Figure de l'église catholique, longtemps "personnalité préférée des Français", l'abbé Pierre est aujourd'hui accusé par six femmes de violences sexuelles. La communauté Emmaüs, fondée en 1985 à l'initiative de l'abbé Pierre pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion, est sous le choc face à ces accusations, qui surviennent dix-sept ans après son décès.
"On est dans un état de sidération, de choc, confie amèrement Pascal Lafargue, président de la communauté Emmaüs Gironde. C’est difficile de voir une personnalité comme l’abbé Pierre accusée d’agressions sexuelles, avoue celui qui a rejoint l'association en 1989. Aujourd'hui, je veux dire une seule chose : mesdames, on vous croit, même pour l'abbé Pierre."
Baisés forcés et attouchements
Considéré à seize reprises comme "la personnalité préférée des Français", l'abbé Pierre, fondateur de la communauté Emmaüs, est aujourd'hui accusé d'agressions sexuelles, dix-sept ans après sa mort à l'âge de 94 ans, en 2007. Un rapport accablant, dont les conclusions ont été révélées par le journal La Croix ce mercredi 17 juillet 2024, raconte des témoignages qui font état de baisers forcés et d'attouchements sur six femmes, dont une mineure, au moment des faits présumés. Ils auraient été commis entre la fin des années 1970 et le début des années 2000.
Détaillées sur huit pages, ces prises de parole résultent d'une enquête voulue par Emmaüs International, après qu'une femme s'est confiée auprès de responsables de l'association, en juin 2023. Confiée au cabinet Egaé, expert en prévention des violences sexistes et sexuelles, l'enquête a entendu douze personnes entre le 10 avril et le 5 juin. Ces entretiens ont été réalisés par la militante féministe Caroline de Haas, directrice associée du groupe Egaé.
Une icône ramenée à son état d'être humain
Pascal LafarguePrésident d'Emmaüs Gironde
"Cette affaire me fait profondément souffrir", confie Pascal Lafargue. Pour cause, le directeur d'Emmaüs Gironde a eu l'occasion de "passer des moments privilégiés avec l'abbé Pierre", en France comme à l'étranger. Durant ces voyages, notamment en Amérique latine et en Europe, Pascal Lafargue assure n'avoir "jamais été témoin de gestes déplacés". Toutefois, reprend-il, "on parle ici d'agressions sexuelles. Il ne faut rien minorer. Il faut soutenir le combat des femmes."
Aucuns soupçons
Au sein de la communauté Emmaüs de Lescar-Pau, dans les Pyrénées-Atlantiques, l'incompréhension est de mise. "J'ai eu l'occasion de rencontrer l'abbé Pierre à plusieurs reprises et je n'ai jamais eu de soupçons, raconte Germain Sarhy, le fondateur du plus grand site Emmaüs de France. C'est un être humain, avec ses qualités et ses défauts, qui ne sont pas excusables, souligne-t-il. Pour autant,"ces accusations ne remettent pas en cause les engagements du mouvement Emmaüs International et français, ainsi que celui de la fondation Abbé Pierre".
Les clients venus sur ce site pour faire des achats affichent aussi leur déception. "Ces accusations changent la vision que j'ai de l'abbé Pierre, confie une trentenaire devant la communauté de Lescar-Pau. Il faut écouter les femmes, même s'il est connu pour avoir œuvré dans le social et pour avoir aidé les personnes en difficulté." De son côté, une autre consommatrice atteste : "On peut faire du bien aux pauvres et du mal aux femmes."