C'est l'accident routier le plus meurtrier de ces quarante dernières années : 43 morts dans un choc entre un poids lourd et un autocar. Un non lieu avait été ordonné. Impensable pour les rescapés et les familles des victimes qui attendent toujours des réponses. Comme le parquet, ils ont fait appel. Leur recours sera examiné les 17 et 18 novembre.
"Je ne suis pas très optimiste, mais on peut toujours espérer". C'est par cet oxymore que Michel Vigier résume ce qu'il attend de l'audience de demain, 17 novembre. La cour d'appel de Libourne en Gironde va examiner le recours contre l'ordonnance de non-lieu prononcé après l'accident de Puisseguin.
Le président du collectif des victimes de Puisseguin se souvient pourtant très bien de la désillusion le 14 octobre 2021, six ans quasiment jour pour jour après le drame, quand le juge d'instruction du tribunal d'instance de Libourne a rendu sa décision.
"J’ai fait tomber mes lunettes. Je les ai ramassées et le car était déjà à moitié enflammé"
"On a éprouvé une certaine désillusion. L'enquête révèle un manquement à un certain nombre de niveaux. Mais on n'en tient pas compte. L'accident aurait eu lieu de toute façon. Je tiens à dire que les 43 morts ne sont pas du fait d'une opération du Saint-Esprit", rappelle Michel Vigier.
Ce non-lieu signifiait qu'aucune responsabilité n'avait été établie et surtout qu'aucun procès ne pourrait avoir lieu.
C'est impensable!
Raymond Silvestrini, l'un des rescapés de l'accident de Puisseguinà France 3 Aquitaine
Raymond était dans l'autocar qui transportait les membres d'un club du troisième âge, ce 23 octobre 2015. Comme sa compagne, deux belles-sœurs et un oncle. Eux n'ont pas survécu.
Nous avions rencontré Raymond le 23 octobre dernier lors du septième anniversaire du drame. Il était aux côtés de Monique Courrège. Elle-aussi est une rescapée de Puisseguin. Elle-aussi a vu mourir une partie de sa famille : deux sœurs, son père et une tante.
"J’avais ma sœur à côté, on papotait ensemble, je n’avais même pas vu le camion. Puis le choc a eu lieu. J’ai heurté le siège avant. J’ai fait tomber mes lunettes, je les ai ramassées et le car était déjà à moitié enflammé. Je n'oublierai jamais cette flamme. Et j'ai dit à ma sœur 'il faut sortir de là'. C'est notre dernière parole", se souvient-elle.
Raymond et Monique ont refait leur vie ensemble. Ils se soutiennent mutuellement quand les souvenirs sont trop vivaces. Raymond insiste sur leur besoin d'obtenir des réponses.
Ca s'est passé en moins d'une minute. Pourquoi ça a été aussi rapide? C'est là qu'il faut se poser la question. On manque d'explications.
Raymond Silvestrini, rescapé de l'accident de Puisseguinà France 3 Aquitaine
Le poids lourd équipé d'un réservoir additionnel
Pour les rescapés, comme pour les familles des victimes, les quarante-trois décès sont liés aux flammes. "On a toujours dit que s'il n'y avait eu que le choc, il n'y aurait eu que des blessés. Ce qui a causé la mort, c'est le feu. Et sur l'incendie, on a des doutes, mais pas de réponse.", rappelle Michel Vigier.
Le président du collectif des victimes invoque le bon sens, qui oblige à envisager des explosions et des gaz qui ont pu asphyxier les passagers. Il rapporte le témoignage de rescapés faisant état de températures extraordinaires, capables de faire fondre le toit de l'autocar.
L'enquête avait mis en évidence la présence d'un réservoir additionnel de carburant sur le poids lourd, la présence de matériaux très inflammables dans l'autocar, des contrôles techniques qui n'ont pas noté le montage erroné de l'ABS, le système anti-blocage de sécurité des freins.
En janvier 2021, le procureur de la république avait d'ailleurs réclamé des mises en examen de plusieurs sociétés et personnes physiques pour "homicides" et "blessures" involontaires, en raison de "manquements" qui ont "indirectement" contribué au lourd bilan du drame.
Un procès pour faire évoluer les normes de sécurité
Maître Antoine Chambolle est l'un des avocats des parties civiles. "Le juge d’instruction a estimé que tout était aux normes... Mais les obligations de sécurité, qui pèsent notamment sur la société d’autocar, n’ont pas été respectées", souligne-t-il.
Lui voudrait que le constructeur de l'autocar Mercedes soit entendu, tout comme les contrôleurs techniques. Les familles de victimes espèrent toujours un procès. Elles se battent aussi pour faire évoluer les normes de sécurité.
On ne court pas derrière des responsables à tout prix mais on veut que quand quelqu'un monte dans un autocar, il puisse en redescendre vivant.
Michel Vigier, président du collectif des victimes de Puisseguin
La cour d'appel examinera leur recours ce 17 et 18 novembre.