Ils étaient déjà en proie à une conjoncture économique difficile. Les agriculteurs doivent aussi affronter cette année une baisse flagrante des récoltes de blé due à une importante pluviométrie. Certains n'ont même pas pu semer.
Tous n'ont pas encore moissonné. Et pour ceux dont le blé est encore sur pied, un simple coup d'œil suffit. Les champs sont clairsemés. À Goos en Chalosse, Xavier Potier s'apprête à connaître l'une de ses pires récoltes de blé. La pluie quasi incessante depuis octobre l'a obligé à semer avec deux mois de retard. Un changement de calendrier qui n’a pas suffi. "Avec l'humidité tous les grains ne sont pas ressortis. Il manque de densité. Il devrait être plus épais pour avoir un bon rendement".
J'avais misé sur 60 quintaux, j'espère en avoir 40.
Xavier Potier, agriculteur
Perte de rendement et déclassement
Les agriculteurs ont eu beau retarder les semis, leurs cultures ont tout de mêmes été touchées. Début décembre, la pluie est tombée en abondance alors que les agriculteurs avaient déjà semé. "Cela a impacté les levées et cela a fait perdre des pieds de blé au mètre carré", explique Philippe Mouquot, conseiller en grandes cultures à la Chambre d'agriculture de la Gironde. "Et cela a limité le phénomène de tallage qui correspond pour la plante à la possibilité pour la plante de faire trois pieds par exemple avec une seule graine".
La pluie a favorisé les maladies et réduit la qualité du blé avec des grains de plus petite taille. "Il est possible qu'une partie du blé soit déclassée en blé fourrager et ne puisse pas rejoindre la filière du blé panifiable qui permet d'un petit peu mieux valoriser les blés", poursuit Phillipe Mouquot. Le prix du blé fourragé est 10% à 15% moins élevé que le blé panifiable.
Problèmes de trésorerie
À la Chambre d'agriculture de la Gironde, les informations remontent. Et la tendance est clairement mauvaise. "Les premiers retours de moisson sont très décevants", relate Philippe Mouquot. "Les agriculteurs annoncent des pertes de rendement allant de 15% à 30% avec des niveaux de qualité très variables en fonction des situations". Et visiblement, ce seraient les terres argileuses qui auraient été les plus touchées par la forte pluviométrie. "C'est un peu la pire année qu'on ait pu connaître depuis ces 20 dernières années", conclut-il.
On se souviendra de 2024 comme étant dans notre région une année catastrophique.
Philippe Mouquot
Certains agriculteurs n'ont même pas pu rentrer dans les champs devenus impraticables pour semer. En Gironde dans les marais du Blayais, à peine 10% des surfaces ont été mises en culture. Aurélie Roudier fait partie de ceux qui ont laissé passer leur tour. Habituellement elle sème 70 hectares de blé. Cette année elle n'a rien semé. "Le manque à gagner il va se faire ressentir maintenant", dit-elle. "C’est-à-dire qu'à l'inverse des autres années, il n'y aura pas de rentrée d'argent ni en juillet ni en août parce qu’il n'y a pas de récolte. Donc ça, c'est quelque chose de très difficile à gérer niveau trésorerie. On est déjà dans une économie agricole un petit peu particulière et difficile".
Pour cette agricultrice c'est la double peine. Elle collecte et stocke les grains venus des autres exploitations voisines. Une activité presque à l'arrêt aujourd'hui. La jeune femme nous montre la porte de son silo presque vide. "Normalement on ne devrait pas pouvoir l'ouvrir", explique-t-elle.
L'année dernière qui était une bonne année, on a rentré au total 4500 tonnes de blé. Aujourd'hui, j'ai évacué le premier camion donc j'ai rentré 30 tonnes.
Aurélie Roudier, agricultrice
Adaptabilité et compétitivité
Sécheresse en 2022, pluviométrie record deux ans plus tard, les épisodes climatiques extrêmes se succèdent et compliquent le travail des paysans. "Avec le dérèglement climatique les choix techniques sont plus difficiles à faire", explique Philippe Mouquot de la Chambre d'agriculture. "La principale conséquence pour les exploitants agricoles, c'est qu'il faut être capable de s'adapter à ces situations-là en souvent faisant grossir son parc matériel pour pouvoir intervenir sur des plages disponibles très étroites".
Cela amène un problème de compétitivité car faire grossir son parc matériel cela coûte très cher aujourd'hui.
Philippe Mouquot, Chambre d'agriculture de la Gironde
"Il est très souhaitable d'être assuré contre le dérèglement climatique", conclut Philippe Mouquot. "L'assurance n'est pas parfaite mais elle permet de couvrir au minimum dans la plupart des cas les charges de mise en culture et d'éviter de se retrouver dans de grosses difficultés financières". Selon la Cambre d'agriculture de la Gironde, la récolte devrait baisser d'environ 30% en moyenne cette année sur le département.