A Bordeaux, une jeune entreprise sociale accompagne les femmes issues de l'immigration en valorisant leur savoir-faire culinaire et en leur aidant à devenir cheffes de cuisine.
Lundi 2 mai, Orane et Sabrina doivent livrer un cocktail pour 110 personnes. A leur client, la préfecture de la Gironde, elles ont proposé des spécialités vietnamiennes et mauriciennes. Elles maîtrisent cette cuisine. C'est celle de leur pays d'origine.
Orane et Sabrina viennent de lancer leur activité de traiteur. L'entreprise Marie Curry les a accompagnées et mettra, à leur disposition, son laboratoire et tous ces équipements, à prix réduit. C'est elle aussi qui procédera à l'achat des produits et gérera l'organisation.
Marie Curry, dont le nom évoque à la fois une scientifique d'exception et un mélange d' épices exotiques, est née de la rencontre entre Elise Thorel et de Sandrine Clément, alors bénévole au Refugee Food Festival. Chaque année, cette manifestation cherche à "faire évoluer les regards sur les personnes réfugiées, grâce à la cuisine" Mais elle n'est organisée qu'une fois par an dans une quinzaine de ville.
L'une et l'autre voulaient la pérenniser toute l'année, et "la mettre à la sauce locale". Elles ont lancé leur entreprise en plein confinement, alors que l'évènementiel et la restauration étaient à l'arrêt. Deux ans, plus tard, elle dégage trois salaires, celui de ses deux fondatrices et celui Florent Lasserand, le chef coach.
Et elles ont accompagné une quinzaine de femmes originaires de Syrie d'Iran, de Centre Afrique, d Algérie, de l'ile Maurice, du Vietnam, du Maroc et d'Arménie. Grâce à leur activité de traiteur de cuisine du monde éco-responsable, elles peuvent leur proposer des missions épanouissantes, des débouchés différents de la cuisine de collectivité. Et pour celles qui veulent aller plus loin, elles organisent des ateliers, des formations, leur donnant les clés nécessaires pour créer et développer leur propre entreprise.
"L'idée, c'était d'allier droits des femmes et gastronomie" résume Elise.
En cuisine, 90% des chefs sont des hommes et pourtant dans les foyers, c'est avant tout une affaire de femmes, de recettes qui se transmettent de générations en générations. Un art éminemment culturel. Un "matrimoine" pour reprendre un mot effacé par l'histoire qui revient sur le devant de la scène.
"C'est un savoir faire qui n'est pas valorisé ni socialement ni économiquement" . Marie Curry veut " rendre visible les talents de ces cheffes" Elise Thorel espère aussi introduire un peu de féminin voire de féminisme dans un milieu qui n'a pas beaucoup évolué sur ce sujet sociétal.
Le 21 mai prochain, Marie Curry organise un festival gourmand et solidaire. Une vitrine de tous ces talents au Garage moderne avec un menu mezzés réalisé par quelques unes de leurs cheffes. Et avant la fin de l'année, Elise et Sandrine veulent ouvrir un restaurant dans le quartier de Saint-Michel à Bordeaux. Pour l'instant, leur principale ressource provient des subventions de l'état, de la région Nouvelle-Aquitaine, du Fonds social européen des villes de Bordeaux et Cenon et de Bordeaux Métropole.
Leur ambition d'ici deux ans : perfectionner leur modèle économique et embaucher une dizaine de salariées. Marie Curry cherche déjà un-e chargé-e de communication en contrat d'alternance.