températures se sont légèrement adoucies, mais pas l'intérieur des appartements de la résidence les Aubiers. "Il ne fait pas beaucoup plus chaud chez moi, à peine 16 degrés", rigole Luc, amer.  Ce matin, les locataires se sont réveillés avec la fâcheuse surprise de voir "une nouvelle fois" leur électricité coupée, tout comme leur eau chaude. "Coupure générale jusqu'à 17 h 30, soi-disant pour réparer la chaudière", lance l'un d'eux, perplexe.

Lui, comme la plupart des locataires, ne croient plus aux promesses de leurs bailleurs sociaux qui ne donnent, selon eux, que très peu d'informations sur la nature des problèmes qui durent depuis mi-novembre.

Une situation inédite

Depuis quarante-huit ans que Marceline Maroya vit aux Aubiers, elle n'a "jamais vécu" telle situation. La septuagénaire, agacée, fait état de problèmes d'humidité, accrus par un chauffage insuffisant dans son appartement. "Il a fait 14 chez moi pendant un mois", rapporte-t-elle, une température en deçà du minimum légal fixé à 19 degrés. 

Avant d'aller me coucher, j'utilise le sèche-cheveux pour chauffer les draps parce qu'avec l'humidité ils sont glacés.

Marceline Maroya

locataire

Même son de cloche chez Nicole Chapo, qui défend par ailleurs l'intérêt des habitants au sein de la Confédération nationale du logement (CNL). L'immeuble de cette locataire de 77 ans dépend d'Aquitanis. "Je leur ai fait remonter une pétition signée par une quarantaine de locataires. Il fait 16 dans ma salle à manger", affirme-t-elle. Pour quantifier l'ampleur du mécontentement, le conseil citoyen des Aubiers, a mis en place un questionnaire adressé à tous les locataires. Sur les 72 réponses obtenues, 70 % rapportent des "problèmes de chauffage".

Le 25 novembre, les locataires adressent une première alerte aux bailleurs sociaux. "Depuis maintenant une semaine, plusieurs étages ont leur système de chauffage qui tourne au ralenti avec une température de 15° tandis que d'autres appartements sont surchauffés", écrit le collectif citoyen. 

Un seuil minimal fixé entre 18 et 19 degrés

La résidence des Aubiers est gérée distinctement par Domofrance et Aquitanis. Depuis 2020, une chaufferie biomasse alimente le réseau primaire en chauffage et eau chaude. Chaque bailleur possède ensuite des systèmes de sous-station pour alimenter les immeubles de leur patrimoine. 

Eric Mangiarotta, directeur de la gestion immobilière et sociale chez Domofrance, admet qu'une douzaine de logements, sur les 300 qu'ils administrent, ont été repérés avec une température en dessous de celle souhaitée. Mais "les réparations nécessaires ont été engagées ce jour, jeudi 21 décembre" date de la coupure générale dans la résidence. "D'ici samedi, tout devrait être rentré dans l'ordre", abonde le directeur. 

Il peut y avoir des problèmes d'équilibrage de chaleur. On a demandé à notre exploitant d'augmenter la température en départ de chaufferie pour corriger la température à l'intérieur des logements, mais on doit trouver un équilibre entre la puissance qu'on envoie et ce que ça peut couter aux locataires.

Eric Mangiarotta

directeur de la gestion immobilière et sociale chez Domofrance

Pour le bailleur social Aquitanis en charge de 720 logements dans la résidence, "aucun problème n'est à signaler sur les installations", même si au démarrage, de la période de chauffe, "quelques anomalies ont été détectées et traitées rapidement". Anthony Denmat, directeur proximité et relation clients, assure prendre les alertes très au sérieux. "Quand on a ces signalements, on fait des relevés de température dans les logements, détaille-t-il, s'il y a une température inférieure à 19 degrés, on fait intervenir un chauffagiste." Depuis une dizaine de jours, 36 contrôles aléatoires ont été réalisés dans les appartements concernés par ces problèmes, seuls deux avaient une température inférieure au cadre légal.

"Comme au Moyen Âge"

"On peut entendre qu'avec 19 degrés, en fin de journée, on a le sentiment d'avoir froid, poursuit-il, mais si on chauffe à 20, voire 21 degrés, ça veut dire derrière qu'on va avoir des consommations énergétiques supérieures et ça, ça peut avoir in fine un impact non négligeable sur les charges. Nous, on a une vigilance à avoir là-dessus. " 

Au-delà des insuffisances de chauffage, les locataires rapportent également des incidents dans la distribution d'eau. "Parfois il faut laisser couler dix litres d'eau avant d'arriver à avoir de l'eau juste tiède, c'est du gaspillage", regrette Marceline Maroya. Dans l'immeuble d'en face, Aissaoui Bekhta est locataire depuis 2007. Elle vit ici avec son mari et ses trois enfants âgés de 3 à 8 ans. Elle n'a pas de problèmes particuliers avec le chauffage même si elle avoue "laisser parfois la gazinière en marche pour réchauffer un peu l'appartement".

En revanche, elle peine à disposer d'assez d'eau chaude pour toute sa famille, particulièrement ces trois derniers jours. Pour pallier cette insuffisance, la mère de famille "fait chauffer de l'eau à casserole". "L'autre jour, mes enfants m'ont demandé si c'était pareil au Moyen Âge, sourit-elle. C'est vrai que nos grands-mères faisaient comme ça pour se laver." 

Encore une fois, Aquitanis ne relève aucun problème de cet ordre. "Il y a eu une panne début décembre mais qui a été directement traité", indique Anthony Denmat.

Des travaux de grande ampleur jusqu'en 2025

Selon Eric Mangiarotta, directeur chez Domofrance, toutes ces pannes résultent de "l'opération de réhabilitation d'ampleur" engagée depuis maintenant un an sur la résidence et qui se poursuivront jusqu'en 2025.  "La sous-station a été entièrement refaite et tout n'est pas encore parfait", conçoit-il, tout en insistant sur la rapidité de leurs réponses en cas d'alertes. "On a quelques moments difficiles à passer, on est dans un creux", explique-t-il. Domofrance signale par ailleurs mettre à disposition gratuitement des convecteurs électriques en "prenant à leur charge le supplément d'énergie dépensé".

Rasit Salmane est à la tête du collectif citoyen. "On ne veut pas taper sur les bailleurs sociaux, insiste-t-il. On n'est pas des gens qui râlent beaucoup, c'est important de le dire." Aujourd'hui, l'intégralité des locataires demandent avant tout de la transparence. Les bailleurs sociaux quant à eux affirment faire de leur mieux en déployant des campagnes de sms et d'informations, amplifiées par des permanences dans leurs locaux.

Si on est là aujourd'hui c'est vraiment qu'il y a un ras-le-bol. On ne veut pas leur jeter la pierre."

Rasit Salmane

locataire à la tête du collectif citoyen

Si les problèmes persistent, le collectif citoyen prévoit de rencontrer des associations et la commission départementale de conciliation de Gironde pour "faire valoir ses droit"

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