Magistrats, avocats et greffiers se mobilisent contre une "justice au rabais"

À Pau, comme dans plusieurs villes de France, les personnels de la justice se sont rassemblés ce 22 novembre à l'appel de 19 syndicats. Un an après une retentissante tribune qui dénonçait leur "souffrance" au travail, ils manquent toujours de personnel.

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Un an plus tard, ils sont de nouveau là. En décembre dernier, les personnels de la justice s'étaient massivement mobilisés pour dénoncer leurs conditions de travail. Aujourd'hui, les syndicats ont de nouveau appelé à des rassemblements partout en France. 

"La réalité du terrain, ce sont toujours des audiences surchargées (...), des délais au-delà du raisonnable, des jugements non expliqués", écrivent 19 syndicats et organisations de magistrats, d'avocats ou de conseillers d'insertion dans un communiqué commun, appelant à "renvoyer toutes les audiences" ce mardi.

Le texte dénonce le "dilemme intenable" auquel sont confrontés les magistrats : "Juger vite mais mal ou juger bien, mais dans des délais inacceptables".

Ce sont des professionnels en proie à une perte de sens qui s’épuisent au travail et des justiciables réduits à l’état de « dossiers » et de « stocks ».

19 syndicats des personnels de la justice

Sentiment de colère à Pau 

A Pau, ce 22 novembre, ils étaient près d'une centaine d'avocats etmagistrats du TGI et de la Cour d’appel de Pau rassemblés, en fin de matinée, devant le palais de justice pour dénoncer des conditions de travail toujours très difficiles. Ils ont observé une minute de silence en hommage à leur collègue de Nanterre décédée en pleine audience. 

C'est un profond sentiment de colère qu'a exprimé Xavier Gradat, le président de chambre à la cour d’appel. Un an après une forte mobilisation des professions de la justice, le compte n'y est pas selon lui. 
"Se retrouver régulièrement sur les marches du palais pour dénoncer nos conditions de travail, et voire que rien ne change au quotidien dans nos juridictions, c'est insupportable", a-t-il relevé au micro de France 3 Pau Sud Aquitaine. 

Conditions de travail et qualité de la justice rendue 

Magistrat depuis 30 ans, Xavier Gradat dit avoir vu les conditions de travail se dégrader d'années en années. Selon lui, c'est ainsi la qualité de la justice rendue qui est diminuée. Et la situation à Pau est préoccupante. 

Au tribunal judiciaire à Pau, nous avons des audiences qui se terminent à 21h, 22h, 23h. (...) Est-ce que nous sommes encore en état d'écouter la personne correctement après 9h d'audience ? 

Xavier Gradat, le président de chambre à la cour d’appel de Pau

à France 3 Pau Sud Aquitaine

À l'origine de cette situation, le manque de personnel dans les tribunaux. Les greffiers, entre-autres, viennent souvent à manquer, "un rouage irremplaçable" selon le bâtonnier de Pau, Claude Garcia, qui estime que sans eux la justice ne peut pas fonctionner.

Un manque de 19 magistrats à Bordeaux

À Bordeaux, où siège l'ENM (école nationale de la magistrature), il n'y a pas eu de rassemblement. Les magistrats n'ont pas voulu organiser de mobilisation, de peur de prendre encore plus de retard dans leur travail. "Ce qu'on ne fait pas aujourd'hui, il faudra le faire après. Donc, on a déjà des difficultés qui durent, ce serait en rajouter après", a expliqué Denis Roucou, vice-président du tribunal et représentant du syndicat de la magistrature. 

Le tribunal judiciaire bordelais souffre, lui aussi du manque d'effectif. À la mi-octobre, il y avait 19 postes vacants sur un effectif théorique de 92 magistrats, selon Denis Roucou.

Plusieurs rassemblements ont eu lieu dans d'autres villes, notamment à Paris, devant le tribunal judiciaire à la mi-journée. Ici aussi, il s'agissait de dire le ras-le-bol d'une profession qui reste, selon les syndicats de magistrats, confrontée à une "charge de travail titanesque".

De la tribune des 3000 aux Etats généraux de la Justice   

La tribune du 23 novembre 2021, signée par 3.000 d'entre eux et publiée dans le Monde avait créé un électrochoc et alerté sur les conditions de travail d'une institution rongée par une "grave perte de sens". Le texte a aujourd'hui été paraphé par près de 8.000 magistrats, auditeurs de justice et greffiers.

Lancées par le gouvernement, les consultations des Etats généraux de la justice ont conforté ce diagnostic en concluant à "l'état de délabrement avancé" de l'institution, auquel le ministère a tenté de répondre en décrochant, pour 2023, une troisième hausse consécutive de 8% de son budget annuel.

"Avec ce budget de presque 10 milliards d'euros, le ministère de la Justice poursuit son changement de dimension avec des moyens à la hauteur de ses missions", avait estimé fin septembre le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, qui doit bientôt dévoiler un nouveau plan d'action.

L'exécutif s'est par ailleurs engagé à recruter 8.500 magistrats et personnels de justice supplémentaires d'ici à la fin du second quinquennat Macron et a annoncé une hausse de salaire de 1.000 euros mensuels en moyenne pour les juges judiciaires. La tribune des 3.000 a "permis d'enclencher de nombreuses actions", assure-t-on à la Chancellerie.

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