Il devait comparaître ce mardi 9 mars devant le tribunal judiciaire de Bordeaux. Le palefrenier de l'écurie des châteaux d'Arsac était appelé à la barre pour sévices graves ou actes de cruauté sur animal domestiqué. Le prévenu ne s'est pas présenté. Son avocat a demandé le report de l'audience.
Les quatre propriétaires espéraient aujourd'hui la fin de leur calvaire. Depuis 2015, ils cherchent à comprendre ce qui est arrivé à leurs chevaux de compétition entre juillet et novembre 2015.
Laissés en pension à l'écurie des châteaux d'Arsac en Gironde, ils se sont mis à boiter du jour au lendemain. Parmi eux, Casanova S, un étalon très prometteur de quatre ans que Nicolas Manneville a acheté à ses filles Aimée et Clémence. Il est aujourd'hui au pré dans Les Landes, handicapé, privé de tout avenir dans le milieu de la course équestre.
Eugénie Serra, elle aussi, a tout perdu cette année-là. Ses deux compagnons, Quador de Galeste et Rhapsodie ont été durablement blessés. La cavalière, qui était salariée à l'écurie, a renoncé à sa passion. Elle n'a plus envie de monter :
Ça a été dramatique dans ma vie professionnelle et personnelle. Je l’ai très mal vécu. Ça reste des animaux qui sont sensibles aux douleurs, sensibles aux émotions. Mon premier cheval blessé a passé des mois dans son box. Je sentais sa détresse. Ça a eu des répercussions sur moi. J’ai fait une grosse dépression par la suite. Quador était vraiment mon cheval de cœur avec lequel j’ai vraiment progressé. On a commencé par sauter des petites épreuves et on a terminé sur des épreuves professionnelles.
Acte intentionnel
En 2015, une première plainte est déposée à la gendarmerie de Macau. La vague de mutilation de chevaux ne sévira que cinq ans plus tard dans les prés de France. Mais les cinq chevaux blessés, de façon inexpliquée, suscitent beaucoup d'interrogations.
Finalement, des examens médicaux montreront des plaies dans la fourchette, la partie molle du pied des équidés. Selon le magasine spécialisé le Grand Prix, les vétérinaires consultés ont conclu à un "acte intentionnel perpétré sur chacun des chevaux, une plaie profonde au niveau du pied jusqu’à l’os naviculaire avec infection, entraînant une inaptitude irréversible à la pratique sportive et leur invalidité définitive".
Le palefrenier, qui soignait les chevaux, est entendu mais l'affaire est classée sans suite en 2018. Eugénie Serra qui ne travaille plus à l'écurie confie alors à Nicolas Manneville ce qu'elle avait gardé pour elle. Elle avait vu le palefrenier donner un coup de tazer à son étalon Casanova S. Cette fois, la jeune femme accepte de témoigner.
L'enquête est rouverte. Dans le même temps, le propriétaire de l'écurie et son palefrenier portent plainte pour faux témoignage. Les gendarmes perquisionnent le domicile de l'employé et découvrent le pistolet à impulsion électrique. L'homme passe alors aux aveux.
Retour sur ses aveux
Son procès devait se tenir ce mardi 9 mars après-midi devant le tribunal judiciaire de Bordeaux mais le prévenu ne s'est pas présenté. Son avocat, Ludovic Baustier, a fait une courte déclaration à la presse en sortant de la salle :
Le climat d’animosité dans la salle d’audience n’est pas serein, il n’est pas celui qui est nécessaire dans la qualité d’une audience.
L'avocat a ajouté que son client "conteste les déclarations qu’il a pu faire puisqu’il n’était pas assisté d’un conseil".
De son côté, Maître Carole Guillemin, qui représente les propriétaires de chevaux, ne cache pas sa surprise :
Il a fallu la réouverture de l’enquête, une perquisition qui a permis de retrouver un taser chez lui, une garde à vue consécutive pour qu’après avoir nié les faits, il a fini par les reconnaître en décrivant un mode opératoire très précis, en décrivant les mobiles qui l’animaient. Aujourd’hui, il envoie un avocat. Son avocat prétend qu’il entendrait revenir sur ses déclarations. Pourquoi n’est-il pas là pour le dire lui-même ? Je considère que c’est à l’image des préjudices qu’il a faits subir à cinq chevaux : de la lâcheté suivie de mensonges et de mensonges à répétition.
L'avocate rappelle que le palefrenier avait reconnu avoir enfoncé un clou long de plusieurs centrimètres dans le pied de chacun des cinq chevaux pour se venger de leurs propriétaires qui se moquaient de lui.
Le prévenu risque jusqu'à deux ans de prison mais il n'est pas solvable. Or, les chevaux avaient, pour certains, une grande valeur. La famille Manneville a perdu plus de 200 000 euros (si l'on additionne le prix de l'étalon et les soins et examens médicaux). Comme Eugénie Serra, elle attend aussi un dédommagement de l'assurance du propriétaire, patron du palefrenier.