Sabena Technics est sur le point de perdre un contrat de maintenance de taille avec l'armée française. Le ministère s'apprête à confier l'entretien de certains de ses Falcon au Suisse Jet Aviation à capitaux américains. A Mérignac, salariés et élus demandent au gouvernement de revoir sa position.
"C'est une décision incompréhensible en contradiction avec la volonté affichée de défendre et de réindustrialiser notre pays " dénonce Alain Anziani, le maire de Mérignac et président de Bordeaux Métropole.
C'est lui qui a alerté la presse locale par le biais d'un communiqué. Il explique que la décision du ministère des Armées d'écarter Sabena Technics "de l'appel d'offre pour la maintenance des Dassault Falcon 200 Gardian et des Dassault Falcon 50 de la Marine Nationale pourrait avoir des conséquences désastreuses" sur l'entreprise basée sur sa commune.
"Sabena Technics est un des grands spécialistes de la maintenance des Falcon depuis des années. Ils ont le personnel qualifié et formé" argumente l'élu girondin.
"Il faut que le gouvernement français soit clair. Est-ce qu'il veut renforcer l'industrie française ou est-ce qu'il préfère renforcer l'industrie américaine ?"
L'offre Sabena "de loin la moins bonne" selon le Ministère des armées
Le ministère des Armées affiche, pour sa part, une position très affirmée. "Dans le cadre du renouvellement de l’entretien des Falcon de la Marine Nationale utilisés en métropole et en Polynésie Française, l’offre de Sabena est de loin la moins bonne" nous assure la cellule communication.
Elle explique que l'offre française est "significativement plus chère et ainsi pèserait beaucoup plus sur les deniers publics".
Jet Aviation aurait en effet présenté un tarif 30 à 40% inférieur à celui de Sabena. Une position très surprenante pour les représentants des salariés girondins qui dénoncent un prix au rabais en vue de rafler un contrat militaire précieux en cette période de crise. "Le gouvernement devrait se poser la question, ce n'est pas raisonnable de proposer un prix aussi bas pour un tel marché" s'indigne Alain Négrier, délégué FO du site de Mérignac.
Mais pour le ministère, le prix ne représente pas le seul critère. "En termes de performance, l'offre de Sabena Technics présente des objectifs de disponibilité des matériels plus réduits alors que le ministère a fait du maintien en condition opérationnelle de ses équipements une priorité".
Il s’agit d’offrir le meilleur rapport qualité/prix à nos forces armées, dont les aéronefs sont fortement sollicités en opérations extérieures et pour la défense du territoire national.
Un recours reste possible
Sabena Technics a la possibilité de déposer un recours pour contester l'attribution du marché à Jet Aviation. "Ce n’est qu’à l’issue des recours éventuels que sera désigné le vainqueur de l’appel d’offres" souligne la cellule communication du ministère.
Ce marché représente entre 10 et 40 millions d’euros par an pour le groupe aéronautique français sur un chiffre d'affaires global de 480 millions.
Une centaine d'emplois serait directement menacée, essentiellement sur les sites de Dinard, Lann-Bihoué (Morbihan) et Nîmes. Les salariés de Mérignac ne seraient pas concernés mais leur entreprise s'en trouverait fragilisée.
"Notre industrie est déjà touchée par la crise de l'aéronautique, ce n'est pas le moment d'en rajouter. Chaque marché est crucial pour une entreprise de ce type, en particulier dans le domaine militaire qui compense en partie les réductions drastiques d’activités de l’aéronautique civil" s'indigne Alain Anziani qui espère que le recours, s'il est déposé, portera ses fruits.
Je suis persuadé que le gouvernement va y être sensible et qu'il reviendra sur la décision peut-être précipitée qui a été prise.
Selon le ministère, la maintenance des Falcon restera dans tous les cas "localisée en France, tout comme les emplois concernés".
Jet Aviation, déjà en charge de la maintenance de Falcon gouvernementaux, procéderait à l'entretien des Falcon de la Marine sur le site de l'aéroport de Bâle Mulhouse ainsi qu'en Polynésie Française.
Sabena Technics, pour sa part, bénéficie d’autres marchés militaires "avec la commande récente d’un avion léger de surveillance et de renseignement ALSR" tient à rajouter le ministère des Armées.
Voir le reportage de Maria Laforcade et Camille Saiseau avec les interventions d'Alain Négrier, délégué FO et d'Alain Anziani maire de Mérignac :