Une étude de l'Observatoire métropolitain des inégalités s'intéresse aux pratiques numériques des habitants de la métropole de Bordeaux. Elle souligne les difficultés d'une partie de la population à naviguer sur Internet, accomplir des démarches en ligne et éviter les arnaques.

L'enquête de la métropole de Bordeaux dresse ce constat paradoxal : les Bordelais sont connectés mais tous ne se situent pas sur un pied d'égalité quand ils doivent se servir de leur téléphone portable ou de leur ordinateur. 

Dévoilée le 18 octobre, cette synthèse a été réalisée à l'aide d'un échantillon de plus de 5 000 personnes représentatif des habitants de chacune des 28 communes de la métropole bordelaise. Les personnes interrogées ont répondu à une quarantaine de questions relatives au niveau d'équipement, de connexion, d'usages et d'aisance face au numérique.

18% des habitants en difficulté face au numérique

L'immense majorité est dotée d'outils numériques. Ils sont 93% à posséder un smartphone et 80% à détenir un ordinateur. Seuls 2,7% sont dépourvus de tout équipement.

Encore faut-il être à l’aise avec ces outils.18% des habitants de la métropole estiment qu'ils compliquent leurs activités au quotidien. 

C'est le cas de Jeanette Anon, 53 ans, résidente de la commune de Lormont.Je ne connais pas vraiment l'ordinateur, on m’a appris un peu les bases mais j’ai oublié", raconte cette ancienne secrétaire d'une école privée catholique en Côte d'Ivoire.

Là-bas, elle écrivait sur des machines à écrire. En quittant son pays d'origine et son emploi pour s'installer en France, l'informatique l'a mise face à plusieurs difficultés. "Quand je veux taper une lettre sur le clavier, je vais tout doucement. Il faut que je m'habitue". 

Dans sa recherche d'emploi, elle doit surmonter plusieurs obstacles.

J'ai du mal à remplir mes dossiers sur mon espace Pôle Emploi. Si on me dit d'envoyer mon CV par mail, ça n'est pas facile. Je ne sais pas comment mettre une pièce jointe

Jeannette Anon

habitante de Lormont

La peur de l'administration en ligne

Bon nombre d'habitants de la métropole de Bordeaux se sentent perdus devant un écran. Les démarches en ligne suscitent une certaine appréhension, notamment celles qui ont trait à l'administration. Un quart des habitants déclare s’être déjà senti en difficulté en la matière, en majorité les personnes les moins diplômées.

"C’est très lié à la compréhension du français", estime Marie-Pierre Henrot-Karpinski, coordinatrice de l'association de Défense des exclus par la formation et l'information, basée à Lormont. L'organisme a formé 180 personnes aux bases du numérique cette année. "La majorité d'entre elles sont d’origine étrangère et ne maîtrisent pas complètement le français. Ça pose problème sur les services publics dématérialisés”, 

L'Observatoire relève que d'autres usages donnent le sentiment de manquer de compétence, à l'image des opérations bancaires et des démarches médicales.

Il faut revoir ce travail de dématérialisation qui a été fait très rapidement et qui n'a peut-être pas été bien pensé. Il y a un gros travail à effectuer sur l’ergonomie des applications et la simplicité des sites administratifs

Iris Messemanne

écrivain public juriste de l'association Atelier Graphite

Les vingt permanences de l'Atelier Graphite accompagnent chaque année 1600 personnes éloignées de l'écrit et du numérique. Souvent en situation de grande précarité, les bénéficiaires de la structure se retrouvent marginalisés et peu à l'aise avec les services publics en ligne. 80% de nos publics ne touchent pas à un ordinateur, ils utilisent seulement leur téléphone pour passer des appels", précise Iris Messemanne. 

Faute de compétences, certains lâchent l'affaire et renoncent à leurs droits : "Ils mettent ça de coté et quand on leur coupe une allocation, une prestation sociale de la CAF ou qu'on les radie de Pôle Emploi, ils viennent nous voir".

Le coup de main des jeunes aux plus anciens

La synthèse de l'Observatoire métropolitain répertorie également les dangers auxquels les internautes redoutent de s'exposer. Le vol de données personnelles et de mot de passe, les achats frauduleux, les virus et les fake news sont les risques les plus cités.

Signe d'espoir, la solidarité s'organise et les moins à l'aise avec l'informatique reçoivent le soutien des plus aguerris. 75% des habitants de la métropole aident régulièrement ou occasionnellement leurs proches avec le numérique. Les moins de 30 ans sont ceux qui donnent le plus de coups de main.

"C’est primordial, cela montre que même quand on a des petites capacités, on peut aider", se réjouit Iris Messemanne, de l'Atelier Graphite, dont les ateliers sont déjà complets pour les trois prochaines semaines.

La fracture numérique appartiendra-t-elle bientôt au passé ? Les associations spécialisées dans le secteur n'y croient guère. "Toute une frange de la population ne pourra pas être formée. Certaines personnes ont des capacités cognitives qui rendent impossible l'acquisition de ces compétences du fait de leur âge ou de leur handicap", conclut Iris Messemanne.

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